• Aucun résultat trouvé

2 Propriétés fermentaires

2.5 Composés aromatiques

Le métabolisme secondaire des levures entraînent la formation d’une centaine de composés tels que : des alcools supérieurs, des esters, des acides organiques, des aldéhydes, des cétones, des amines ou des composés soufrés volatiles (Lambrechts et Pretorius, 2000 ; Nykanen, 1986; Swiegers et al., 2005). La production de ces composés varie, pour un même moût, en fonction des souches et espèces de levures utilisées.

Pour caractériser le profil aromatique fermentaire de l’espèce T. delbrueckii, nous avons dosé divers arômes (esters, alcools supérieurs, acides gras, acétaldéhyde, acétoïne, diacétyle et γ -butyrolactone) selon le protocole proposé par Ortega et al. (2001) lors de la fermentation sur milieu synthétique MS.

Douze souches de T. delbruecki ont été évaluées au cours de cette expérience. Comme décrit précédemment, les fermentations réalisées par cette espèce ne sont pas complètes sur ce milieu. En conséquence, pour comparer la production aromatique pour un même avancement de la réaction, les fermentations ont été stoppées et le milieu analysé après consommation de 50% des sucres. Les valeurs moyennes, minimum et maximum, correspondant à la production de chaque composé analysé sont présentées dans le tableau 11.

Toutes les souches de T. delbrueckii ont produit de très faibles quantités d’acétaldéhyde (aigre, pomme verte), très inférieures à son seuil de perception dans le vin (100 mg/L) (Lambrechts et Pretorius, 2000) comme l’ont déjà observé divers auteurs (Bely et al., 2008 ; Ciani et Picciotti, 1995 ; Herraiz et al., 1990 ; Lema et al., 1996). Le diacétyle (note beurrée) est une molécule qui a faibles concentrations (< 4 mg/L) améliore la qualité du vin mais qui, à des concentrations plus élevées, a un impact négatif (Rankine et al, 1969). Par ailleurs, la majorité du diacétyle formé au cours de la fermentation alcoolique est réduite en acétoïne (crémeux, lacté) et 2,3-butanediol qui sont des composés beaucoup moins odorants (Postel et Meier, 1983, de Revel et al., 1989). Dans nos conditions, la production de diacétyle par l’espèce T. delbrueckii est toujours supérieure à son seuil de perception dans une solution modèle (0,1 mg/L) (Ferreira et al., 2000), mais inférieure à 4 mg/L, concentration à partir de laquelle le diacétyle est considéré comme négatif pour la qualité des vins. La production

d’acétoïne est également très faible, largement en dessous de son seuil de perception dans une solution modèle (150 mg/L) (Ferreira et al., 2000), et est significativement différente selon les souches de T. delbrueckii.

Tableau 11 : Teneurs moyennes en composés volatils majeurs produits à 24°C par 12 souches de T. delbrueckii sur milieu synthétique à 240 g/L de sucres.

Les données sont exprimées en mg/L, ND signifie concentration inférieure à la limite de détection ; * veut dire qu’il y a une différence significative entre les souches de T. delbrueckii à P<0,05.

Moyenne Ecart type Valeur min. Valeur max.

Acétaldehyde 0,13 0,55 0,00 0,82 Acétoine* 3,34 1,90 0,96 6,20 Diacétyle 0,71 0,51 0,30 1,19 Alcools supérieurs Isobutanol 17,52 4,37 13,81 24,40 Alcool isoamylique* 59,94 12,39 33,68 75,69 Phényl-2-éthanol 24,54 14,78 7,87 45,85 1-butanol* 0,22 0,05 0,17 0,28 2,3-butanediol* 0,93 1,47 0,00 5,03 Alcool benzylique 0,03 0,03 0,00 0,07 Somme 103,18 Esters Acétate d'isoamyle ND Succinate de diéthyle 0,02 0,08 0,00 0,11 Lactate d'éthyle* 3,12 0,04 3,06 3,19 3-hydroxy-butyrate d'éthyle* 0,06 0,03 0,04 0,12 Butyrate d'éthyle ND Hexanoate d'éthyle ND Octanoate d'éthyle ND Acétate de phényléthyle* 0,09 37,25 36,71 138,41 Somme 3,29 Acide gras Acide butyrique 0,17 0,04 0,13 0,20 Acide isobutyrique* 1,55 0,75 0,81 2,61 Acide hexanoique 0,12 0,04 0,09 0,16 Acide octanoique 0,09 0,02 0,06 0,10 Acide décanoique 0,22 0,08 0,16 0,32 Acide isovalérique 0,07 36,36 24,55 105,09 Somme 2,22 Lactone γ−Butyrolactone* 0,16 0,05 0,06 0,22

La somme des teneurs en alcools supérieurs est un paramètre discutable mais utilisé comme indicateur en œnologie. Elle varie entre 56 et 133 mg/L avec une concentration moyenne de 103 mg/L. Des différences significatives ont été mises en évidence dans la production de certains alcools supérieurs comme l’alcool isoamylique, le 1-butanol et le 2,3-butanediol. Les deux alcools supérieurs produits en plus grande quantité sont l’alcool isoamylique (solvant, banane) et le phényl-2-éthanol (rose) avec une production moyenne respective de 60 et 25 mg/L inférieure au seuil de perception pour l’alcool isoamylique (300 mg/L en solution modèle) (Lambrecht et Pretorius 2000) mais supérieure pour le phényl-2-éthanol (14 mg/L en solution modèle) (Ferreira et al., 2000). Ces résultats sont en accord avec Ciani et Picciotti (1995), Herraiz et al. (1990) et Moreno et al. (1991) qui ont mis en évidence une production importante de ces 2 alcools supérieurs. Cependant, les teneurs globales en alcools supérieurs obtenues par ces auteurs, en fin de fermentation sur moût, étaient largement supérieures aux nôtres (entre 240 et 485 mg/L).

Les souches de T. delbrueckii ont produit de faibles quantités d’esters, entre 3,2 et 3,4 mg/L avec une valeur moyenne de 3,3 mg/L. Comme présenté dans le tableau 11, il n’y a eu aucune production d’acétate d’isoamyle ni de butyrate, hexanoate et octanoate d’éthyle au cours de la fermentation alcoolique, comme déjà observé par Hernandez-Orte et al. (2008) dans un milieu synthétique similaire. Des différences significatives entre souches de T. delbrueckii ont été révélées pour la production d’acétate de phényléthyle, de lactate d’éthyle et de 3-hydroxybutyrate d’éthyle. Aucun ester n’a été produit en concentration supérieure à son seuil de perception en solution modèle.

La somme des acides gras produits est comprise entre 1,5 et 3,2 mg/L avec une valeur moyenne de 2,2 mg/L. Ces résultats sont en accord avec Hernandez-Orte et al. (2008). Il n’y a pas de différence entre souches pour la production des différents acides gras sauf pour l’acide isobutyrique qui est par ailleurs l’acide gras produit en plus grande quantité. Ceci a déjà été constaté sur moût par Herraiz et al. (1990) dans des concentrations similaires.

Enfin, la production de γ-butyrolactone (note beurrée) varie considérablement selon les souches mais sa concentration est toujours inférieure au seuil de perception en solution modèle (35 mg/L) (Escudero et al., 2007).

La production d’arômes fermentaires par T. delbrueckii, dans nos conditions expérimentales, a été globalement faible si on compare nos résultats à ceux mentionnés dans la littérature. Ce phénomène est peut-être dû à l’arrêt précoce volontaire de la fermentation (à 7% vol. éthanol) et à l’utilisation d’un milieu synthétique. En effet, d’autres auteurs ont également trouvé de

faibles productions d’arômes par diverses espèces (y compris S. cerevisiae) dans des milieux synthétiques similaires (Hernandez-Orte et al., 2008 ; Viana et al., 2008).

Pour vérifier si la faible production d’arômes était due en partie à l’utilisation du milieu synthétique, nous avons également évalué la production, par 3 souches de cette expérience, sur un moût de Colombard comprenant 177 g/L de sucres et ajusté à 200 mg/L d’azote assimilable. Si la production de phényl-2-éthanol a augmenté (52 mg/L au lieu de 25 mg/L sur milieu MS) et est largement supérieure au seuil de perception en solution modèle (14 mg/L), la production des autres composés aromatiques, et notamment des esters, est toujours aussi faible (teneur totale en esters < 3 mg/L) (données non présentées).

En conclusion, aucune molécule odorante produite en grande quantité et pouvant caractériser l’espèce T. delbrueckii n’a pu être mise en évidence au cours de notre essai. Seul le phényl-2-éthanol semble être produit à des concentrations supérieures à son seuil de perception. Cet essai a cependant permis d’illustrer la pureté de fermentation de l’espèce T. delbrueckii caractérisée par une très faible production de composés à défauts aromatiques comme l’acétoine, l’acétaldéhyde et le diacétyle. Ces résultats sont en accord avec ceux de nombreux auteurs (Ciani et Maccarelli, 1998; Ciani et Picciotti, 1995; Herraiz et al., 1990; Moreno et al., 1991).