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Propriétés de l’hydroxyapatite phosphocalcique (Ca-HA)

A. Revue bibliographique

I. Les phosphates de calcium

3) Propriétés de l’hydroxyapatite phosphocalcique (Ca-HA)

L’hydroxyapatite phosphocalcique, de formule chimique stœchiométrique Ca10(PO4)6(OH)2 peut être caractérisée par de nombreuses méthodes comme par exemple :

- La thermogravimétrie ou TG (qui peut être couplée avec une mesure de flux de chaleur, DSC) pour évaluer la stabilité thermique des poudres, étudier les transformations et processus thermiques, déterminer et quantifier les sous-produits présents…

- La résonance magnétique nucléaire (RMN) du proton 1H et 31P, pour identifier les différents environnements cristallins liés au phosphore notamment,

- L’analyse élémentaire pour la détermination du rapport atomique Ca/P par

spectrométrie par torche plasma (ICP) ou par la fluorescence X (XRF),

- La microscopie électronique à balayage (MEB), pour visualiser la morphologie des cristaux. Combinée à l’analyse dispersive en énergie (EDS), une analyse semi- quantitative du rapport Ca/P est également possible.

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Dans cette partie, les deux principales méthodes couramment utilisées dans la littérature, à savoir la spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier (IRTF) et la diffraction des rayons X (DRX) seront présentées. On s’intéressera ensuite aux propriétés de surface des hydroxyapatites phosphocalcique ainsi qu’à son comportement thermique.

a) Spectroscopie infrarouge

L’absorption du rayonnement infrarouge de l’hydroxyapatite est due à la vibration des groupements phosphates et des ions hydroxydes. Un exemple de spectre infrarouge d’une hydroxyapatite cristalline et stœchiométrique (Ca/P = 1,67) est présenté sur la Figure 5.

Figure 5 : Spectre IRTF d’une hydroxyapatite stœchiométrique et cristalline.

Ce spectre est caractérisé par la présence de deux pics pour les ions OH- de

l’hydroxyapatite (environ 3570 et 630 cm-1) attribués aux fréquences d’élongation O-H et

deux groupements de pics aux alentours de 1050 et 600 cm-1 correspondant aux vibrations

symétriques et antisymétriques des groupements phosphates PO43- [FOW74].

Les bandes caractéristiques de l’hydroxyapatite phosphocalcique, leurs attributions et leurs intensités sont regroupées dans le Tableau 3. Ce dernier renseigne également des bandes d’impuretés particulier au système apatitique en général.

36 Tableau 3 : Positions et intensités des bandes infrarouges de Ca-HA.

Nombre d’onde (cm-1) Intensité Attribution

3700-3000 Moyenne H2O 3562 Moyenne (νs) OH- 1500-1350 Faible CO32- 1200-1180 Epaulement HPO42- 1081 Forte (ν3) PO43- 1030 Très forte (ν3) PO43- 954 Moyenne (ν1) PO43- 880-865 Faible (ν1) HPO42- 631 Moyenne OH- 900-850 Faible CO32- 601 Forte (ν4) PO43- 570 Forte (ν4) PO43- 474 Moyenne (ν2) PO43-

Les apatites déficientes en calcium se caractérisent en spectroscopie infrarouge par la présence de bandes de vibrations supplémentaires dans les zones 1200-1180 cm-1 et 880-865

cm-1 caractéristiques du groupement HPO

42-. Cette dernière reste toutefois plus difficilement

identifiable car elle peut être confondue avec les bandes de vibrations des groupements PO43-.

En ce qui concerne les apatites carbonatées, la présence de bandes de vibrations dans les zones 1500-1350 cm-1 et 900-850 cm-1 sont caractéristiques des groupements carbonates

[ELL94].

b) Diffraction des rayons X

Le diffractogramme d’une hydroxyapatite cristalline et stœchiométrique est présenté sur la Figure 6. En échelle 2 Thêta avec la radiation CuKα, les principaux pics d’une Ca-HA se situent : 31,8° ; 32,2° et 32,9° et 25,9°, 28,9° et 34,1°.

37 Figure 6 : Diffractogramme d’une hydroxyapatite.

c) Solubilité

L’hydroxyapatite phosphocalcique est le composé le plus insoluble et le plus stable du système Ca(OH)2-H3PO4-H2O [BRO92]. Cette propriété explique le fait que la plupart des

phosphates de calcium de rapport atomique Ca/P inférieur à 1,67 évoluent en solution aqueuse et dans des conditions de température et de pH bien définies (supérieures ou égales à 6) vers l’hydroxyapatite. Cependant, outre ces considérations thermodynamiques, il est noté que le facteur cinétique prend une place prépondérante dans l’évolution des différentes phases, notamment en fonction du pH [ELL94]. La Figure 7 présente les produits de solubilité des principaux phosphates de calcium (CaPs).

Figure 7 : Isothermes de solubilité de différents phosphates de calcium à 37°C et

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Le produit de solubilité de Ca-HA est défini par l’équation chimique de dissolution suivante :

Ca10(PO4)6(OH)2 10 Ca2+ + 6 PO43- + 2 OH- (3)

Cet équilibre est déterminé par le produit de solubilité Ks, aussi appelé constante de dissolution-précipitation qui s’exprime sous la forme : Ks = (Ca2+)10(PO

43-)6(OH-)2 où les

parenthèses représentent l’activité chimique de l’espèce considérée (assimilée à la concentration dans le cas de solutions diluées). Le Tableau 4 présente quelques valeurs de Ks déterminées dans la littérature pour l’hydroxyapatite phosphocalcique [MAR05]. Il est à noter que ces constantes peuvent varier en fonction des conditions opératoires (température et force ionique) et des impuretés présentes.

Tableau 4 : Produit de solubilité Ks pour différentes températures.

Ks Température (°C) références 6,62.10-126 25 [ELL94] 9,24.10-118 25 [MCD77] 5,52.10-118 37 2,70.10-152 37 [MAH82] 1,76.10-152 52 5,01.10-105 - [NRI76] 1,45.10-115 37 [MOR68]

Seules quelques études dans la littérature montrent une dissolution congruente de l’apatite [MOR68], c’est à dire un rapport molaire Ca/P ayant la même valeur aussi bien dans le solide que dans la solution. La plupart des auteurs suggèrent une dissolution incongruente [CHR79 ; SMI74]. Certains auteurs imputent cette spécificité aux hétérogénéités de surface induit par les méthodes de synthèse, comme par exemple la transformation incomplète en surface de l’hydroxyapatite en brushite (CaHPO4∙2H2O) [POS84]. Il semble admis que

l’équilibre de solubilité est contrôlé par l’équilibre thermodynamique de dissolution- précipitation à la surface de l’hydroxyapatite, intimement liées aux équilibres acido-basiques des ions phosphates et calcium [MAR05].

d) Surface de l’hydroxyapatite

La réactivité chimique des minéraux est liée aux propriétés de surface. Par essence, la surface est caractérisée par une absence de stœchiométrie et une hétérogénéité spatiale que ce soit au niveau chimique, énergétique ou morphologique. La surface des minéraux présente généralement une certaine rugosité, une amorphisation localisée (état de surface) entrainant des irrégularités de coordination des atomes en surface. En milieu aqueux, la tendance à satisfaire la coordinence de ces ions est le moteur de la chimisorption de l’eau qui entraine sa

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dissociation et sa combinaison, laissant apparaitre les groupes fonctionnels de surface [JOL94].

Sur la surface des argiles, des oxydes et des hydroxydes, les groupes de surfaces formés sont des sites hydroxylés ≡SOH, où ≡S représente l’atome en bordure du minéral lié au groupe hydroxyle. En solution aqueuse, ces groupes ≡SOH peuvent s’ioniser selon des réactions acido-basiques laissant apparaitre de nouveaux sites de surface électriquement chargés (≡SO- et ≡SOH2+). Ces réactions peuvent être décrites comme une protonation ou une

déprotonation des groupes hydroxyles de surface selon les réactions suivantes [MAR05] : ≡SO- + H

3O+ ≡SOH + H2O S-OH2+ + OH-

La charge électrostatique pourra donc être négative, neutre ou positive suivant la nature de l’oxyde et les caractéristiques de la solution en contact (pH, force ionique…). Egalement, des anions ou des cations, impuretés ou espèces volontairement ajoutées peuvent se complexer en surface et modifier la charge intrinsèque du matériau.

Dans le cas des apatites, on retrouve le même type de groupements fonctionnels hydroxylés en surface qui participe à sa solubilité et à sa réactivité. Un modèle simplifié proposé par Wu et al. [WU91] met en jeu deux sites réactifs de surface, ≡CaOH et ≡OPO3H2

(Figure 8). Ces deux sites peuvent subir un certain nombre d’étapes de protonation et déprotonation et aussi participer aux réactions de complexation de surface avec différents ions (phosphate, calcium, fluor, ligands organiques…) [BEN07] :

Figure 8 : Sites réactifs de surface d’une Ca-HA.

Bengtsson [BEN07] qui s’est intéressé au cours de sa thèse à la réactivité de surface des apatites a résumé de manière assez complète les différents sites de surface que l’on peut retrouver sur une apatite (Figure 9).

40 Figure 9 : Vue d’ensemble des sites réactifs de surface d’une Ca-HA [BEN07].

Il apparaît ainsi que la charge de surface des minéraux résulte d’équilibres acido- basiques. Elle dépend donc du pH et de la force ionique de la solution. Une caractéristique importante de la surface est le point de charge nulle (PCN) ou « zero point charge » (PZC). Il définit le pH du milieu pour lequel les charges s’annulent. Le pH pour lequel la charge nette superficielle du minéral est nulle est le pHPCN ou pHPZC. A pH < pHPZC, la charge de surface

du minéral est positive, et à pH > pHPZC, elle est négative [JOL94]. On considère le PZC

uniquement en l’absence d’adsorption spécifique, c’est à dire que la grandeur mesurée ne dépend pas de la solution utilisée pour la mesurer (pH, concentration, nature des ions…). Dans le cas contraire, le pH correspondant est appelé point isoélectrique (pie).

Tableau 5 : Point de charge nulle de différentes matrices minérales.

Minéraux pHpzc Références

ZnO 9 - 10

[JOL94]

Fe2O3 5,5 - 9

Al2O3 6,5 - 10

Ca-HA 5,5 - 10 [BEL71 ; SKA07]

Dans le cas des matrices phosphocalciques, on constate une hétérogénéité des valeurs de PZC (Tableau 5). Cela peut être attribué à plusieurs facteurs comme l’origine de la matrice (phosphate naturel, émail dentaire ou Ca-HA synthétique par exemple) et leurs traitements physico-chimiques et thermiques éventuels, ou encore de la nature de l’électrolyte.

e) Comportement thermique

La stabilité à haute température de l’hydroxyapatite dépend du rapport atomique Ca/P initial ou plus généralement de sa composition mais également de la pression partielle de vapeur d’eau qui influence les réactions de décomposition à haute température [RIB73].

41 L’hydroxyapatite stœchiométrique peut contenir de l’eau non liée dans sa structure.

Celle-ci est éliminée par simple chauffage à 400°C. A partir de 1000°C, l’hydroxyapatite commence à se déshydroxyler en perdant de l’eau pour former l’oxyhydroxyapatite (OXA) :

Ca10(PO4)6(OH)2 Ca10(PO4)6(OH)2(1-x)Ox x + xH2O (4)

avec 0

Aux alentours de 1400°C la réaction de décomposition est atteinte. L’OXA se dissocie alors en TCCP et TCP, selon la réaction :

Ca10(PO4)6(O) 2 Ca3(PO4)2 + Ca4(PO4)2O (5 )

L’hydroxyapatite non stœchiométrique peut être carbonatée (Ca/P > 1,67) ou

déficiente en calcium (Ca/P < 1,67). Dans le cas de cette dernière, la non stœchiométrie peut être due à l’incorporation de groupements HPO42- dans la structure. Un traitement thermique

entre 400 et 700°C va décomposer les groupement HPO42- en PO43- en passant par

l’intermédiaire pyrophosphate selon les réactions suivantes :

HPO42- 0,5 P2O74- + H2O (6)

P2O74- + 2 OH- 2 PO43- + H2O (7)

Les apatites déficitaires en calcium conduisent alors à la formation d’un mélange de Ca-HA stœchiométrique et de TCP, seuls composés présents à 900°C :

3Ca10-x(PO4)6-2x(HPO4 )2x(OH)2 (3-3x)Ca10(PO4)6(OH)2 + 3xCa3PO4 + 2xH2O

(8) Dans le cas des Ca-HA carbonatées, elles se transforment en Ca-HA stœchiométrique et en oxyde de calcium (chaux vive), selon la réaction :

3Ca10-x(PO4)6-2x(CO3 )2x(OH)2 (3-x)Ca10(PO4)6(OH)2 + 7xCaO + 2xCO2 + (3-x)H2O

(9) Après calcination à 1000°C durant 15h [AFN08], les phosphates de calcium de rapport atomique compris entre 1,5 et 2 comportent donc au maximum deux phases :

- Si le rapport Ca/P < 1,67 : Ca-HA + TCP - Si le rapport Ca/P > 1,67 : Ca-HA + CaO

Les caractéristiques des phosphates de calcium apatitiques étant fortement dépendantes des conditions de synthèse, nous allons nous intéresser maintenant aux différentes voies de synthèse classiquement retrouvées dans la littérature.