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Chapitre 1 Introduction

1.6 Physiopathologie des canaux calciques de type-L Ca V 1.2

1.6.1 Maladies cardiaques

Dans les cellules cardiaques, les canaux calciques de type L jouent un rôle unique dans l’initiation du couplage excitation-contraction. Une perturbation de la fonction de ce canal suite à une mutation génétique, engendre dans certain cas, l’apparition de situations pathologiques.

Chez les souris, une invalidation du gène CACNA1C (« knock-out ») sur les deux allèles codant pour CaV1.2 (CaV1.2 -/-) entraîne la mort du foetus au cours de son développement embryonnaire suite à un défaut de contraction du myocarde (Seisenberger et al., 2000). Toutefois, il est intéressant de noter que dans le cas d’une inactivation du gène

CACNA1C sur une seule des allèles codantes pour CaV1.2 (CaV1.2 -/+), les souris survivent et ont une fonction cardiaque identique au souris WT « wild-type » (Rosati et al., 2011). Ces

résultats montrent que l’expression d’un seul allèle de CaV1.2 est suffisant pour observer des densités de courant calcique non significativement différentes de ceux obtenus avec les souris WT. Compte tenu de l’importance de ce gène, la cellule à développer une pression sélective en mettant en place un ou plusieurs mécanismes pouvant compenser la diminution d’expression de l’ARMm et de la protéine pour maintenir une fonction physiologique normale. Il a notamment été suggéré qu’une diminution des courants calciques de CaV1.2 pouvait représenter un signal de « feedback » pour déclencher un processus compensatoire en mobilisant la machinerie transcriptionelle au niveau de ce gène (Schroder, Byse, & Satin, 2009).

De nombreuses mutations génétiques sur le gène CACNA1C (identifiées chez des patients) sont associées à des arythmies cardiaques telles que le syndrome du QT long (LQTS), le syndrome du QT court (SQTS), le syndrome de Brugada (BrS) et le syndrome de repolarisation précoce (ERS) (Betzenhauser, Pitt, & Antzelevitch, 2015) (Figure 5).

Les syndromes SQTS, BrS et ERS sont la conséquence de mutations dites perte de fonction qui entraînent une diminution des courants calciques pouvant provenir d’un défaut d’adressage du canal à la membrane ou bien d’un changement fonctionnel du canal soit au niveau de l’activation ou de l’inactivation du canal. Les mutations par substitution A39V et G490R dans la protéine CaV1.2 ont été reportées chez des patients et ont pour conséquence une forte diminution des courants calciques (Antzelevitch et al., 2007). Cette étude a démontré que la mutation A39V entrainait une accumulation sous-membranaire de la protéine indiquant un défaut dans l’adressage membranaire de CaV1.2 toutefois les effets de cette mutation n’ont pas pu être reproduit avec le canal CaV1.2 de rat soulignant les restrictions phénotypiques de cette mutation (Bourdin et al., 2010). Une étude plus récente a montré que la mutation A39V empêcherait la liaison du canal CaV1.2 avec le lobe N-terminal de la calmoduline, et aurait pour conséquence une modification des cinétiques d’inactivation du canal dépendante du calcium (Simms, Souza, & Zamponi, 2014).

Il existe également des mutations gains de fonction dans CaV1.2. Les mutations G402S, G406R et A582D situées dans l’exon 8 du gène CACNA1C provoque un ralentissement des cinétiques d’inactivation du canal et sont associées au LQT8 (Fukuyama et al., 2014; Raybaud et al., 2006; Wemhoner et al., 2015). Quatre autres mutations ont été

rapportées : P857R et R858H dans la boucle intracellulaire entre le domaine II et III, I1166T dans la boucle intracellulaire entre le domaine III-IV et A1473G à la fin du segment transmembranaire S6 dans le domaine IV. Il a été montré par une technique de quantification relative des protéines à la surface membranaire (biotinylation) que les mutations P857R et R858H entraînent une augmentation de la quantité des canaux présents à la membrane plasmique après surexpression dans ces cellules HEK (Boczek et al., 2013). La mutation I1166T cause une augmentation du courant de fenêtre qui correspond à un recouvrement de l’activation et de l’inactivation dépendante du voltage, ce qui prolonge légèrement la durée du potentiel d’action mais suffisamment pour déclencher des arythmies (Boczek et al., 2015). Concernant les effets biophysiques de la mutation A1473G, ils ne sont pas clairement établis (Gillis et al., 2012). En revanche, la majorité de ces mutations sont responsables d’un gain de fonction aboutissant à une prolongation du potentiel d’action qui se traduit par un allongement de l’intervalle QT.

L’activité des canaux CaV1.2 est régulée par des protéines auxiliaires telles que CaVb, CaVa2d1, la calmoduline, des protéines kinases, qui peuvent elles aussi être la cible de mutations, ce qui augmente considérablement la probabilité d’une dysfonction du canal. En effet, à ce jour, 11 mutations « faux sens » ont été identifiées sur la protéine CaVb2 (T11I, A73V, S143F, S160T, K170N, L399S, T450I, S481L, D538E, R552G, R571C) et 5 mutations « faux sens » sur CaVa2d1 (D550Y, S709N, S755T, Q917H, S956T) (Burashnikov et al., 2010; Templin et al., 2011). Les patients ayant une de ces mutations perte de fonction ont été diagnostiqués majoritairement avec un syndrome de Brugada, ou bien un syndrome de repolarisation précoce (CaVb2 S160T et R571C, CaVa2d1 S956T) ou encore une fibrillation ventriculaire idiopathique (CaVb2 A73V). Sur CaVa2d1, il a été montré dans le laboratoire qu’en système recombinant les mutations simples D550Y et S709N réduisent l’expression membranaire de 30 % tandis que la double mutation D550Y/Q917H diminue de 60 % l’expression à la membrane de CaVa2d1. Le double mutant diminue significativement les densités de courant de CaV1.2 suggérant que ce variant présente un défaut d’adressage de la protéine à la surface membranaire (Bourdin et al., 2015). Sur la calmoduline, 3 mutations « faux sens » perte de fonction (D96V, D130G, F142L) ont été identifiés chez des patients et sont responsables d’une prolongation du potentiel d’action ventriculaire associée avec le

développement d’un LQTS congénital (Limpitikul et al., 2014). Ces mutations sont toutes situées sur le domaine EF-hand du lobe C-terminal de la calmoduline et leurs études en système recombinant ont montré que ces mutations induisaient une suppression de l’inactivation dépendante du calcium (CDI) en diminuant l’affinité du Ca2+ pour le domaine

EF-hand d’un facteur 10 à 100 avec pour une conséquence une perturbation de la régulation

des canaux calciques cardiaques (Crotti et al., 2013).

Figure 5. Représentation de la structure secondaire du canal calcique CaV1.2

montrant les différentes mutations associées à des pathologies cardiaques. Les

variants « pertes de fonction » associées aux syndromes BrS et ou ERS et ou SQTS sont identifiées en vert. La nature et la position du variant sont seulement indiquées pour la sous-unité CaVa1 tandis que les points verts indiquent le même type de mutation dans les sous-unités auxiliaires CaVb2 et CaVa2d1. La nature et la position des variants « gains de fonction » associées au LQTS8 (syndrome de Timothy) sont représentées en rouge et rose sur CaVa1 (Image non modifié de l’article (Betzenhauser et al., 2015)).

1.6.2 Autres maladies

Les canaux CaV1.2 sont également abondamment exprimés dans le système nerveux, où ils représentent 90 % des canaux calciques activés par la dépolarisation (Sinnegger-Brauns et al., 2009). Ces canaux CaV1.2 sont principalement localisés sur la membrane post-

synaptique des cellules du soma et des épines dendritiques où ils participent à l’excitation et la plasticité neuronale ainsi qu’au couplage excitation-transcription. Cette voie de signalisation contrôle l’expression de gènes impliqués dans les processus d’apprentissage, de mémorisation, d’addiction aux drogues et de développement neuronal (Zamponi, Striessnig, Koschak, & Dolphin, 2015). Une altération de l’activité de ces canaux a été mise en cause dans un grand nombre de pathologies neurologiques (maladie de Parkinson, schizophrénie, autisme, épilepsie) (Simms & Zamponi, 2014). Au niveau des neurones de la substance noire, les canaux caciques CaV1.2 sont présents en grande quantité et contribuent à l’élévation de la concentration calcique intracellulaire. Il en résulte un accroissement de l’activité métabolique pour maintenir l’homéostasie calcique corrélé à une augmentation du stress oxydatif mitochondrial qui fragiliserait les neurones et entrainerait leurs dégénérescences menant au développement de la maladie de Parkinson (S. M. Berger & Bartsch, 2014). Plusieurs études ont montrés que les DHPs auraient un effet neuroprotecteur sur le cerveau, et notamment l’isradipine qui est en phase III des essais cliniques pour son effet neuroprotecteur dans les premiers stade de développement de la maladie de Parkinson (Ortner & Striessnig, 2016).