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Chapitre 1 : Les vitrocéramiques : Généralités et domaines d’application

III. Les vitrocéramiques

III.3. Propriétés des vitrocéramiques et domaines d’application

Sur la Figure I.10, les bâtonnets grisés montrent l’évolution du nombre de publications concernant les vitrocéramiques depuis 1995. En dix ans, le nombre de publications sur le sujet a plus que triplé, prouvant l’intérêt grandissant pour ces matériaux.

* DMF = diméthylformamide

** Cependant, ces synthèses sol-gel ne sont pas des "synthèses basses températures" puisqu’un chauffage vers

Figure I.10 : Evolution du nombre de publications entre 1995 et 2004, en utilisant la base de

données INSPEC. En gris, le mot-clé uilisé est "glass-ceramics". En hachuré, les mot-clés sont "glass-ceramics" et "optical".

Les applications des vitrocéramiques, illustrées Figure I.11, sont variées grâce à leurs propriétés très particulières [61], que nous allons détailler.

Figure I.11 : Illustration des applications des vitrocéramiques. (a) Prothèse dentaire, (b)

moule permettant une cuisson au four, (c) plaques de cuisson

III.3.a. Propriétés mécaniques des vitrocéramiques

Les verres sont des matériaux fragiles, dans lesquels les fissures se propagent rapidement. La présence de cristallites dans une matrice vitreuse augmente la résistance mécanique de cette matrice et diminue sa fragilité en stoppant le front de fissure ou en le déviant [62]. Les vitrocéramiques ont donc de meilleures propriétés mécaniques que les verres. Donnons quelques exemples de leurs applications :

™ Les verres à base de SiO2-Al2O3-P2O5-CaO-CaF2 donnent après dévitrification des

vitrocéramiques dont la phase cristallisée est de type fluoro-apatite Ca5(PO4)3F, composant les

1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 0 200 400 600 800 N o mbre de pu blication s Années

dents et les os des mammifères. Par conséquent, ces vitrocéramiques, biocompatibles, peuvent être utilisées dans le domaine médical soit pour des prothèses osseuses [26], soit pour des reconstructions dentaires [ 63 , 64 ]. Ce sont des matériaux de choix grâce à leurs bonne propriétés mécaniques et à leur porosité nulle.

™ Des vitrocéramiques à base de SiO2-Al2O3-CaO-ZrO2-TiO2 sont étudiées pour le stockage

de déchets radioactifs, grâce à leur bonne résistance mécanique [65]. Ces vitrocéramiques ont une phase cristallisée de composition CaZrTi2O7 (zirconolite), qui incorpore très bien certains

ions radioactifs tels que les actinides mineurs (Np, Am, Cm). Outre l’amélioration des propriétés mécaniques des vitrocéramiques par rapport aux verres, le second avantage de ce type de vitrocéramiques est qu’elles offrent une double barrière de confinement aux radionucléides. En effet, ces radionucléides, incorporés dans les cristallites, sont confinés par la phase cristalline d’accueil et par le verre résiduel.

III.3.b. Propriétés thermomécaniques des vitrocéramiques

Les vitrocéramiques ont un très faible coefficient de dilatation thermique α, compris entre 0.2× 10-6 K-1 et 0.5× 10-6 K-1 jusqu’à 800°C pour les systèmes les plus performants

[20,61]. A titre de comparaison, les verres ont un coefficient de dilatation thermique compris entre 1 et 20 × 10-6 K-1. Dans les cristaux, α varie beaucoup selon les directions

cristallographiques et est généralement compris entre 3 et 40×10-6 K-1 [20].

Si un matériau à forte dilatation thermique n’est pas chauffé de manière homogène, sa partie chaude se dilate et exerce une pression sur les parties restées à plus basse température. Si la pression est trop élevée, le matériau se rompt. Dans le cas d’une vitrocéramique à faible dilatation thermique, aucune contrainte ne s’exerce sur le matériau : les vitrocéramiques ont de meilleurs propriétés thermomécaniques que les verres.

™ Des vitrocéramiques à base d’oxyde de silice et d’alumine sont utilisées pour la fabrication de pièces amenées à subir des chocs thermiques (plats de cuisson, protection contre l’incendie …).

™ Les vitrocéramiques à base de Al2O3:SiO2:Li2O:MgO sont des matériaux adéquats pour le

chauffage puisque, en plus de leur bonne résistance thermique, elles transmettent jusqu’à 90% du rayonnement infra-rouge. Elles entrent dans la fabrication de plaques de cuisson et de fours.

™ Des vitrocéramiques sont également utilisées comme miroir dans des télescopes. Leur coefficient de dilatation thermique étant quasiment nul, les aberrations optiques dues à la déformation du miroir lors des changements de température sont éliminées.

III.3.c. Propriétés optiques des vitrocéramiques

Bien que les verres soient transparents, les conditions de dévitrification de ces verres (temps et température) peuvent conduire à la formation de vitrocéramiques soit opaques, soit transparentes [66]. Ces dernières trouvent bon nombre d’applications dans le domaine de l’optique. Mais avant de citer quelques exemples, voyons dans quelles conditions des vitrocéramiques transparentes sont obtenues.

III.3.c.α. La transparence

La lumière est diffusée par tout défaut, quelle que soit sa taille. Quand il s’agit de diffusion par de petites particules, le phénomène est appelé diffusion de Rayleigh. Quand les particules sont plus grosses, c’est la diffusion de Mie. Rayleigh a démontré que les particules diffusaient la lumière selon la loi suivante :

2 2 2 4 6 0 2 1 + − M M r I I λ α , avec I l’intensité du faisceau de lumière diffusée, I0 l’intensité du faisceau de lumière incidente, r le rayon des

cristallites et M, le rapport entre l’indice de réfraction de la particule et celui du milieu environnant. Ainsi, la théorie de la diffusion Rayleigh indique que, pour garder la transparence du matériau, il est nécessaire que l’une des deux conditions suivantes soient vérifiées [53,67] :

- 4

6 λ

r

<< 1, c’est-à-dire la taille des cristallites doit être beaucoup plus petite que la longueur d’onde λ de la lumière envoyée sur l’échantillon.

- M ~ 1, c’est-à-dire que le rapport d’indice de réfraction entre le verre et les cristallites doit être faible. L’absence de fluctuation d’indice du matériau et son isotropie optique doivent être respectées.

En s’appuyant sur cette théorie, on considère généralement que, dans les vitrocéramiques, le diamètre des cristallites doit être inférieur à un dixième de la longueur d’onde minimale du spectre λmin, c’est-à-dire 2r< ~40nm

10 min

λ

, si la différence des indices de réfraction entre les deux milieux (verres et cristallites) est inférieure à 0.3. Dans les vitrocéramiques, les particules cristallisées de taille nanométrique seront appelées nanocristallites ou nanocristaux.

Comme la taille des cristallites se contrôle par le traitement thermique et par la composition, il est nécessaire d’ajuster la durée et la température du recuit afin d’éviter l’opacification des vitrocéramiques.

III.3.c.ß. La ségrégation des ions dopants dans les nanocristaux

Dans certaines vitrocéramiques, les ions dopants (ions de transition ou lanthanides) semblent s’incoporer au moins partiellement dans la phase cristallisée des vitrocéramiques [42, 68 , 69 ]. Ainsi, ces ions passent d’un environnement amorphe dans le verre à un environnement cristallin dans les vitrocéramiques, conférant ainsi aux vitrocéramiques des propriétés optiques se rapprochant de celles des monocristaux. En particulier, la largeur inhomogène des raies d’absorption et d’émission est réduite et les sections efficaces d’absorption et d’émission sont augmentées.

III.3.c.γ. Les applications des vitrocéramiques transparentes

Lorsque les conditions de transparence et de ségrégation des ions dopants sont vérifiées, les vitrocéramiques trouvent bon nombre d’applications optiques et les recherches dans le domaine sont de plus en plus nombreuses depuis une dizaine d’années. Le nombre annuel de publications dans le domaine des vitrocéramiques pour l’optique ne cesse d’augmenter depuis 1995, comme le montre la Figure I.10 (bâtonnets hachurés).

C’est en 1975 que paraît le premier article traitant de vitrocéramiques pour l’optique [42]. A l’époque, les cristallites sont grosses (10 µm de diamètre environ) et les vitrocéramiques opaques. Les recherches sur ces matériaux ne sont alors pas poursuivies. En 1993, Wang et Ohwaki [68] publient pour la première fois un article sur des vitrocéramiques transparentes dopées par les ions Er3+ et Yb3+. Ces travaux ouvrent des perspectives sur l’utilisation des vitrocéramiques en optique (doublage de fréquence [70], réalisation d’absorbants saturables [71] etc. …) et, en particulier, sur la réalisation de dispositifs pour l’amplification optique (lasers, fibres actives ….) [72,73,74].

Des vitrocéramiques dopées par des ions de transition (Cr3+ [75]) ou des ions lanthanides trivalents (Er3+, Tm3+ [76,77]) font l’objet de recherche dans ce sens. C’est ce domaine de recherche qui nous intéressent particulièrement et que nous allons développer dans la partie suivante.