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I. 1.3.2 2-méthoxynaphtalène

I.2 Les fluides supercritiques

I.2.4 Applications des fluides supercritiques

I.2.4.4 La réaction chimique

Plus récemment il a été démontré que les fluides supercritiques pouvaient être très attractifs en tant que solvant dans le domaine de la synthèse chimique. Comme le montre la figure I.12, nous avons réalisé une rapide étude du nombre d’articles parus dans « The Journal of Supercritical Fluids » . Cette dernière montre l’intérêt grandissant de ces fluides en tant que solvant de réaction depuis ces dix dernières an- nées.

FIG. I.12 – Articles traitants des fluides supercritiques en tant que solvant réactionnel

A l’heure actuelle, tous les grands types de réaction ont été testés avec les fluides supercritiques : alkylations, aminations, esterifications, synthèses de Fischer-Tropsch, hydrogénations, isomérisations, oxydations, polymerisations, etc. Différents auteurs ont reporté ces réactions77–80, 104–111.Ces récents dé-

veloppements sont d’une part liés aux propriétés intrinsèques des fluides supercritiques, et d’autre part aux opportunités intéressantes pour les réactions industrielles.

En effet les avantages des fluides supercritiques proviennent de leur comportement intermédiaire entre un gaz et un liquide. Ainsi les propriétés se combinent à l’état supercritique : haute diffusivité liée aux gaz, forte densité, forte solvatation et forte capacité thermique liés aux liquides. Ainsi la possibilité de changer la solubilité ou la densité par simple modification de la pression et de la température permet d’accroitre les conversions et sélectivités d’une réaction. De plus il est tout à fait possible d’ajouter des co-solvants quand la solubilité d’un composé ne peut être contrôlée par la pression ou la température112.

Il faut aussi noter qu’à l’état supercritique il n’y a qu’une phase, ce qui permet de réduire les transferts aux interfaces, que ce soit pour les systèmes gaz-liquide (augmentation de la solubilité des gaz) ou les systèmes liquide-liquide78.

Enfin, on montrera que lorsqu’un fluide supercritique est gazeux à température ambiante et basse pres- sion, le couplage réaction/séparation est d’autan plus interessant.

a Elimination des interfaces

Il s’agit là sans doute du principal avantage d’utiliser des fluides supercritiques : il est possible d’éli- miner les résistances aux interfaces gaz-liquide (miscibilité totale des gaz dans un fluide supercritique) ou liquide-liquide et d’augmenter ainsi le taux de conversion d’une réaction. De plus, l’état supercri- tique d’un fluide permet de diminuer la résistance au transfert externe grâce à une viscosité plus faible qu’un liquide. Ainsi ces deux avantages permettent d’accélérer considérablement une réaction113, ce

qui s’applique surtout en tri-phasique puisque le transfert d’un réactif gazeux vers les sites actifs du catalyseur est la plupart du temps l’étape limitante (Figure I.13).

FIG. I.13 – Etapes physiques et chimiques lors d’une réaction catalytique hétérogène gaz/liquide en milieu conventionnel

(solvant classique) et en milieu supercritique (d’après Baiker)78

Des sections représentatives du réacteur correspondant au transfert massique aux interfaces et aux profils de concentrations sont représentées pour les deux conditions. Conditions conventionnelles (a) trois phases sont présentes dans le réacteur (liquide/gaz pour les réactifs et le catalyseur solide) et conditions supercritiques (c) où il n’y a que deux phases (supercritique

et catalyseur solide).

(1) diffusion de l’espèce A gazeuses vers l’interface gaz/liquide ; (2) absorption de A dans la phase liquide ; (3) diffusion externe ; (4) diffusion interne ; (5) adsorption des réactifs sur le catalyseur ; (6) réaction ; (7) désorption des produits ; (8)

diffusion interne des produits vers la surface du catalyseur ; (9) diffusion externe des produits.

Les travaux les plus nombreux concernent l’hydrogénation catalytique en fluide supercritique78, 114.

Par exemple, pourl’hydrogénation catalytique des lipides, l’utilisation de CO2 supercritique permet

d’augmenter considérablement la solubilité de l’hydrogène gazeux dans la phase liquide, permettant ainsi d’augmenter l’hydrogénation105.Industriellement, c’est pour ce type de réaction que l’utilisation

des fluides supercritiques est la plus répandue : Licence et al.115 ont présenté pour la première fois en

2002 l’utilisation du CO2 supercritique sur un pilote industriel (hydrogénation de l’isophorone sur un

b Contrôle de la réaction

Augmentation des transferts massique et thermique :La forte diffusivité, la faible viscosité cinéma- tique et la forte conductivité thermique des fluides supercritiques permettent non seulement d’obtenir des transferts de masses remarquables, mais c’est aussi le cas pour les transferts thermiques. Aruna- jatesan et al.116ont montré lors de l’isomérisation du 1-hexène sur des granulés de Pt/γ-Al

2O3 que la

diffusivité du 1-hexène dans le réseau poreux pouvait être multipliée par 100 avec des changements modérés de la température et de la pression.

Dans le cas de réactions fortement exothermiques ces propriétés sont extrêmement utiles puisqu’elles permettent de maîtriser soigneusement la température et donc de contrôler la sélectivité et d’améliorer la stabilité du produit. Jin et Subramaniam81ont utilisé l’augmentation du Cp du CO

2en proche critique

(figure I.8, chapitre I.2.3) lors de la combustion entre H2 et O2pour donner H2O2. Cette réaction a été

simulée et comparée à l’utilisation de l’azote (N2) et il en ressort que l’augmentation de température

(∆T) peut etre divisée par 100.

Bochniak and Subramaniam117ont montré que pour une synthèse de Fischer-Tropsch dans de l’hexane

supercritique et catalysée par du fer en lit fixe, la température peut être finement controlée à des pres- sions supercritiques malgré une trés forte exothermicité. Par contre, à l’état sous-critique, des gradients thermiques importants ont été observés dans le lit.

Augmentation des taux de conversion :L’effet de la pression sur les conversions dans la région supercritique peut être attribué à l’effet « cinétique de pression », aux meilleurs transferts massiques et thermique et occasionnellement aux solubilités plus élevées des réactifs. Puisque tous ces paramètres, influant sur le taux de conversion, dépendent fortement de la pression, de la température et du fluide lui-même, les conversions peuvent être contrôlées en ajustant les conditions réactionnelles. Par exemple, Alvaro et al.118ont montré que l’activité d’une zéolite mordenite, dans le cas d’une hydroalkylation de

l’anisole avec du p-formaldehyde, était trois fois plus importante à 60˚C dans du CO2supercritique qu’à

110˚C dans du toluène. Jessop présente d’autres exemples où le taux de conversion a été augmenté en utilisant les fluides supercritiques106.

Contrôle de la sélectivité :En ce qui concerne la chimie elle-même, l’ajout de co-solvant, l’ajustement de la température et de la pression ou les effets de clustering permettent de contrôler les sélectivités. Dans le cas de réactions compétitives ou consécutives, chaque réaction peut être plus ou moins in- fluencée par ces ajustements. Ainsi une réaction peut être favorisée par rapport aux autres, offrant la possibilité d’augmenter la sélectivité en produit voulu (par exemple : isomérisation cis-trans du 4- (dialkylamino)-4’-nitroazobenzène119ou réarrangement de Beckmann de l’oxime de cyclohexanone en

ǫ-caprolactam85). Zhang et al.120montrent que la sélectivité peut être augmentée quand un des produits

est plus soluble que les autres. En effet, lors de l’estérification en milieu diphasique de l’éthylene glycol avec l’acide propionique dans du CO2supercritique, les diesters étant plus solubles que les monoesters,

ceux-ci sont extraits en phase gaz déplacant l’équilibre chimique. Cependant, la maîtrise de cette mé- thode de contrôle de la sélectivité est plutôt exigeante, puisque les volumes d’activation des diverses réactions ainsi que l’influence de chaque composant sur le comportement thermodynamique du sys- tème doivent être connus.

Rayner107présente différents exemples de l’augmentation de la sélectivité en fonction des paramètres

Comme il a été présenté précédemment les interactions soluté-solvant (phénomènes de clustering) peuvent agir d’une part sur les taux de conversion et d’autre part sur la sélectivité. Cependant il faut noter que le phénomène de clustering est difficilement maîtrisable84.

c Effet des fluides supercritiques sur le catalyseur

La conduite des réactions catalytiques hétérogènes en milieu supercritique semble donc très promet- teuse en raison des propriétés des fluides et de leur effet sur divers paramètres réactionnels. En outre, il faut mentionner que la formation de sous-produits lourds tels que des dimères et des oligomères est un problème majeur en catalyse hétérogène. Ces sous-produits peuvent s’adsorber sur le solide catalytique et bloquer les sites actifs, et mener ainsi à la formation de produits encore plus lourds appelés « coke », désactivant ainsi le catalyseur. La pseudo-solubilité (solubilité « raisonnable ») de ces oligomères dans les fluides supercritiques121, 122 et la forte diffusivité sont favorables au transfert de ces espèces de l’in-

térieur du catalyseur vers sa surface externe, ainsi l’activité du catalyseur peut être maintenue plus longtemps123–125.

Dans ces travaux de thèse, Maxime Montillet126 a montré que la régénération d’une zéolite β lors de

l’alkylation de l’isobutane par une oléfine légère pouvait provenir de deux phénomènes :

– une extraction physique liée aux propriétés intrinsèques des fluides supercritiques (solvatation/ transport du milieu supercritique) ;

– une extraction utilisant les propriétés de transfert d’hydrure de l’isobutane (réaction entre l’isobu- tane et certains dépots adsorbés).

Cependant il a mis en evidence, que le CO2supercritique pouvait avoir un effet négatif sur l’activité de

la zéolite, notamment en créant des hydrogénocarbonates chimisorbés.

Les fluides supercritiques peuvent aussi être utilisés pour régénérer les catalyseurs solides ex-situ. Il s’agit là d’utiliser les capacités extractrices de ces fluides (solubilisation des produits lourds et transfert vers l’extérieur du catalyseur), lors d’une étape annexe, c’est-à-dire avec le catalyseur désactivé et en pré- sence du fluide supercritique. L’équipe de Thompson et al.127–129a étudié la régénération de zéolites en

utilisant de l’isobutane supercritique. Les premières études127ont montré que l’isobutane supercritique

pouvait restaurer une grande partie de l’activité du catalyseur désactivé lors d’une réaction d’alkyla- tion. Dès lors128, 129 l’utilisation de deux réacteurs en parallèle (l’un étant régénéré et l’autre faisant la

réaction) a permis de travailler pendant 200 h avec une conversion supérieure à 92%.

Remarque : Préparation de catalyseurs Les fluides supercritiques peuvent aussi être utilisés dans la fa- brication de catalyseurs. Ils permettent de contrôler et d’optimiser la morphologie et la taille du cataly- seur78.

d Couplage réaction/séparation

Un autre avantage des FSC est la séparation du solvant, des réactifs, et des produits en abaissant la pression en aval du réacteur (surtout le cas pour les fluides gazeux à température ambiante et faible pression). Par ce processus, les réactifs et les produits se condensent ou précipitent et il est possible de recycler les réactifs inutilisés. Les avantages en coûts de séparation sont partiellement compensés par le fonctionnement plus cher du réacteur à haute pression.

Parmi les fluides supercritiques utilisés en synthèse organique on peut trouver des hydrocarbures110

(propane, propene, pentane, hexane...), l’ammoniac110, l’eau109, 111, le dioxyde de carbone108.

En tant que solvant pour les réactions chimiques, la plus grande application des fluides supercritiques concerne la fabrication des polymères. En effet ils sont utilisés dans la production de polymères de poids moléculaires situés dans une étroite fourchette de distribution. Leur solubilité dans le dioxyde de car- bone supercritique décroît avec l’augmentation de leur longueur : le polymère précipite dès qu’il atteint une certaine masse critique. Le poids moléculaire critique peut donc être contrôlé en changeant simple- ment les conditions de pression130.On pourra aussi noter que les fluides supercritiques font aussi leur

apparition dans la synthèse de matériaux inorganiques131.

Aujourd’hui, le CO2reste le fluide le plus utilisé. Eric Beckman105récapitule spécifiquement son utilisa-

tion depuis 1995 pour créer des procédés plus écologiques en mettant l’accent sur les efforts de recherche et de commercialisation de tels procédés.

Enfin, en ce qui concerne l’utilisation de l’eau, celle-ci semble trouver un second souffle notamment dans la dégradation de polluants organiques132, 133.

Parmi les nombreuses applications en synthèses, le paragraphe suivant s’intéresse notamment à l’alky- lation de Friedel-Crafts en milieu supercritique.