I.1 Béton de chanvre
I.1.3 Propriétés mécaniques des bétons de chanvre
Les performances mécaniques des bétons de chanvre sont influencées par de nombreux
paramètres : le dosage en liant, sa nature, le mode de mise en oeuvre et notamment la contrainte de
compactage, l’échéance et les paramètres de l’essai conduisent à des résultats relativement variables.
Le béton de chanvre est un matériau qui possède un comportement élasto-plastique non fragile
et une forte déformabilité sous contrainte et la possibilité de reprise des efforts même après avoir atteint
la résistance mécanique maximale [Cerezo, 2005 ; De Bruijn et al., 2009 ; Nguyen, 2010 ; Arnaud et
Gourlay, 2012 ; Chamoin, 2013]. Il possède une résistance et une rigidité modestes par rapport aux
autres matériaux de construction du même type (béton de bois). Mais il peut supporter des niveaux de
déformation élevés, ce qui lui permet de s’adapter aux contraintes extérieures.
La courbe contrainte-déformation obtenue par Cérézo [Cerezo, 2005] pour des bétons de
chanvre faiblement compactés est présentée sur la Figure I-11. En effet, Cérézo [Cerezo, 2005] distingue
trois phases dans le comportement mécanique :
au début de l’essai, le comportement est assimilable à un comportement élastique linéaire : le
module d’élasticité du béton de chanvre est alors déterminé à l’origine. Durant cette phase, le
liant supporte l’ensemble des contraintes de compression,
dans un deuxième temps, la courbe présente rapidement une inflexion, attribuée par l’auteur à
la fissuration progressive de la matrice liante. Dans cette phase pré-pic, le liant reprend la
majorité des efforts tandis que les particules de chènevotte, fortement compressibles, s’adaptent
au comportement du liant. Des déformations résiduelles existent lors du déchargement, le
matériau présente donc un comportement élastoplastique,
au-delà de la valeur maximale de contrainte, dans la phase post-pic, le liant est totalement
dégradé. Le comportement mécanique des particules végétales devient prépondérant. Leur
module élastique étant bien plus faible que celui de la matrice, la contrainte diminue. Le liant,
qui lui est plutôt fragile, ne joue plus aucun rôle dans cette phase.
Figure I-11 : Allure typique de la courbe σ = f() en compression de bétons de chanvre faiblement compactés [Cerezo 2005]
Alors que Nguyen [Nguyen 2010] a distingué quatre phases dans le comportement
mécanique (Figure I-12) :
La phase I : présente un comportement élastique identique à celui identifié par Cérézo [Cerezo,
2005],
La phase II : dites phase élasto–plastique, correspond à l’endommagement de la matrice du
liant mais aussi des interfaces entre le liant et les particules de la chènevotte,
La phase III : durant cette phase, on remarque une augmentation de la contrainte et de la
déformation de façon quasi linéaire. En effet, les particules de la chènevotte reprennent la plus
grande partie des contraintes. Le développement des déformations plastiques se produit au sein
des granulats. Pourtant l’augmentation de la contrainte n’entraîne pas la rupture totale du
matériau, mais bien la compaction de ces particules, du fait de leur grande déformabilité, et la
densification de l’éprouvette,
La phase IV : c’est la phase de rupture du matériau et correspond au maximum de contrainte et
à la partie descendante de la courbe contrainte – déformation. Cette phase est similaire à la phase
post-pic dans les résultats de Cerezo [Cerezo, 2005].
Figure I-12 : Schéma de la courbe contrainte – déformation du béton de chanvre [Nguyen 2010]
La différence de comportement mécanique entre les résultats de Cerezo [Cerezo, 2005] et ceux
de Nguyen [Nguyen 2010] peut, pour une même formulation, être attribuée à la différence de l’intensité
du compactage initial. Le compactage initial très élevé [Nguyen 2010] induit une précontrainte élevée
dans les chènevottes, par conséquent, la résistance à la compression de béton de chanvre augmente de
façon non négligeable lorsque la cohésion du liant et du granulat est détruite. C'est pourquoi la phase III
est particulièrement notable dans les résultats de Nguyen.
I.1.3.1 Influence de la teneur et de la nature du liant
Le béton de chanvre présente l’originalité d’un comportement très variable en fonction du
dosage en liant ; plus ce dosage est important, plus le matériau est fragile (Figure I-13). La variation du
rapport chanvre sur liant engendre des comportements mécaniques distincts. Un rapport chanvre sur
liant faible permet l’augmentation de la résistance à la compression du béton de chanvre et diminue la
ductilité du matériau. A l’inverse, un rapport chanvre sur liant important rend le pouvoir du liant dans
la matrice faible. Les points de liaisons entre le liant et la chènevotte sont faibles. Par conséquent, la
déformation avant rupture du matériau est importante et le comportement mécanique de la chènevotte
est prépondérant.
Les résultats obtenus par Cerezo [Cerezo, 2005] montrent que les propriétés mécaniques du
béton de chanvre dépendent du dosage volumique en liant. En effet, la résistance mécanique varie entre
0.25 et 1.25 MPa et le module d’élasticité entre 4 et 160 MPa. Plus le dosage en liant est faible, plus la
résistance mécanique, le module d’élasticité, le coefficient de Poisson sont faibles et plus la déformation
est élevée. Pour un faible dosage en liant, le béton de chanvre se comporte comme un empilement de
particules compressibles reliées entre elles par des ponts rigides de liant. Pour le dosage intermédiaire,
les particules de chènevotte sont considérées comme entourées par des couches plus ou moins épaisses
d’hydrates, ce qui permet d’améliorer les caractéristiques mécaniques. Pour un fort dosage en liant, son
comportement est similaire à celui d’une matrice du liant continue dans laquelle des particules végétales
sont noyées.
Figure I-13: Comportement mécanique en compression du béton de chanvre à différents dosages en liant [Cerezo, 2005]
La synthèse des résultats obtenus dans l’étude de Cerezo pour différents dosages en liant (faibles
dosages, dosages intermédiaires et forts dosages) est montrée dans le Tableau I-5.
Tableau I-5: Caractéristiques mécaniques du béton de chanvre pour différents dosages en liant [Cerezo, 2005]
Dosage en
liant
Concentration
Volumique
Liant
ρ
(Kg/m
3)
σ
maxde
compression
(MPa)
E (MPa) 𝜀
σmaxν
Faible 10% 250 0.25 4 0.15 0.05
Intermédiaire 19-29% 350-500 0.35-0.8 32-95 0.05-0.06 0.08-0.16
Fort 40% 600-660 1.15 140-160 0.04 0.2
Dans l’étude expérimentale de Chamoin [Chamoin, 2013], les propriétés mécaniques du béton
de chanvre sont fortement influencées par la variation du taux et type de liant. Une faible substitution
du Tradical PF70 par du microcem améliore les performances mécaniques du béton de chanvre du fait
des meilleurs performances de ce dernier. Par contre, une substitution plus importante pénalise les
propriétés avec une augmentation de la porosité ouverte.
Les résultats obtenus par Tran Le [Tran Le, 2010] montrent que la résistance en compression du
béton de chanvre-amidon est supérieure à celle du béton de chanvre-chaux de faible masse volumique
(environ 250 kg/m
3avec une résistance de 0.95 MPa comparée à 0.25 MPa de masse volumique 413
kg/m
3). En ce qui concerne le module de Young, il est de 3.94 MPa pour le béton d’amidon, du même
ordre que celui du béton de chanvre-chaux (4 MPa).
I.1.3.2 Influence du chanvre
L’influence des propriétés des chènevottes sur les propriétés du béton de chanvre, a fait l’objet
de certaines études [Nguyen, 2010] et [Arnaud et Gourlay, 2012]. Ces propriétés sont souvent liées à la
granulométrie de la chènevotte (taille des particules), notamment sa nature (sa teneur en fibres ou en
poussières) ainsi qu’à sa composition chimique.
Les résultats obtenus par Nguyen [Nguyen, 2010] montrent que la nature de la chènevotte (fibrée
ou défibrée) a une influence sur les propriétés mécaniques. En effet, la résistance en compression et
flexion du béton de chanvre fabriqué avec la chènevotte fibrée est plus faible que celle du béton fabriqué
avec la chènevotte défibrée. Par contre, la résistance en traction est plus élevée dans le cas d’utilisation
de la chènevotte fibrée.
L’effet de trois granulométries de chènevotte sur le comportement du béton de chanvre à 28
jours, 4 mois et 14 mois a été étudié par Arnaud et al. [Arnaud et Gourlay, 2012] (Figure I-14). En effet,
la granulométrie 1 est plus grossière que la granulométrie 2 et la granulométrie 3 est plus fine que les 2
premières. A 28 jours, les trois compositions présentent un comportement très ductile et des
performances mécaniques élevées pour la granulométrie 1 et la granulométrie 2. Par contre aux âges de
4 mois et 14 mois, les échantillons fabriqués avec la chènevotte plus fine (granulométrie 3) présentent
une résistance à la compression meilleure que les autres échantillons. D’après l’auteur, cette différence
peut s’expliquer par le manque de porosité dans le matériau. En effet, la granulométrie 3 est moins
poreuse car ses particules sont plus fines que les autres. Cela provoque un manque de diffusion du CO
2qui est responsable de la prise et du durcissement, ce qui ralentit la cinétique de séchage des éprouvettes
et conduit à des faibles résistances mécaniques à court terme. En revanche à long terme, le fait d’avoir
le béton moins poreux permet de le densifier et d’augmenter la résistance mécanique.
Figure I-14 : Courbes de contrainte-déformation des bétons de chanvre en fonction de l’âge et la taille des fibres 1, 2 et 3 [Arnaud et Gourlay, 2012]
I.1.3.3 Influence des conditions de cure
L’influence de condition de cure sur les caractéristiques du béton de chanvre a été étudiée par
Magniont [Magniont, 2010] et Arnaud et Gourly. [Arnaud et Gourlay, 2012]. Dans l’étude de
[Magniont, 2010], les échantillons durcissant à une humidité relative HR>95% et 20°C ont été comparés
aux échantillons durcissant en ambiance extérieure. Ces derniers donnent de meilleurs résultats sur toute
la durée de durcissement jusqu’à 9 mois (Figure I-15).
L’auteur attribue ces résultats à plusieurs facteurs, notamment la carbonatation des éprouvettes
qui pourrait avoir une influence positive sur les performances mécaniques. Ou encore la migration des
produits d’hydratation dans les pores de la chènevotte qui pourrait être favorisée du fait des variations
de l’humidité relative à l’extérieur. D’après l’auteur, les particules de chènevotte pourraient être
affectées par leur teneur en eau lors de l’essai. Contrairement aux résultats à 9 mois, la diminution de la
résistance à la compression observée entre 9 et 12 mois n’est pas clairement justifiée. Selon l’auteur, il
est possible que cette diminution soit liée à la dispersion expérimentale ou à une teneur en eau importante
des éprouvettes au moment de l’essai ou encore à des mécanismes de dégradation à long terme pour une
exposition en ambiance extérieure.
Figure I-15 : Evolution dans le temps de la résistance en compression du béton de chanvre, pour des éprouvettes conservées en conditions contrôlées à 20°C, HR > 95% et pour une conservation extérieure
[Magniont, 2010]
Dans l’étude d’Arnaud et Gourlay [Arnaud et Gourlay, 2012], les échantillons ont été conservés
dans leurs moules sous différentes valeurs d’humidité relative (30%HR, 50%HR, 75%HR et 98%HR)
et 20°C. Les éprouvettes sont démoulées avant l’essai. Les échantillons conservés à 50% HR ont une
contrainte de compression bien supérieure à ceux séchés à 30%, 75% et 98% simultanément (Figure
I-16). Ce résultat est justifié par le fait que dans les mélanges à HR élevée, la diffusion du CO
2responsable de la prise et durcissement du liant est freinée. Cependant, les faibles valeurs de résistance
à la compression obtenues sont étonnantes. Il est possible que les interactions physico-chimiques pour
une humidité relative élevée, perturbent l’évolution des caractéristiques mécaniques du béton de
chanvre.
Figure I-16 : Influence de l’humidité relative sur les résistances en compression du béton de Chanvre [Arnaud et Gourlay, 2012]
I.1.3.4 Influence de l’intensité du compactage initial
Nguyen [Nguyen 2010] a travaillé sur l’influence de l’intensité du compactage initial sur la
résistance en compression du béton de chanvre.
Figure I-17 : Evolution de la résistance en compression à 28 jours lors d’une mesure à 1,5% de déformation et 7,5% de déformation respectivement en fonction de la contrainte de compactage [Nguyen,
2010]