• Aucun résultat trouvé

II. Les transporteurs vésiculaires du glutamate

II.3. Propriétés biochimiques et pharmacologiques des VGLUTs

Le transport du glutamate présente des caractéristiques bioénergétiques différentes de celles des monoamines, de l’acéylcholine ou du GABA. En effet, contrairement aux transporteurs VMATs et VAChTs, les VGLUTs dépendent essentiellement du gradient électrique (Δψ) plutôt que du gradient de pH (ΔpH) (Naito & Ueda, 1985; Maycox et al., 1988). Les trois VGLUTs possèdent des activités de transport similaires. Ils ont une affinité pour le glutamate de l’ordre de 1 à 5 mM. Cette affinité est relativement faible si on la compare aux autres transporteurs du glutamate comme les EAATs (de l’ordre de Km ∼ 4-40 µM) (Reimer et al., 2001). Malgré cette faible affinité pour le glutamate, les VGLUTs sont très sélectifs pour le glutamate et ne reconnaissent ni l’aspartate, ni le GABA, ni la glutamine ou autres neurotransmetteurs. Cette exclusivité de substrat n’est d’ailleurs pas retrouvée chez les autres membres de la famille des SLC17.

Vésiculaire

Vésiculaire

Cytoplasmique Cytoplasmique

Une caractéristique importante du transport vésiculaire du glutamate est sa dépendance biphasique au chlore extravésiculaire qui a été caractérisée sur des préparations de vésicules synaptiques ou des membranes contenant des VGLUTs hétérologues (Naito & Ueda, 1985; Bellocchio et al., 2000; Bai et al., 2001; Fremeau et al., 2001; Varoqui et al., 2002). A faible concentration en chlorure, le transport du glutamate est négligeable. En revanche, lors de l’augmentation de la concentration en ions Cl-, le transport du glutamate est activé et l’activité maximale est atteinte pour une concentration en chlore de 4 mM. Au-dessus de cette concentration, le transport décroit jusqu’à être inhibé à cause de l’effondrement du Δψ (Figure 10) (Maycox et al., 1988; Omote et al., 2011). Le mécanisme provoquant l’inhibition du transport par des fortes concentrations en chlore est bien compris. Par contre, celui sous-jacent l’activation du transport de glutamate par une faible concentration en ions Cl- (< 4 mM) est encore débattu. Deux hypothèses ont été émises par Chaudry et al., (Chaudhry et al., 2008) pour expliquer le mécanisme permettant l’augmentation de recapture du glutamate. Elle serait soit due à un afflux important d’ions Cl -dans la vésicule, soit il existerait un site allostérique aux anions sur les VGLUTs sur lequel les ions Cl- viendraient se fixer. Des études sur des préparations de protéines purifiées reconstituées dans des liposomes ont obtenu des résultats contraires. Il a d’abord été montré la présence sur les VSs d’un canal chlore CLC-3 jouant le rôle de régulateur du ΔpH vésiculaire (Xie et al., 1989) mais des études ont montré que la dépendance biphasique aux ions Cl- est maintenue en l’absence de CLC-3 (Stobrawa et al., 2001). L’existence d’une conductance au chlore dans des protéoliposomes contenant des VGLUTs a également été rapportée ainsi que la stimulation de la recapture de glutamate par le chlore intracellulaire. Les auteurs ont proposé que lorsque la concentration vésiculaire en Cl- augmentait, les VGLUTs passaient d’un mode H+ antiport à un mode Cl- antiport (Schenck et al., 2009).

Au contraire, un autre modèle de transport des chlorures a été proposé par Juge et

al., en 2010 (Juge et al., 2010). Ils ont purifié VGLUT1 et l’ont incorporé dans des

protéoliposomes pour que la cinétique du transport du glutamate devienne dépendante d’un seul composant. Dans cet essai, le gradient ionique est obtenu par addition de valinomycine et de K+-acétate. Ce modèle suggère que l’activité des VGLUTs est régulée par une liaison directe des ions Cl- aux VGLUTs. Cette régulation par les ions chlorures est spécifique de la famille des SLC17 puisqu’elle n’est pas observée avec VMAT1-2 (Juge et al., 2010). La stimulation des VGLUTs par les ions Cl- est inhibée par les corps cétoniques qui sont des intermédiaires métaboliques de la glycolyse et qui rentrent directement en compétition avec les ions Cl- (Juge et al., 2010). Ce modèle permettrait ainsi d’expliquer l’effet neuroprotecteur des régimes cétogéniques qui sont utilisés dans le traitement des épilepsies (Figure 10) (Vining, 1999).

Figure 10. Dépendance et régulation du transport de glutamate par les ions chlore.

Les ions Cl- régulent le transport de glutamate en contrôlant le ΔpH et l’activité des VGLUTs. Une faible concentration de Cl- active les VGLUTs alors qu’ils sont inhibés par une forte concentration à cause de la perte de force motrice. En effet, l’augmentation de la concentration en Cl- provoque une augmentation de ΔpH et une diminution de Δ ψ. Les corps cétoniques (ketone body) inactivent les VGLUTs en empêchant le chlore de se lier (d’après Omote et al., 2011).

La compréhension de l’effet du chlore sur les VGLUTs est assez complexe et reste encore débattue (Omote et al., 2011).

Au moment de leur identification moléculaire, les premiers VGLUTs ont été caractérisés comme étant des transporteurs de phosphate inorganique. Les premières études menées sur VGLUT2 suggéraient une activité de transport de phosphate inorganique

Na+-dépendante. Contrairement au transport de glutamate qui nécessite des ions chlorures, le transport de phosphate est indépendant de ces ions. Ainsi, selon certains auteurs, les VGLUTs possèderaient une double machinerie de transport :

-­‐ la première, dépendante du Δψ et des ions chlore pour le transport de glutamate,

-­‐ la seconde, dépendante des ions sodium pour le transport de phosphate inorganique.

Cette multifonctionnalité serait une des caractéristiques des transporteurs de la famille des SLC17 (Juge et al., 2006).

Récemment, une étude a proposé un modèle de transport qui prendrait en compte au moins en partie l’ensemble de ces données (Preobraschenski et al., 2014). Les auteurs ont utilisé deux systèmes :

- des protéoliposomes contenant VGLUT1 et la V-ATPase

- des protéoliposomes reconstitués avec la V-ATPase qu’ils ont fusionné à des VSs purifiées, grâce à la machinerie SNARE.

Leurs données suggèrent que le Cl- peut être transporté par les VGLUTs puisqu’ils ont observé une acidification dépendante du Cl- et un efflux de chlore dans des liposomes contenant seulement VGLUT et une V-ATPase. De plus, à cause des interférences observées avec des concentrations élevées en glutamate, il semblerait que le Cl- rentrerait en compétition avec le site de liaison du glutamate. Preobraschenski et al., (2014) propose donc un modèle dans lequel les VGLUTs auraient trois sites de liaison : un pour les cations et deux pour les anions. La localisation de ces sites est inconnue et leurs interactions sont très peu comprises mais le degré de plasticité fonctionnelle montré par les VGLUTs est unique. En plus de sa fonction canonique comme transporteur du glutamate, ces transporteurs changeant permettent le mouvement découplé du Cl-, l’échange K+/H+ et le transport de phosphate dépendant du Na+ (Accardi, 2014; Preobraschenski et al., 2014).

Malgré leur rôle clé dans la transmission excitatrice, très peu de composés ciblent efficacement les VGLUTs. Le développement d’outils pharmacologiques est crucial pour mieux comprendre l’implication fonctionnelle des VGLUTs en conditions normales et pathologiques.

• les analogues d’aminoacides :

Le (2S,4R)-4-méthylglutamate et le trans-ACPD sont les meilleurs analogues du glutamate. Ces molécules rentrent en compétition avec le glutamate, suggérant qu’elles reconnaissent le site de liaison du NT dans les VGLUTs. Par contre, elles modulent également l’activité des EAATs et des mGluRs avec une meilleure affinité (Winter & Ueda, 1993).

Le kynurénate est un composé endogène du SNC qui inhibent les iGluRs en plus d’inhiber la recapture du glutamate (Ganong et al., 1983). Les acides 2,4-quinoléinedicaboxyliques (QDC) font également parti des quinoléines (Carrigan et al., 2002).

• les colorants azoïques

Le bleu Trypan et le bleu Evans sont les meilleurs inhibiteurs compétitifs connus des VGLUTs (Roseth et al., 1995; Fonnum et al., 1998). Le Chicago Blue Sky présente les mêmes propriétés que le bleu Evans si ce n’est qu’il est moins efficace (Roseth et al., 1995).

Le « brillant yellow » est un puissant inhibiteur compétitif et spécifique des VGLUTs avec un Ki de 12 nM. Il inhibe le transport de glutamate dans la VSs. Il ne bloque pas l’accumulation vésiculaire de GABA (Tamura et al., 2014).

- un inhibiteur non compétitif (liaison à d’autres sites que le site actif) qui est le rose bengale puisqu’il inhibe de façon dose-dépendante la V-ATPase (Bole & Ueda, 2005; Pietrancosta et al., 2010).

- un inhibiteur indirect naturel qui est le facteur protéique nommé IPF. Il est capable de bloquer la recapture du glutamate et du GABA de façon indirecte (Gegelashvili & Schousboe, 1997; Tamura et al., 2001).

Figure 11. Structures des molécules qui inhibent les VGLUTs.

(A) Analogues des aminoacides (B) Les colorants azoïques (d’après Shigeri et al., 2004).