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3 Propriétés oenologiques des non-Saccharomyces

3.2 Propriétés aromatiques

De nombreux scientifiques se sont intéressés aux propriétés aromatiques des levures non-Saccharomyces et à leurs impacts sur la qualité organoleptique des vins (Cabrera et al., 1988; Ciani et al., 2010; Ciani et Ferraro, 1998; Ciani et Maccarelli, 1998; Ciani et Picciotti, 1995; Domizio et al., 2007; Egli et al., 1998; Fleet, 2003, 2008; Herraiz et al., 1990; Lema et al., 1996; Renouf et al., 2007; Rojas et al., 2001; Romano et al., 2003b; Romano et al., 1992; Romano et al., 1993; Swiegers et al., 2005; Viana et al., 2008; Zohre et Erten, 2002). De nombreuses études ont ainsi mis en évidence le rôle positif des levures non-Saccharomyces dans la composition des vins comme par exemple l’augmentation de la complexité aromatique (Cabrera et al., 1988; Herraiz et al., 1990; Lema et al., 1996; Moreno et al., 1991; Viana et al., 2008).

3.2.1 Production d’arômes d’intérêt

En effet, les levures non-Saccharomyces peuvent moduler la composition aromatique du vin de plusieurs façons :

- Métabolisme des composés du moût ; - Hydrolyse enzymatique ;

- Autolyse et bioadsorption.

Le métabolisme secondaire des levures non-Saccharomyces entraînent la formation d’une centaine de composés comme : des alcools supérieurs, des esters, des acides organiques, des

aldéhydes, des cétones, des amines ou des composés soufrés volatiles (Lambrechts et Pretorius, 2000; Nykanen, 1986; Swiegers et al., 2005). La production de ces composés varie en fonction des souches et espèces de levures utilisées.

Plusieurs espèces non-Saccharomyces ont ainsi été décrites pour leur forte aptitude à produire des esters (Rojas et al., 2001; Rojas et al., 2003) qui sont des composés aromatiques jouant un rôle organoleptique important dans le vin car principalement responsables de la note fruitée (Rapp et Mandery, 1986). Par exemple, les espèces appartenant aux genres Hanseniaspora et Pichia peuvent estérifier plusieurs alcools comme l’éthanol, le géraniol, l’alcool isoamylique et le 2-phényl-éthanol (Rojas et al., 2001), ce qui entraîne une production totale d’esters supérieure à celle de Saccharomyces cerevisiae (Viana et al., 2008). Des souches d’Hanseniaspora guillermondii, Hanseniaspora osmophilia et Pichia membranaefaciens ont été décrites pour leurs fortes productions d’acétate de 2-phényléthyle et d’acétate d’isoamyle (Moreira et al., 2005; Rojas et al., 2001; Viana et al., 2008). Cependant, la production importante d’esters par ces levures est souvent associée à une forte production d’acétate d’éthyle indésirable en trop forte concentration (> 150-200 mg/L) pour la qualité des vins. En effet, selon Plata et al. (2003) les levures qui produisent le plus d’acétate d’isoamyle : Kloeckera apiculata, Hansenula subpelliculosa et Kluyveromyces marxianus sont les levures qui produisent également le plus d’acétate d’éthyle. Dans les mêmes conditions Torulaspora delbrueckii, Pichia membranaefaciens et Candida guillermondii sont caractérisées par une faible production de ces deux esters.

Les alcools supérieurs sont également des composés qui contribuent positivement à la compléxité aromatique des vins jusqu’à une teneur de 300 mg/L (Rapp et Mandery, 1986). La production des différentes espèces de non-Saccharomyces est généralement faible pour ces composés. Certains auteurs (Gil et al., 1996; Herraiz et al., 1990; Moreira et al., 2008; Viana et al., 2008) ont ainsi mis en évidence une faible production de propanol, d’alcool isobutylique, de butanol, d’alcool isoamylique, d’hexanol et d’alcool phényléthylique par les espèces suivantes : Hanseniaspora uvarum, Kloeckera apiculata et Torulaspora delbrueckii. La production d’acides gras volatils (acide octanoïque, décanoïque, caproïque, caprylique et caprique) par les levures non-Saccharomyces, et en particulier les espèces suivantes : Zygosaccharomyces bailii, Kloeckera apiculata, Schizosaccharomyces spp, et Torulaspora delbrueckii, est généralement plus faible que celle de S. cerevisiae (Herraiz et al, 1990 ; Ravaglia et Delfini, 1993).

Les levures peuvent également influencer le profil aromatique des vins par leurs activités enzymatiques qui peuvent générer la libération d’arômes variétaux à partir de composés inodores du moût (précurseurs d’aromes). Cependant, la connaissance de la diversité et de la complexité de ces réactions n’est pas encore clairement établie (Hernandez-Orte et al., 2008; Swiegers et al., 2005).

Parmi ces réactions, la libération des terpènes est la plus étudiée. Les monoterpènes d’alcool comme le citronellol, le géraniol, le linalol et le nérol, sont naturellement présents dans les moûts de Muscat, Riesling et autres variétés blanches, leur conférant des arômes fruités, épicés et végétaux. Cependant, une grande proportion de ces composés est liée au glucose et forme des composés inodores. Les glycosidases (comme la β-glucosidase) produites par les levures permettent de couper cette liaison et de relâcher les terpènes volatils qui ont un impact sur les caractéristiques du vin. Cette production varie selon les espèces et les souches mais certaines espèces comme Torulaspora delbrueckii, Hanseniaspora spp., Debaryomyces spp. et Brettanomyces spp. peuvent produire plus de glycosidases que S. cerevisiae et jouent donc un rôle important dans la libération des terpènes volatils (Fia et al., 2005; Gonzalez-Pombo et al., 2008; King et Richard Dickinson, 2000; Maicas et Mateo, 2005; Mendes Ferreira et al., 2001; Rodríguez et al., 2004; Rosi et al., 1994; Swiegers et al., 2005; Vasserot et al., 1989; Villena et al., 2007).

Des études sur la production de poly-galacturonase et de β-D-xylosidase par différentes souches de non-Saccharomyces montrent que ces activités enzymatiques peuvent être utilisées pour augmenter la qualité des vins (Fernandez et al., 2000; Manzanares et al., 1999; Strauss et al., 2001). Par ailleurs, les levures peuvent encore produire d’autres enzymes comme des estérases, des décarboxylases, des sulphites réductases, des protéases et des pectinases qui pourraient agir sur la composition aromatiques du vin (Charoenchai et al., 1997; Fernandez et al., 2000; Strauss et al., 2001). Des études complémentaires semblent néanmoins indispensables pour appréhender leurs véritables rôles.

La libération des thiols volatils (4-méthyl-4-sulfanylpentan-2-one, 3-sulfanylhexan-1-ol, acétate de 3-sulfanylhexyl) par les levures non-Saccharomyces a été très peu étudiée. Elle implique une activité cystéine lyase chez S. cerevisiae.

Enfin, bien que de nombreux travaux soient encore nécessaires, il semblerait que les levures non-Saccharomyces, qui composent une partie de la biomasse levurienne en fin de fermentation, soient impliquées dans la modulation aromatique du vin par autolyse et bioadsorption, au même titre que S. cerevisiae.

3.2.2 Défauts organoleptiques

Par ailleurs, plusieurs non-Saccharomyces peuvent être à l’origine de défauts olfactifs pendant les différentes étapes de la vinification : de la fermentation alcoolique à l’élevage des vins, et être ainsi considérées comme levures d’altération. Les arômes à défaut olfactif produits peuvent être par exemple une grosse production d’acide acétique, d’acétate d’éthyle, d’acétaldéhyde, d’acétoïne, de phénols volatils ou encore de sulfure d’hydrogène (Du Toit et Pretorius, 2000 ; Fleet, 1992). Hanseniaspora uvarum, Kloeckera apiculata, Candida stellata et Saccharomyces ludwigii ont été décrites pour leurs fortes productions d’acétate d’éthyle, d’acide acétique et d’acétoïne au cours de la fermentation alcoolique (Ciani et Maccarelli, 1998; Ciani et Picciotti, 1995; Herraiz et al., 1990; Plata et al., 2003; Romano et al., 2003a). Lors du stockage et vieillissement des vins, la présence d’oxygène dans les barriques ou les cuves peut favoriser un développement rapide en surface de levures oxydatives (ou faiblement fermentatives) appartenant généralement au genre Candida ou Pichia. Ces espèces oxydent l’éthanol, le glycérol et les acides et forment de grandes quantités d’acétaldéhyde et d’acide acétique (Fleet, 2003). Le vin en bouteille peut également être colonisé par des espèces fermentaires comme Zygosaccharomyces, Brettanomyces (Dekkera), Saccharomyces et Saccharomycodes. Ces espèces peuvent provoquer l’apparition de sédiments ou de gaz mais aussi d’esters et d’acides provoquant un défaut olfactif (Sponholz, 1993). Les espèces du genre Brettanomyces (Dekkera) sont associées à la production de composés à défaut olfactif : les phénols volatils. Ils sont formés à partir des acides phénoliques contenus dans le vin. Ainsi, une première enzyme, la cinnamate décarboxylase, permet la transformation de l’acide para-coumarique en vinyl-phénol (gouache, caoutchouc brûlé) et de l’acide férulique en 4-vinyl-gaïcol (clou de girofle, amande grillée). Ces deux composés sont cependant peu odorants. Les composés les plus désagréables sont le 4-éthyl-phénol (cuir, écurie, encre) et le 4-éthyl-gaïacol (épice, caramel brûlé). Ils sont formés respectivement à partir du 4-vinyl-phénol et du 4-vinyl-gaïacol, par l’intermédiaire d’une enzyme que l’on retrouve principalement chez les espèces du genre Brettanomyces (Dekkera) : la vinyl-phénol réductase (Chatonnet et al., 1992; Chatonnet et al., 1995; Dias et al., 2003; Suárez et al., 2007). D’autres espèces sont cependant capables de produire des éthyls phénols : Candida cantarelli, Candida wickerhamii, Debaryomyces hansenii, Kluyveromyces lactis et Pichia guillermondii (Dias et al., 2003). De plus, l’autolyse des levures, après la fermentation alcoolique, peut être une source significative de micronutriments pour la croissance des

levures d’altération (Charpentier et Feuillat, 1993) et spécialement pour celles appartenant au genre Brettanomyces (Guilloux-Benatier et al., 2001).