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Chapitre II : Synthèse et applications de matériaux

III. 2 – Propriétés magnétiques des matériaux composites

Le caractère de molécule aimant du POM {Fe6W18} est défini par la présence d'effet tunnel de magnétisation (QTM pour Quantum tunnelling of magnetization) qui se traduit par de larges hystérésis à champ nul observables sur les courbes de magnétisation (M) en fonction du champ magnétique (µ0H) (Figure 37).55 Dans l'optique de futures applications en spintronique ou dans le stockage d'information, il est nécessaire de conserver le caractère SMM du POM après l'incorporation dans la matrice. Les courbes de magnétisation en fonction du champ magnétique des matériaux composites

97 doivent donc présenter des hystérésis pour envisager de possibles applications dans l'informatique quantique.

Figure 37 : Courbes de magnétisation en fonction du champ magnétique a) d'un échantillon cristallin et b) d'une poudre du POM {Fe6W18}. La magnétisation a été normalisée par rapport à sa valeur de saturation Ms.

Avant de pouvoir se concentrer sur le caractère magnétique du matériau composite {Fe6W18}@MIL-101(Cr), il était nécessaire d'étudier les propriétés magnétiques de la matrice MOF paramagnétique. Ce qui, à notre connaissance, n'avait jamais été fait avant. La courbe χMT = f(T) du MIL-101(Cr), présentée Figure 38a, décroit continuellement entre 300 K (χMT = 4,35 cm3.mol-1.K) et 2 K (0,370 cm3.mol-1.K). Ce comportement est le signe d'un couplage de nature antiferromagnétique entre les centres CrIII dans les trimères du MIL-101(Cr) avec un état fondamental ST = ½. En considérant que les trois atomes de chrome dans les unités trimériques du MIL-101(Cr) forment un triangle équilatéral, un Hamiltonien Ĥ adapté au système peut être écrit selon l'équation ci-dessous dans laquelle g est le facteur de Landé, β le magnéton de Bohr, B le champ magnétique appliqué, Ŝ le spin local du centre chrome et J le paramètre de l'interaction magnétique.

Ĥ = βBg(ŜCr1 + ŜCr2 + ŜCr3) -2J(ŜCr1ŜCr2 + ŜCr2ŜCr3 + ŜCr3ŜCr1)

Une bonne corrélation avec les valeurs expérimentales χMT dans l'intervalle de température 300 K – 2 K est obtenue pour une valeur J = -9,4 cm-1 (TIP = 550.10-6 cm3.mol-1, g = 1,93 et R = 4,8.10-5) c (TIP pour temperature-independent paramagnetism) menant à un état fondamental S = ½ et un premier état excité S = 3/2 à 28,2 cm-1. Ces valeurs sont en accord avec les résultats obtenus pour le complexe moléculaire [CrIII

3(H2O)3O(C7H5O2)3)]+ (J = -10,1 cm-1, TIP = 550.10-6 cm3.mol-1, g = 1,97) qui possède une structure très proche de celle des trimères de chrome du MIL-101(Cr).

c R = [∑(χMTcalc – χMTobs)2 / ∑(χMTobs)2]

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Figure 38 : a) Courbe χMT = f (T) pour le MIL-101(Cr) à 1000 Oe entre 2 et 300 K. Cercles noirs : données expérimentales, ligne rouge : courbe théorique calculée à partir de l'Hamiltonien Ĥ. b) Schéma de couplages

dans les trimères de chrome du MIL-101(Cr).

La courbe χMT = f(T) du matériau composite {Fe6W18}@MIL-101(Cr) est présentée en bleue Figure 39a en comparaison avec les courbes du MIL-101(Cr) (en noire) et du POM {Fe6W18} (en rouge). La courbe χMT = f(T) du matériau composite après soustraction de l'influence du MIL-101(Cr) (en verte) est proche de celle du POM {Fe6W18} seul mais pas superposable, ce qui suggère l'existence d'interactions magnétiques entre les POMs hôtes et la matrice MOF. Ceci est confirmé par le décalage autour du champ nul sur les courbes M vs. µ0H du matériau composite (Figure 39b). Ces dernières présentent des hystérésis d'une largeur beaucoup plus faible que celles d'un échantillon poudreux du POM {Fe6W18}. De plus, les marches observables pour un échantillon monocristallin du POM ont été totalement aplaties à cause des interactions magnétiques entre la matrice MOF antiferromagnétique et les POMs SMMs. La variation de la largeur des hystérésis en fonction de la vitesse de balayage et de la température indique que le caractère d'aimant moléculaire des unités POMs est conservé. Cependant, les interactions coopératives entre les POMs et la matrice entrainent une perte du caractère SMM dans le matériau global {Fe6W18}@MIL-101(Cr).

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Figure 39 : a) Comparaison entre les courbe χMT = f(T) du MIL-101(Cr) (noire), du matériau composite {Fe6W18}@MIL-101(Cr) (bleue), du POM {Fe6W18} seul (rouge) et de la courbe obtenue après soustraction de

l'influence du MIL-101(Cr) dans le matériau composite (verte). b) Courbes de magnétisation en fonction du champ magnétique du matériau {Fe6W18}@MIL-101(Cr). La magnétisation a été normalisée par rapport à sa

valeur de saturation Ms.

Dans le cas du matériau composite {Fe6W18}@UiO-67, il est possible d'observer l'apparition d'hystérésis sur les courbes M vs. µ0H à champ magnétique nul en dessous de 1,3 K. Ces hystérésis en marches sont caractéristiques de QTM (Figure 40a). Les courbes de magnétisation possèdent de larges marches à µ0H = 0 indiquant un QTM très rapide. De plus, la dépendance de la largeur des hystérésis en fonction de la température et de la vitesse de balayage met en évidence le caractère SMM des POMs conservé dans le matériau composite.

Finalement, les courbes de magnétisation en fonction du champ magnétique du composé {Fe6W18}@Gel présentent des hystérésis dont le champ coercitif décroit avec l'augmentation de la température jusqu'à une température de blocage d'environ 1,3 K et une vitesse de balayage de 0,14 T.s-1 (Figure 40b). Ces hystérésis varient également fortement avec la température et la vitesse de balayage, ce qui confirme la présence de QTM et la conservation du comportement d'aimant moléculaire des POMs encapsulés dans la gélatine.

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Figure 40 : Courbes de magnétisation en fonction du champ magnétique des matériaux a) {Fe6W18}@UiO-67 et b) {Fe6W18}@Gel. La magnétisation a été normalisée par rapport à sa valeur de saturation Ms.

Il est possible de remarquer que les hystérésis observées pour les matériaux composites {Fe6W18}@UiO-67 et {Fe6W18}@Gel sont beaucoup plus amorties que pour un échantillon cristallin de POMs. Cela indique que les molécules {Fe6W18} sont aléatoirement orientées dans les matrices. De plus, la première marche au champ nul est beaucoup plus abrupte dans les matériaux composites que dans un cristal de POM {Fe6W18} comme le montre les dérivées de la magnétisation par rapport au champ magnétique (Figure 41). Ces dernières montrent également que les marches dans les matériaux composites sont centrées à µ0H = 0 tandis que celle du {Fe6W18} cristallin est déplacée d'environ 35 mT vers les champs négatifs. Les pics

très fins et intenses pour les matériaux composites {Fe6W18}@UiO-67 et {Fe6W18}@Gel contrastent donc radicalement avec les courbes des échantillons des POMs purs (cristal et

poudre). Ceci indique que les

molécules {Fe6W18} sont découplées et magnétiquement bien isolées dans les matrices tout en conservant leur propriété

magnétique d'aimant moléculaire.

Au contraire, dans le matériau {Fe6W18}@MIL-101(Cr), plusieurs POMs occupent les mêmes grands pores et sont beaucoup moins bien isolés ce qui se traduit par un signal beaucoup plus large.

Figure 41 : Courbes dM/dHvs. champ magnétique à 0,03 K et à une vitesse de balayage de 0,07 T.s-1 pour un échantillon cristallin (rouge) et de la poudre (orange) du POM {Fe6W18}

et pour les matériaux composites {Fe6W18}@MIL-101(Cr) (bleue),{Fe6W18}@UiO-67 (verte) et {Fe6W18}@Gel (marron).

101 Ces matériaux composites permettent donc de disperser et d'isoler magnétiquement des POMs aimants moléculaires dans des matrices hybrides et organiques. Dans le cas de la gélatine et de l'UiO-67, les matrices diamagnétiques n'altèrent pas l'anisotropie magnétique des POMs ce qui leur permet de conserver un caractère SMM. Les aimants moléculaires qui présentent toujours du QTM lorsqu'ils sont isolés sont relativement rares et le POM {Fe6W18} se classe donc comme un candidat d'excellence pour des applications en spintronique et dans les ordinateurs quantiques.

Ces nouveaux matériaux magnétiques prouvent que les POMs peuvent conserver leurs propriétés physico-chimiques intrinsèques une fois incorporés dans un MOF. Ils ouvrent ainsi la voie à la synthèse de nouveaux matériaux fonctionnels à base de POMs.

IV – Applications photochimiques des POM@MOFs

En quête de nouveaux matériaux fonctionnels, nous nous sommes orientés vers la synthèse de matériaux aux applications photochimiques telles que la détection par luminescence ou la photocatalyse.

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