• Aucun résultat trouvé

Chapitre 1 Introduction

1.7 Structure moléculaire des canaux calciques Ca V 1.2

1.7.1 Sous-unité Ca V a1

1.7.1.4 Propriétés biophysiques d’inactivation du canal

L’inactivation du canal survient après l’activation et plonge le canal dans un état non conducteur pendant lequel il ne peut pas être ouvert de nouveau suite à une dépolarisation membranaire. Cette propriété est importante puisqu’elle contrôle l’entrée de Ca2+ dans la cellule au cours d’un potentiel d’action.

Les canaux CaV1.2 ont la propriété intrinsèque de s’inactiver en fonction du voltage en faisant appel à un mécanisme analogue à celui des canaux potassiques (Hoshi, Zagotta, & Aldrich, 1990) et sodiques dépendant du voltage (K. S. Lee, Marban, & Tsien, 1985; Stotz & Zamponi, 2001). Les canaux potassiques s’inactivent selon un modèle de « la balle et de la chaine (ball-and-chain) » dans lequel le repliement de la chaine N-terminale cytoplasmique vient physiquement obstruer le pore bloquant ainsi le passage des ions K+ (Armstrong & Bezanilla, 1977; Demo & Yellen, 1991). Dans les canaux sodiques, c’est les résidus successifs isoleucine-phénylalanine-méthionine formant le motif IFM sur la boucle intracellulaire reliant les domaines III et IV qui sont responsables de l’obstruction du pore et de inhibition du flux sodique (McPhee, Ragsdale, Scheuer, & Catterall, 1995).

Pour les canaux calciques, le mécanisme d’inactivation dépendante du voltage est un peu plus complexe. Les premières études réalisées à l’aide de canaux chimériques obtenus à partir des canaux CaV1.2 (lapin), CaV2.1 (rat) et CaV2.3 (raie) ont montré que l’inactivation serait médiée par le segment transmembranaire S6 du domaine I de CaVa1 (Parent, Gopalakrishnan, Lacerda, Wei, & Perez-Reyes, 1995; J. F. Zhang, Ellinor, Aldrich, & Tsien, 1994). Des études complémentaires ont mis en évidence que la boucle intracellulaire entre les domaines I-II, qui contient le site de liaison de la sous-unité CaVb, et les segments transmembranaires S6 des domaines II et III joueraient également un rôle déterminant dans l’inactivation du canal CaVa1. Il a été proposé que le repliement de cette boucle I-II viendrait obstruer le pore en interagissant avec les régions distales des segments S6, empêchant ainsi le flux d’ions Ca2+ de traverser le canal (Figure 9) (Berrou, Bernatchez, & Parent, 2001; Herlitze, Hockerman, Scheuer, & Catterall, 1997; Stotz, Hamid, Spaetgens, Jarvis, & Zamponi, 2000). De plus, il a été montré dans le canal CaV1.2 de lapin que la Gly-436, en apportant de la flexibilité à l’hélice-a constituant le segment transmembranaire S6 du domaine I, agit comme un pivot pour le repliement de la boucle I-II (Raybaud et al., 2006). Une étude publiée par notre groupe a démontré que le cluster de résidus négatifs (Glu-461, Glu-462, Asp- 463) et plus particulièrement le Glu-462 sur la boucle I-II influence les cinétiques d’inactivation du canal CaV1.2 (Dafi et al., 2004). L’ensemble de ces résultats suggèrent que les régions en amont ou en aval de la boucle I-II jouent un rôle déterminant dans le réarrangement structural de cette boucle lors de l’inactivation du canal.

Figure 9. Représentation schématique d’un modèle possible d’inactivation rapide

dépendante du voltage des canaux calciques. Selon le modèle de « la balle et de la

chaine », le mouvement de la boucle intracellulaire située entre les domaines I et II (I-II) de CaVa1 viendrait obstruer physiquement le vestibule intracellulaire du pore en interagissant avec les régions distales des segments S6 sur les domaines II et III, ce qui bloquerait le flux ion Ca2+ (Image extraite de l’article (Stotz et al., 2000)).

ii. Inactivation dépendante du calcium (CDI)

Mise à part l’inactivation dépendante du voltage, l’augmentation de la concentration calcique dans la cellule engendre également une inactivation des canaux calciques CaV1.2, un « feedback » négatif nécessaire afin d’éviter que le Ca2+ devienne cytoxique (Soldatov, 2012).

C’est la région C-terminale cytoplasmique, située à environ 150 acides aminés après la fin du segment S6 du domaine IV, qui contient les domaines de régulation (EF hand et IQ) nécessaires au contrôle de ce mécanisme (Figure 6) (Striessnig et al., 2014). Ce processus nécessite aussi la présence de la calmoduline, une protéine intracellulaire ubiquitaire dont l’activité est régulée par le Ca2+. La calmoduline est constituée de deux lobes (N et C- terminal) pouvant lier une molécule de Ca2+ sur chacun de ses 4 domaines « EF-hand », une structure particulière en hélice-boucle-hélice. La liaison du Ca2+ sur ces quatre sites est essentielle pour l’inactivation du canal comme l’a montré la mutation simultanée des quatre aspartates en alanine (D20A, D56A, D93A, D129A) qui engendre une prolongation des courants calciques à travers le canal CaV1.2 (Figure 10) (Peterson, DeMaria, Adelman, & Yue, 1999; Xia et al., 1998). La calmoduline, qui se lie de façon constitutive au domaine IQ de CaV1.2, joue le rôle de senseur de Ca2+ intracellulaire.

Figure 10. Mécanisme potentiel d’inactivation dépendante du Ca2+ des canaux

calciques de type-L. Lorsque le canal est en état fermé, la calmoduline (CAM), qui

n’est pas lié au Ca2+, interagit de façon constitutive avec Ca

Va1 (le site de liaison exact est encore à l’étude). Quand le canal est ouvert, les ions Ca2+ se lient sur les domaines

EF-hand de la CAM, et favorise sa liaison avec le domaine IQ localisé sur le domaine

C-terminal de CaVa1 ce qui induit l’inactivation du canal (Image adaptée de l’article (Peterson et al., 1999)).

La structure tridimensionnelle (3D) du complexe Ca2+/calmoduline-domaine IQ de CaV1.2 a été obtenue à haute résolution (2 Å) par cristallographie (F. Van Petegem, F. C. Chatelain, & D. L. Minor, Jr., 2005b). Cette structure montre que l’hélice-a adoptée par les 22 résidus du domaine IQ se loge entre les lobes N et C-terminal du complexe Ca2+/calmoduline grâce à de multiple interactions électrostatiques et hydrophobes de type van der Waals entre

les résidus aromatiques de CaV1.2 et l’anneau de résidus chargés négativement sur la calmoduline (Figure 11). Selon la conformation, entre 21 et 22 résidus dans CaV1.2 sont impliqués dans le réseau complexe d’interaction avec la calmoduline. Sur le domaine IQ de CaV1.2, l’ancre aromatique formée des résidus Tyr-1627, Phe-1628, Phe-1631 agrippe le lobe N-terminal de la calmoduline tandis que les résidus Ile-1624 et Gln-1625 positionnent et stabilisent l’hélice-a du domaine IQ en faisant contact avec le lobe C- et N-terminal respectivement. De plus, en amont du domaine IQ est situé le domaine « EF-hand » du canal CaV1.2 qui ne joue pas de rôle directement dans l’inactivation du canal mais dont les changements structuraux après liaison du Ca2+ sont nécessaires pour l’interaction entre le domaine IQ et la calmoduline (Bernatchez, Talwar, & Parent, 1998; de Leon et al., 1995).

En amont du domaine IQ, il existe deux autres domaines de régulation, un proximal (PCRD) et un distal (DCRD) ayant chacun une structure en hélice-a, qui ont la particularité d’interagir pour former le complexe de régulation C-terminal. Il a été montré que ce complexe de régulation C-terminal est capable de diminuer les effets de l’inactivation dépendante du Ca2+ en entrant en compétition avec la liaison de la calmoduline sur le domaine IQ (Hulme, Yarov-Yarovoy, Lin, Scheuer, & Catterall, 2006).

Il a également été proposé dans les canaux calciques de type-L neuronaux que l’inactivation par le Ca2+ pouvait être régulée par un mécanisme enzymatique. Ainsi, il a été montré que la phosphorylation de la Ser-1928 sur le canal CaV1.2 de souris par la protéine kinase A (PKA) augmenterait l’activité du canal tandis que la déphosphorylation de ce site par les phosphatase 1 (PP1) et 2A (PP2A) interviendrait dans l’inactivation du canal (Budde, Meuth, & Pape, 2002; Davare, Horne, & Hell, 2000; Meuth, Pape, & Budde, 2002; Qian et al., 2017).

Bien qu’il ait été montré que l’expression de la sous-unité CaVa1 dans des fibres musculaires squelettiques était suffisante pour générer un courant calcique (Perez-Reyes et al., 1989), les niveaux d’expression du canal étaient relativement bas et les cinétiques d’activation et d’inactivation du canal étaient anormales. La co-expression du canal avec les sous-unités auxiliaires est essentielle pour rétablir les propriétés biophysiques du canal natif.

Figure 11. Structure 3D du complexe Ca2+/calmoduline avec le domaine IQ du

canal CaV1.2 humain. Le complexe Ca2+/calmoduline-domaine IQ a été obtenue dans

2 types de conformation montrant une certaine flexibilité dans l’interaction entre les deux protéines. A. La calmoduline est formé de 2 lobes, le N-terminal (en vert dans la conformation 1, en jaune dans la conformation 2) et le C-terminal (en bleu dans la conformation 1, en violet dans la conformation 2). Le domaine IQ est formé d’une hélice-a, en rouge dans la conformation 1 ou rose pâle dans la conformation 2. Les ions Ca2+ sont modélisés avec des sphères de la couleur sur laquelle ils lient le domaine de la calmoduline. B. La structure a pivoté de 90° par rapport au panneau A et montre que la calmoduline est enroulée autour du domaine IQ (Image extraite de l’article (F. Van Petegem, F. C. Chatelain, & D. L. Minor, 2005a)).