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Propriétés d’un fluide dans le domaine supercritique

I. 1.3.2 2-méthoxynaphtalène

I.2 Les fluides supercritiques

I.2.3 Propriétés d’un fluide dans le domaine supercritique

Le plus grand intérêt des fluides supercritiques réside dans leurs propriétés intermédiaires entre celles des gaz et celles des liquides, contrôlables par variation de la pression et de la température. Dans la zone située autour du point critique, de très faibles variations de pression et de température vont induire des modifications rapides et élevées des propriétés du fluide. Le fluide aura donc des propriétés intermédiaires entre un gaz et un liquide (Tableau I.6).

TAB. I.6 – Propriétés habituelles des fluides supercritiques Liquide SuperCritique Gaz Masse volumique (kg.m−3) 600-1600 200-500 0,6-2

Viscosité (Pa.s) 10−3 10−4-10−5 10−5

Diffusivité (m2.s−1) 10−9 10−7 10−5

Comme l’indique la Figure I.6, l’isotherme correspondant à la température critique subit un chan- gement de concavité à la pression critique. Ceci signifie que le coefficient de compressibilité −1

v ∂v ∂P



T ,

traduisant la variation du volume molaire pour une variation de pression, à température constante, est infini. Dans la région autour du point critique, les fluides sont donc hautement compressibles. La valeur du volume molaire au point critique, noté vC, est un autre paramètre critique caractéristique d’une sub-

stance.

FIG. I.6 – Diagramme de phase P-T-V d’un corps pur avec les régions solide, liquide, gaz (vapeur), supercritique et biphasique,

ainsi que l’effet de la pression sur la masse volumique aux conditions supercritiques (T2>TC, T3»TC) et « sous-critiques »

(T1<TC)(d’après Baiker79).

L’isotherme T1illustre la discontinuité dans la masse volumique en fonction de la pression aux conditions sous-critiques due

au changement de phase. L’isotherme T2et T3illustrent la dépendance et la continuité de la masse volumique du fluide

C’est cette forte compressibilité qui permet de passer des propriétés proches du gaz à des propriétés proches du liquide en changeant très faiblement la température et la pression. La masse volumique augmente avec la pression (voir figures I.6 et I.7).

Dans le domaine supercritique, la diffusivité et la viscosité sont plus proches des valeurs de l’état gazeux que liquide (Figure I.7). De ce fait, le milieu supercritique montre ici encore son intérêt. En effet, une forte diffusivité améliore le transfert de matière, une faible valeur de la viscosité permet d’intensifier le mélange. Dans le cas de systèmes traditionnellement gaz-liquide, la trés bonne solubilité des gaz permet souvent d’opérer dans une phase unique, évitant alors les limitations de transfert au niveau des interfaces (gaz-liquide).

On peut donc voir sur la Figure I.7 qu’en ajustant les conditions opératoires près du point critique, une combinaison optimale entre pouvoir solvant (masse volumique élevée) et propriétés de transport (forte diffusivité et faible viscosité) peut être établie.

FIG. I.7 – Evolution des propriétés avec la pression à 40˚ C : masse volumique (ρ), viscosité cinématique (η) et auto

diffusion(D11)80

Les fluides supercritiques sont aussi caractérisés par une capacité calorifique qui devient très élevée au voisinage du point critique(Figure I.8), propriété qui peut s’avérer utile pour les réactions très exo- thermiques. Ainsi, une capacité calorifique élevée permettra d’emmagasiner plus facilement l’énergie dégagée par la réaction sans élévation excessive de température. Jin et Subramaniam81 montrent que

l’ajout de CO2sc pour la production de peroxyde d’hydrogène (H2/O2/CO2=3,3/1,7/95), en système

adiabatique, permet de diviser par quatre l’élévation de température dans le réacteur.

I.2.3.2 Phénomène de « clustering »

Les fluides supercritiques ont un comportement de type gaz dans le sens ou ils n’ont pas de tension superficielle, ainsi ils diffusent rapidement pour occuper tout le volume du système. Cela veut donc dire aussi que si un autre gaz est introduit, ceux-ci vont entièrement remplir le volume et les deux substances vont se mélanger parfaitement. Les gaz et les fluides supercritiques sont donc parfaitement miscibles, ce qui est un avantage considérable, notamment dans le cas de réactions catalytiques homogènes ou hétérogènes habituellement conduites en phase liquide où l’un des réactifs est gazeux.

Les fluides supercritiques sont aussi très intéressants en tant que solvant de par leur surprenante capacité à solubiliser les solutés liquides et solides, notamment quand le comportement du fluide super- critique tend vers celui du liquide (fortes densités)77, 82.De plus comme la solubilité est liée à la densité,

celle-ci peut être contrôlée en jouant sur la pression et la température. Cela permet donc de contrôler une réaction par précipitation d’un produit ou de purifier un mélange par précipitation sélective.

Dans la plupart des mélanges à l’état supercritique, les molécules de(s) soluté(s) et du solvant dif- fèrent en taille, en forme, en force d’interaction ainsi qu’en polarité. Comparé à l’état liquide, un fluide supercritique est plus compressible et a un plus grand espace libre de sorte que les forces d’attraction peuvent entraîner des molécules dans des zones énergétiquement favorables. Il en résulte la forma- tion d’une distribution spatiale non uniforme des molécules de solvant sur une molécule de soluté. Ce phénomène, appelé « augmentation locale de la densité » ou encore « clustering » créée des effets inté- ressant sur la solvatation83(Figure I.9). Généralement les énergies caractéristiques pour les interactions

soluté-soluté et soluté-solvant sont beaucoup plus fortes que celles pour les interactions solvant-solvant, ainsi la densité et la composition locale autour du soluté peuvent sensiblement différer du mélange glo- bal. Ce phénomène peut affecter les conversions et les sélectivités des réactions chimiques à travers les mécanismes chimiques ou physiques84, 85.L’augmentation locale de la densité du solvant autour d’une

molécule de soluté peut empêcher les interactions soluté-soluté, scénario analogue à « l’effet de cage » , qui expliquerait le comportement de certaines réactions en phase liquide86.

FIG. I.9 – Cluster dans un fluide supercritique

D’un autre point de vue, des clusters soluté-soluté peuvent se former, c’est-à-dire que la densité locale de ces molécules de soluté est supérieure à la densité moyenne du soluté. Ces phénomènes ani- sotropes locaux sont indépendants de la proximité du point critique, et rendent possible l’ajustement de la composition et de la densité locale pour des réactions spécifiques en utilisant des co-solvants. L’ajustement avec des co-solvants a ses plus grands effets quand il y a une interaction spécifique avec un soluté tel que la formation de liaisons hydrogène, de complexes de transfert de charges, ou de cou- plages dipôle-dipôle87.

Les phénomènes locaux d’anisotropie peuvent également se produire aux interfaces fluide supercri- tique/solide, conséquence directe des différences entre les forces d’interaction (enthalpie d’adsorption) du soluté (réactif), du solvant et du co-solvant avec la surface du solide. La connaissance fondamentale de ces interactions est importante pour comprendre les mécanismes des réactions catalytiques hétéro- gènes. Si l’on observe pas de comportement anormal dans la cinétique d’adsorption d’un solvant pur proche de son point critique sur une surface, la situation est très différente en présence de traces de soluté. Si le concept de cluster est mécanistiquement significatif, les cinétiques d’adsorption d’un soluté (réactif) sur une surface seraient notamment diminuées dans des conditions proches du point critique. Cette diminution est due aux contraintes importantes imposées au soluté par le cluster environnant des molécules de soluté. Malheureusement, il ne semble y avoir aucun travail fondamental traitant cet aspect crucial pour des réactions catalytiques soluté-solvant. Une autre possibilité est que des clusters soluté-soluté (réactif-réactif) peuvent se former, ce qui affecte également le processus d’adsorption.

Lors d’une réaction, l’état du fluide est donc primordial. En effet, pendant la réaction, les réactifs disparaissent et donnent des produits différents, ce qui peut mener à une modification de l’état du mélange. Si l’effet de la pression sur la solubilisation des solutés dans les FSC est relativement simple (augmentation de la solubilité avec la pression), l’effet de la température est quant à lui plus complexe. Des études thermodynamiques, et plus précisément des études sur le comportement du fluide, au cours d’une réaction sont indispensables afin de pouvoir déterminer l’état du fluide.

I.2.3.3 Solubilité rétrograde

La solubilité d’un composé dans le CO2dépend essentiellement de la température et de la pression.

Plus précisément, ces deux paramètres influent sur la densité du CO2à laquelle est liée le pouvoir sol-

vant du CO2. La figure I.10, qui concerne un mélange modèle naphtalène-CO2, montre qu’à une faible

pression, le pouvoir solvant du CO2décroit de façon surprenante lorsque la température est augmentée,

alors qu’à des pressions plus hautes, la solubilité augmente avec la température.

Si le paramètre pression est remplacé par la densité, la relation solubilité-température devient plus simple (figure I.11).

FIG. I.11 – Solubilité du naphtalene dans le CO2en fonction de la densité, d’après McHugh et al89

Cette « anomalie » apparait car à faible pression, la densité diminue rapidement quand la tempé- rature augmente, alors qu’à plus haute pression, les changements de température ont un effet moins significatif sur la densité. Pour être plus précis, pour chaque composé il existe une pression en des- sous de laquelle lors de l’augmentation de la température, la diminution de la densité est prédomi- nante devant l’augmentation de la tension de vapeur du composé, c’est ce phénomène qui est appelé solubilité rétrograde.

De ces deux graphes, on retiendra :

– Le pouvoir solvant d’un fluide supercritique augmente avec la densité à une température donnée. – Le pouvoir solvant d’un fluide supercritique augmente avec la température à une densité donnée.

Les fluides supercritiques apparaissent donc tout à fait prometteurs vu leurs propriétés particulières. En effet, depuis ces deux dernières décennies, l’utilisation des fluides supercritiques a largement pro- gréssé dans différentes applications, et plus particulièrement dans l’extraction, la séparation, la cristalli- sation, la production de polymères, et plus récemment en tant que milieu réactionnel.