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Chapitre III : Etude de la dévitrification et caractérisation structurale des vitrocéramiques

II. Etude des verres/vitrocéramiques monodopés par Er 3+

II.2. Etude de la ségrégation de Er 3+ dans les cristallites

La ségrégation des ions Er3+ dans les cristallites de ß-PbF2 a été démontrée [4], mais le

taux de ségrégation, c’est-à-dire la proportion d’ions Er3+ réellement incorporés dans les cristallites, n’a pas été calculé dans les vitrocéramiques GPFV. Nous avons donc quantifié cette ségrégation en utilisant deux méthodes :

™ une étude cristallographique ™ une étude optique

Ces études ont été réalisées en utilisant le même verre GPF+2Er et les mêmes vitrocéramiques que précédemment (§ II.1).

II.2.a. Etude cristallographique

Nous venons de montrer que la formation des cristallites se fait par un mécanisme de nucléation/croissance et que, quelle que soit la température de recuit (et donc le taux de cristallisation de PbF2), le paramètre de maille des cristallites est constant : a=5.826 ±0.005 Ǻ.

Pour déduire la composition exacte de ces cristallites, l’idée est de comparer le paramètre de maille des nanocristallites des vitrocéramiques GPFV+2Er avec celui des monocristaux massifs de Pb1-xErxF2+x (déterminé au § I.2.a de ce chapitre)

II.1.a.α. Influence de la matrice vitreuse sur le paramètre de maille a Toutefois, cette méthode ne peut s’appliquer que si la matrice vitreuse n’affecte pas le paramètre de maille des cristallites en exerçant des contraintes sur ces cristallites [24,25]. Dans le cas contraire, ceci empêcherait la comparaison entre les nanocristallites de vitrocéramiques et les monocristaux. Pour assurer la validité de l’étude, nous avons vérifié que la matrice vitreuse n’avait pas d’influence sur le paramètre de maille des cristallites. La matrice amorphe d’une des vitrocéramiques étudiées a été dissoute dans une solution d’acide fluorhydrique afin de récupérer les nanocristallites. Par DRX, nous avons déterminé que le paramètre de maille de ces cristallites "libres" était identique à celui des cristallites incorporées à la matrice amorphe. Nous avons également noté que la taille des cristallites demeurait inchangée après extraction de la matrice vitreuse. Cette dernière n’induit donc pas de modifications du paramètre de maille des cristallites de Pb1-xErxF2+x, ni de leur taille. Nous

avons enfin vérifié que, dans les conditions de dissolution utilisées, les cristallites de ß-PbF2

n’étaient pas attaquées.

II.1.a.ß. Composition des cristallites

D’après l’évolution du paramètre de maille dans les monocristaux massifs (présentée Figure III.1), la valeur du paramètre de maille des nanocristallites des vitrocéramiques (a=5.826 ±0.005 Ǻ) correspond à la composition Pb0.82Er0.18F2.18. Cela signifie que, dans les

vitrocéramiques, les cristallites contiennent les ions Pb2+ et Er3+ dans les proportions Er/Pb=0.21, c’est-à-dire ErF3/PbF2=0.21, à tout moment du processus de

nucléation/croissance. Dans le verre de départ, le rapport ErF3/PbF2 était de 0.2, ce qui est

identique (aux incertitudes de mesure près) au rapport trouvé dans les cristallites. Ainsi, pour une température de recuit supérieure à 365°C, c’est-à-dire pour une cristallisation totale de la phase PbF2, cela prouve que tous les ions Er3+ sont ségrégés dans les cristallites et que la

phase vitreuse restante en est complètement dépourvue.

Cette étude structurale démontre que la composition des cristallites est Pb0.82Er0.18F2.18

Cela correspond à une ségrégation totale des ions Er3+ dans les cristallites lorsque la cristallisation de PbF2 est complète, c’est-à-dire pour des températures de recuit

supérieures à 365°C.

II.2.b. Etude en spectroscopie optique

Une étude optique, s’appuyant sur la mesure des durées de vie du niveau excité 4I13/2

de Er3+, a également été réalisée pour étudier la ségrégation des ions Er3+.

La durée de vie du niveau d’énergie 4I13/2 des ions Er3+ dans le verre, les différentes

vitrocéramiques et le monocristal Pb0.8Er0.2F2.2 a été étudiée, en excitant les échantillons à 980

nm, c’est-à-dire dans le niveau d’énergie 4I11/2 de Er3+. Les courbes de déclin de fluorescence

du verre et de deux vitrocéramiques, résultant des traitements thermiques à 355°C et à 385°C, sont représentées sur la Figure III.6.

Aux temps courts, on peut observer un temps de montée de l’émission dû à l’excitation via le dépeuplement du niveau d’énergie 4I

11/2, suivi du déclin du niveau d’énergie 4I13/2 lui-même.

Dans la suite de ce paragraphe, nous discuterons exclusivement des parties aux temps longs des courbes, relative au déclin du niveau d’énergie 4I13/2. Les durées de vie pour les différents

échantillons étudiés sont reportées dans le Tableau III.5.

Figure III.6 : Courbes de déclin de fluorescence du niveau d’énergie 4I13/2 des ions Er3+ dans

(a) le verre GPF+2Er (b) la vitrocéramique correspondante résultant d’un recuit à 355°C, (c) celle résultant d’un recuit à 385°C. L’excitation, à 980 nm, est faite dans le niveau d’énergie 4I11/2, comme le montre le diagramme de niveaux d’énergie simplifié de Er3+.

0.000 0.005 0.010 0.015 0.020 0.01 0.1 1 c (385°C) b (355°C) a (Verre) lo g (In te n si d'é m is si on) Temps (s) 980 n m Er3+ 4I 15/2 4I 13/2 4I 11/2 Temps de

montée Déclin du niveau 4I

™ Pour le verre (dopé à 2% Er3+), on peut noter que la courbe de déclin de fluorescence If(t) est purement linéaire, en échelle logarithmique. Cela signifie que cette courbe peut

être modélisée par une seule exponentielle ( ) exp( )

1

1 τ

t A

t

If = − , avec τ1, durée de niveau

d’énergie 4I13/2 des ions Er3+ dans un environnement vitreux oxyfluoré, égale à 4.5 ms.

™ Dans un monocristal Pb0.8Er0.2F2.2, dont la concentration en Er3+ est la même que dans

les cristallites des vitrocéramiques (voir § II.1.a.ß de ce chapitre), la courbe de déclin de fluorescence de 4I

13/2 de Er3+ est également mono-exponentielle et peut être modélisée par

l’expression ( ) exp( ) 2 2 τ t A t

If = − . La durée de vie de 4I13/2, τ2, caractéristique des ions

Er3+ dans un environnement cristallin PbF2, est égale à 2.5 ms pour cette teneur en Er3+.

™ Pour des vitrocéramiques résultant d’un recuit à 365°C ou à plus haute température, les courbes de déclin, en échelle logarithmique sont également linéaires. Elles sont modélisées au moyen de l’expression de If(t) précédente. Les durées de vie du niveau 4I13/2

de Er3+, caractérisées par τ2, sont compris entre 2.1 et 1.7 ms. La durée de vie est plus

courte que dans le verre malgré l’environnement fluoré à cause de la concentration en Er3+ localement élevée dans les cristallites (~20% contre 2% dans le verre).

On peut également remarquer que les durées de vie de Er3+ dans les nanocristallites de PbF2 sont similaires, mais légèrement plus courtes, que les durées de vie dans le

monocristal contenant la même concentration d’ions Er3+ (τ2=2.5 ms). Nous reviendrons

sur l’analyse de ces durées de vie dans le chapitre suivant (Chapitre IV, § II.2.d)

™ Pour les vitrocéramiques résultant d’un recuit à une température comprise entre 350 et 360°C, les courbes de déclin, en échelle logarithmique, présentent deux pentes (Figure III.6). Les déclins de fluorescence doivent donc être ajustés par l’expression ( ) exp( ) exp( )

2 2 1 1 τ τ t A t A t If = − + − , avec τ1=4.5 ms et τ2=2.0 ou 2.1 ms.

Dans ces vitrocéramiques, une partie des ions Er3+ avec une durée de vie τ1 se trouvent

dans le verre, tandis que la fraction complémentaire, avec une durée de vie τ2, se trouve

dans les nanocristallites de ß-PbF2.

Pour les vitrocéramiques, outre les temps de vie caractéristiques τ1 et τ2, deux autres

paramètres A’1 et A’2, définis par: ' 100

2 1 1 1= + × A A A A et ' 100 2 1 2 2= + × A A A A , sont

quantitative les proportions d’ions Er3+ dans l’un ou l’autre des environnements car ils intègrent des contributions telles que les probabilités de transition et les sections efficaces d’absorption des ions Er3+ qui dépendent de l’environnement vitreux ou cristallin. Cependant, l’évolution de A’1 et A’2 selon la température de recuit reflète qualitativement l’évolution des

ions Er3+ dans les deux phases vitreuse et nanocristalline. Cela démontre la ségrégation totale des ions Er3+ dans les cristallites des vitrocéramiques ayant été recuites à des températures supérieures à 360°C.

Températures de recuit A’1 τ1 A’2 τ2

Verre 100 % 4.5 ± 0.1 ms 0 % - Vitrocéramique 350°C 90 % 4.5 ± 0.1 ms 10 % 2.0 ± 0.1 ms Vitrocéramique 355°C 50 % 4.5 ± 0.1 ms 50 % 2.0 ± 0.1 ms Vitrocéramique 360°C 40 % 4.5 ± 0.1 ms 60 % 2.1 ± 0.1 ms Vitrocéramique 365°C 0 % - 100 % 2.1 ± 0.1 ms Vitrocéramique 370°C 0 % - 100 % 1.9 ± 0.1 ms Vitrocéramique 380°C 0 % - 100 % 1.7 ± 0.1 ms Vitrocéramique 385°C 0 % - 100 % 1.6 ± 0.1 ms Vitrocéramique 395°C 0 % - 100 % 1.7 ± 0.1 ms Monocristal Pb0.8Er0.2F2.2 0 % - 100 % 2.5 ± 0.1 ms

Tableau III.5 : Durées de vie du niveau d’énergie 4I13/2 des ions Er3+ dans le verre et les

vitrocéramiques, résultant de la modélisation des déclins aux temps longs par une somme d’exponentielles.

Par deux méthodes indépendantes : étude des paramètres cristallographiques et mesure des durées de vie du niveau d’énergie 4I13/2 des ions Er3+, une ségrégation totale des ions

Er3+ dans les cristallites a été mise en évidence dans les vitrocéramiques GPFV+2Er résultant d’un recuit à une température supérieure à 360°C.