VI.1 Comportement lors des essais de compression
VI.1.2 Analyse des enregistrements
Pour les différentes formulations étudiées, on peut distinguer deux types de comportements en
fonction du rapport chanvre sur liant. Ces deux comportements sont influencés par le dosage et le type
de liant.
Dans le cas d’une formulation à fort dosage en liant, un maximum est observé sur la courbe
contrainte-déformation (Figure VI-2). Dans ce cas, on peut distinguer quatre zones sur la courbe
contrainte-déformation :
Zone I : elle correspond au domaine quasi élastique du comportement du matériau où la
réponse est en grande partie réversible. Dans cette zone, c’est la matrice liante qui reprend
la plus grande partie de la sollicitation. La limite de cette zone dépend de la quantité de
liant dans le matériau. Selon [Nguyen, 2010], plus le dosage en liant est important, plus la
zone est large.
Zone II : elle correspond à la transition vers un domaine élasto-plastique. Dans cette zone
la courbe présente un point d’inflexion, qui peut s’expliquer par l’endommagement de la
matrice mais aussi des interfaces entre la matrice et les particules. Au début de cette zone
le liant reprend la majorité des efforts tandis que les particules de chènevotte s’adaptent au
comportement du liant. Par contre, à la fin de cette zone la matrice du liant ne joue plus le
rôle de transmetteur des sollicitations. Le point d’inflexion de la courbe a été choisi
comme résistance en compression.
Zone III : Cette zone se distingue par une augmentation coordonnée de la contrainte et de
la déformation. Elle correspond à la compaction et à la densification du matériau. Ce
comportement peut être attribué à la reprise des efforts dans les particules de chènevotte
qui induit leur importante déformation fortement irréversible et à la destruction complète
de la matrice liante.
Zone IV : Cette zone correspond à la rupture du matériau par l’ouverture de larges fissures
qui induisent la décroissance de la courbe.
Figure VI-2 : Courbe contrainte – déformation : cas du fort dosage en liant (ASC- 0.5)
Dans le cas d’une formulation à faible dosage en liant (Figure VI-3), la courbe
contrainte-déformation ne présente pas de pic de contrainte. Son absence peut s’expliquer par le pilotage de
l’essai. En effet, 10 cm de déplacement n’est pas suffisant pour atteindre la rupture du matériau. Pour
ce type de courbe, on peut distinguer trois zones : la première correspond au domaine quasi réversible
du comportement du matériau, la deuxième correspond à la transition vers un comportement
élasto-plastique et à l’initiation de l’endommagement de la matrice, et la troisième phase qui est d’abord
quasi linéaire correspond à une large et en grande partie irréversible déformation des particules de
chènevotte, ponctuée par une augmentation de la contrainte due à la densification et à la compaction
du matériau.
Figure VI-3 : Courbe contrainte – déformation : cas du faible dosage en liant (ASC- 0.75)
L’analyse des résultats regroupés dans l’annexe 2 permet de dégager différentes tendances, en
fonction du type de matrice et du rapport C/L. Sur la Figure VI-7, une illustration des résultats est
présentée. Pour chaque formulation (type de liant et rapport C/L) une des courbes moyennes
représentatives des essais de compression est tracée. Les figures VI-4, VI-5 et VI-6 permettent de
visualiser l’état des échantillons en fin d’essai pour chaque formulation, ce qui permet de constater que
certains échantillons sont très détruits alors que d’autres conservent une certaine intégrité de leur
forme.
Pour la formulation TC avec un dosage en liant élevé (C/L=0.4), le pic apparaît pour une
déformation de 12% (Figure VI-7a). Pour un dosage en liant intermédiaire (C/L= 0.5 et 0.61) le pic
apparaît pour des déformations comprises entre 25% et 30%. Pour un dosage en liant faible
(C/L=0.75), le pic n’est pas observé.
Pour les formulations AC avec un rapport chanvre sur liant égal à 0.4, 0.455 et 0.5 (Figure
VI-7b), la contrainte maximale apparaît pour des déformations comprises entre 25% et 30%. Pour le
composite avec un rapport chanvre sur liant égal à 0.75, la compression ne conduit pas à un maximum
de la courbe, mais induit un compactage continu avec augmentation de la contrainte. Ce phénomène de
compaction est similaire à ce qui est observé dans certains matériaux très poreux sous compression ou
contrainte d’indentation [Nguyen et al., 2009 ; Arnaud et Gourlay, 2012 ; Tronet, 2013 ; Akkaoui,
2014 ; Younes, 2017].
Pour la formulation CC (Figure VI-7b), la courbe contrainte-déformation ne présente pas de
pic, un phénomène de compaction est systématiquement observé. Pour un même rapport chanvre sur
liant (C/L=0.5), la formulation AC ne présente pas ce phénomène de compaction. Cela peut
s’expliquer par la nature de la matrice liante. En effet, les fines issues de boues de lavage utilisées pour
la fabrication des formulations AC est plus argileuse que la terre Claytec utilisée pour la fabrication de
la formulation CC. Ce qui induit un comportement moins ductile pour AC que CC avec un même
rapport chanvre sur liant.
Pour les formulations ASC avec un rapport chanvre sur liant égal à 0.4 et 0.455 (Figure
VI-7c), la contrainte maximale apparaît pour des déformations comprises entre 25% et 30%. Les
autres composites conduisent à un phénomène de compaction.
Les courbes contrainte-déformation des formulations AC, ASC et TC avec un rapport chanvre
sur liant très élevé (C/L = 0.75) présentent un long plateau de ductilité. De plus, une inflexion de la
courbe est observée lorsque les déformations deviennent voisines de 20% pour TC et 25% pour AC et
ASC. Au-delà de ces déformations la courbe recommence à augmenter. Le comportement des
matériaux devient semblable au comportement des particules de chanvre en vrac, le liant fortement
endommagé dont la concentration ne joue plus un rôle mécanique majeur. Pour une déformation
importante, les particules de chènevotte s’écrasent et entrainent une rigidification du matériau. Chaque
chènevotte se comporte comme une coquille souple qui se déforme de manière régulière [Cerezo,
2005].
Figure VI-4 : Image des échantillons en fin d’essai pour les formulations AC – a) AC- 0.4, b) AC-
0.455, c) AC- 0.5, d) AC- 0.75
Figure VI-5 : Image des échantillons en fin d’essai pour les formulations ASC – a) ASC- 0.4, b)
ASC- 0.455, c) ASC- 0.5, d) ASC- 0.75
Figure VI-6 : Image des échantillons en fin d’essai pour les formulations TC – a) TC- 0.4, b) TC-
0.5, c) TC- 0.61, d) TC- 0.75
a) b) c) d)
a) b) c) d)
Figure VI-7 : Evolution de la contrainte en fonction de la déformation des différentes
formulations - a) TC, b) AC et CC, c)ASC
(c)
(a)
Les différentes formulations sont caractérisées par un comportement élasto–plastique marqué
avec des déformations plastiques présentes dès les faibles niveaux de sollicitation. Le point d’inflexion
sur les courbes est assez peu marqué. Vis-à-vis de la rupture, le matériau ne présente pas une rupture
fragile. Pour une concentration en chènevottes suffisante, il est susceptible de subir de fortes
déformations sans rupture brutale. De plus, lors des essais en compression et une fois la charge ultime
atteinte, ce matériau se déforme encore beaucoup tout en résistant à des charges relativement élevées.
Dans le document
Elaboration et caractérisation mécanique, hygrique et thermique de composites bio-sourcés
(Page 142-146)