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Outre l'effet de température, l'équilibre HS ↔ BS est particulièrement sensible à des

changements de conditions extérieures telles que la pression ou l'application d'un stimulus comme le

champ magnétique ou une irradiation lumineuse. Cette extrême sensibilité suscite un intérêt particulier

pour ce type de matériau en vue d'applications potentielles dans le domaine du stockage de données, des

capteurs ou des commutateurs moléculaires.

La lumière est un moyen très efficace pour perturber l'équilibre entre les populations d'espèces

HS et BS du système, voir même d'induire d'une manière réversible la transition de spin. En fonction de

la gamme de température, et de la manière dont l'excitation lumineuse est appliquée sur le système,

différents processus photoinduits ont été mis en évidence à l'état solide, notamment l'effet LIESST

("Light Induced Excited Spin State Trapping"), l'effet LITH ("Light Induced Thermal Hysteresis"),

l'effet LIOH ("Light Induced Optical Hysteresis"), ainsi que plus récemment la photo-commutation

dans l'hystérèse thermique.

II.2.1 Transition de spin photoinduite : effet LIESST et LIESST inverse

La première observation concernant le régime photoinduit a été publiée par McGarvey et

collaborateurs [II.23] dans les années quatre-vingt par des études menées sur des complexes à transition

de spin en solution. Pour nombre de complexes à base de FeII ou FeIII, l’état HS peut être peuplé à l'aide

d'une excitation laser appropriée. Le mécanisme fait intervenir tout d'abord une absorption dans la

bande de transfert de charge Métal – Ligand (MLCT en anglais) ou une bande de champ de ligand (1A1

→1T1), suivie de relaxations internes et de deux croisements inter-système (1T1→ 3T1 (ou 3T2) →5T2).

En solution, la relaxation de l'état excité quintuplet vers l'état fondamental singulet a lieu très

rapidement, dans l'échelle des nanosecondes à température ambiante [II.24]. Peu après, les travaux

pionniers de McGarvey et Decurtins [II.23,25,26] démontrent sur un monocristal du complexe

[Fe(ptz)6](BF4)2 qu’à très basse température, l’état HS métastable peut être peuplé suivant ce processus

par excitation dans le vert (λ=530 nm), mais qu'à l'état solide, la durée de vie de l'état HS métastable

peut être extrêmement longue pour des températures inférieures à environ 50K. Ce phénomène est noté

effet LIESST ("Light Induced Excited Spin State Trapping") et consiste donc en un piégeage de l'état

métastable HS. Le processus photoinduit inverse permettant le passage HS → BS est appelé LIESST

inverse et fait intervenir un état intermédiaire quintuplet 5E. Il s'opère à l'aide une irradiation d’une

longueur d’onde généralement dans le domaine du rouge ou du proche infrarouge. Les mécanismes

LIESST et LIESST inverse ont été largement étudiés et expliqués par les travaux de Hauser [II.27], ils

sont illustrés dans la figure II.8.

Afin d'illustrer ces mécanismes de transition photoinduite, nous présentons sur la figure II.9 un

spectre d’absorption UV-visible, caractéristique pour des complexes de FeII à transition de spin. Le

spectre d'absorption de l'état BS est dominé par une bande d'absorption centrée dans la région 500

-650nm, attribuée à une superposition de transition de champ de ligand d-d (dont 1A1→1T1). Une large

bande d’absorption à 800-850 nm correspond en revanche à la transition d-d (5T2→5E ) à l’état HS.

Consécutivement à une population de l'état métastable HS, la relaxation HS → BS s'opère

suivant deux mécanismes, un mécanisme tunnel à très basse température et un mécanisme

LIESST

LIESST inverse

Figure II.8 Spectre d'absorption UV-visible à 280K et 100K correspondant aux états HS et BS

respectivement [II.3] du matériau à transition de spin Fe(btr)2(NCS)2.H2O. Les longueurs d’onde

adaptées pour susciter l’effet LIESST et LIESST inverse sont indiquées par les flèches.

Figure II.7 Schéma énergétique des complexes de FeII à transition de spin (Diagramme de

Jablonski) en environnement octaédrique. Les relaxations internes et croisements inter-système sont

indiqués par des flèches ondulées. À très basse température, le taux de relaxation HS →BS à travers

l’effet tunnel est très faible, le matériau peut être piégé dans l’état HS métastable tant que l’énergie

d’activation Ea n’est pas apportée [II.27].

thermiquement activé à température plus élevée. On peut ainsi distinguer deux régimes de relaxation en

fonction de la température comme illustré sur la figure II.10.

Afin de caractériser d'une manière relative les propriétés de transition photoinduite des

matériaux à transition de spin, une température limite notée T(LIESST) a été définie d'une manière

analogue à la température de transition thermique T1/2 [II.29]. La procédure consiste à peupler à très

basse température l'état métastable HS sur un matériau à l'état solide, à augmenter la température

progressivement avec une rampe bien définie de 0.3K/mn et à déterminer la fraction relative d'espèce

HS en fonction de la température, couramment au travers de mesures photomagnétiques.

Habituellement, on observe de cette manière une relaxation assez abrupte dont le point d'inflexion

définit T(LIESST). Cette valeur représente en quelque sorte la limite en température où un état

métastable HS de longue durée de vie peut être observé pour un matériau donné. Cette température

limite est par exemple illustrée sur la figure II.10.

II.2.2 Relaxation HS BS dans un système peu coopératif

Le processus de relaxation de l'état métastable HS vers l'état stable BS a été étudié d'une manière

très complète et systématique par Hauser [II.27]. Il a notamment montré que la cinétique de relaxation

était fortement dépendante de la coopérativité du matériau ainsi que de la température. Pour les

matériaux à transition de spin faiblement coopératifs, comme par exemple les systèmes dilués (dilution

des molécules FeII à transition de spin dans une matrice hôte isostructurale d'analogues au ZnII ou CoII

ne présentant pas de transition de spin), la cinétique de relaxation suit en général une loi du premier

ordre ou loi exponentielle. La fraction molaire d'espèces HS s'exprime dans ce cas :

[−k Tt]

=exp HB( )

HS

γ

−

=

T

k

E

T

k

T

k

B

a

exp

)

(

)

( HB

HB Équation II.1

)

(

HB T

k est la constante de vitesse de relaxation, kB la constante de Boltzmann et Ea l’énergie

d’activation décrivant la barrière énergétique qui sépare les états BS et HS (cf. figure II.8).

Le système [FexZn1-x(ptz)6](BF4)2 fortement dilué (x=0.1), étudié par Hauser, représente un cas

d’école des systèmes faiblement coopératifs (figure II.11) [II.30]. On constate que sur la gamme de

température 63 K – 72 K, les cinétiques de relaxation suivent parfaitement une loi du premier ordre. Un

tracé de la quantité ln en fonction de 1/ (tracé d'Arrhenius) suit parfaitement un comportement

Figure II.9 Illustration schématique du diagramme de phase γ HS en fonction de T incluant l'état

métastable HS. On y distingue le régime à effet tunnel à très basse température et le régime

thermiquement activé pour T>50K. Les températures TLIESST et T1/2 caractérisant la transition

photoinduite et la transition thermique respectivement, sont indiquées avec des flèches [II.28].

de type Arrhenius, caractéristique d'un processus thermiquement activé (franchissement de barrière

énergétique).

II.2.3 Relaxation de type « exponentielle étirée »

Dans certains cas, des déviations d’une cinétique purement monoexponentielle ont été observées

[II.31-33]. Ces cinétiques se distinguent par des taux de relaxation relativement élevés aux temps courts,

suivis d'un fort ralentissement de relaxation aux temps plus longs. Cet effet a été théoriquement étudié

par Hauser en 1988 [II.31] et Buchen en 1994 [II.32,33]et a été attribué à des inhomogénéités locales au

niveau de la sphère de coordination qui entoure l’ion de fer. Ces inhomogénéités conduisent à une

distribution de taux de relaxation kHB(T), et par la même à une distribution (généralement supposée

Gaussienne) des énergies d'activation Ea.

II.2.4 Relaxation HS BS dans un système coopératif

La coopérativité joue un rôle primordial dans le processus de relaxation HS → BS. En effet,

pour les systèmes à transition de spin les plus coopératifs, des relaxations caractéristiques dites

sigmoïdales sont en général observées. La relaxation est extrêmement lente aux temps très courts, puis

s'accélère très rapidement, pour finalement ralentir aux temps très longs, un exemple est illustré sur la

figure II.12.

Nous y citons de nouveau le système [FexZn1-x(ptz)6](BF4)2 [II.34]. Dans le système non dilué

(x=1), les interactions coopératives mènent à des courbes de relaxation sigmoïdales.

Figure II.10

À gauche : Courbes de relaxation mono-exponentielles du composé [Fe0.1Zn0.9(ptz)6](BF4)2 en a

fonction de la température.

Comme initialement proposé par Hauser, ce comportement se décrit efficacement en adaptant

l'équation II.1 précédente tel que le taux de relaxation kHB devienne dépendant de la fraction γHS

d’espèces en état HS.

( )

[ HS ] HB [ ( HS)]

HB

HS

HB( ,γ ) ( ) expα( )1 γ ( ) exp ⋅expα( )1−γ

−

=

= T

T

k

E

T

k

T

T

k

T

k

B

a Équ. II.2

Le paramètre α(T) est appelé facteur d'auto-accélération, il décrit l'accélération progressive de la

relaxation au fur et à mesure que des espèces métastables HS relaxent dans l'état fondamental BS. Ce

facteur s'écrit généralement comme un terme d'énergie d'activation additionnelle due à la coopérativité

=

T

k

E

T

B

a

*

)

(

α .

En 1980, Buhks et al. proposent une description de la relaxation à très basse température à

travers un processus multi-phonon non-adiabatique entre les deux états de spin [II.35]. Ils prédisent, en

accord avec la simulation de Hauser, un régime tunnel à très basse température et un régime

thermiquement activé pour T > 50 K.

II.3. Dynamique spatio-temporelle de transition de spin

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