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5. DISCUSSION

5.1 Propriétés antibactériennes

5.1.1 Concentrations minimales inhibitrices et bactéricides

L’évaluation des propriétés antibactériennes des molécules à l’étude vis-à-vis P. gingivalis, F. nucleatum ainsi qu'A. actinomycetemcomitans a permis de démontrer qu’une concentration de thé vert de 250 µg/ml (CMB = 500 µg/ml) est en mesure de réduire significativement la croissance P. gingivalis ATCC 33277, et qu’une concentration de 500 µg/ml (CMB = 1000 µg/ml) permet l’inhibition de la croissance des 3 autres souches de P. gingivalis (ATCC 49417, W83 et HW24D1). Une CMI (200 µg/ml) ainsi qu’une CMB (500 µg/ml) comparables ont été retrouvées lors d’une autre étude sur la bactérie P. gingivalis ATCC 33277 utilisant le même extrait de thé vert. Des extraits de thé blanc, oolong et noir ont également démontré, au cours de cette même étude, des CMI et des CMB équivalentes [450]. En ce qui concerne F. nucleatum et A. actinomycetemcomitans, bien que les CMI soient équivalentes (1000 µg/ml), les CMB se sont avérées plus élevées, avec des valeurs respectives de 2000 et 4000 µg/ml. En ce qui concerne l’EGCG, une concentration de 125 µg/ml (CMB = 250 µg/ml) a permis l’inhibition de la croissance de P. gingivalis ATCC 33277, une concentration de 250 µg/ml (CMB = 500 µg/ml) a inhibé la croissance de P. gingivalis HW24D1 et W83, tandis qu’une concentration de 500 µg/ml (CMB = 1000 µg/ml) a permis l’inhibition de la croissance de P. gingivalis

101 ATCC 49417. En ce qui concerne F. nucleatum et A. actinomycetemcomitans, bien que les CMI se sont avérées équivalentes (500 µg/ml), les CMB se sont avérées plus élevées, avec des valeurs respectives de 1000 et >4000 µg/ml.

Il est estimé qu’une tasse de thé (2,5 g de feuilles de thé / 200 ml d’eau) contient 90 mg d’EGCG sont retrouvés, représentant une concentration finale de 450 µg/ml [338]. Différentes études ont démontré des valeurs de CMI et de CMB comparables en ce qui concerne P. gingivalis. Effectivement, l’une d’entre elles indique que les polyphénols retrouvés dans le thé, dont l’EGCG inhibe la croissance de cette bactérie parodontopathogène à des concentrations allant de 250 à 1000 µg/ml [445, 450]. Considérant ces données, il est raisonnable de penser que les effets antibactériens du thé vert et de l’EGCG, bien que les CMI varient entre les différentes souches et espèces bactériennes, sont envisageables dans un contexte in vivo. De plus, une étude a démontré que grâce à l’utilisation d’un système de délivrance à libération lente saturé en Sunphenon, un extrait de feuilles de thé vert ayant une teneur très élevée en catéchines, et appliqué directement dans les poches parodontales (bandes d’hydroxypropylcellulose), il est possible, en combinaison avec le traitement mécanique, de réduire significativement les proportions de Prevotella spp. ainsi que de P. gingivalis. Par conséquent, cette étude illustre les possibles applications des présents résultats dans une optique de traitement des maladies parodontales [447].

Bien que des concentrations relativement élevées des molécules à l’étude soient parfois nécessaires pour inhiber la croissance des différents microorganismes étudiés, des concentrations plus faibles de ces dernières peuvent suffire cependant à modifier certaines fonctions biologiques des bactéries parodontopathogènes, notamment l’adhérence aux cellules épithéliales, de même que l’expression des gènes codant pour certains de leurs facteurs de virulence, tels que les fimbriae, les hémagglutinines ainsi que les gingipaïnes chez la bactérie P. gingivalis (données en révision pour publication), diminuant par ailleurs le potentiel pathogène de ce dernier [398, 445, 446, 448, 449].

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En plus d’inhiber la croissance d'importantes bactéries impliquées dans l’étiologie des maladies parodontales [445, 447], il a également été démontré que l’EGCG possède un effet sur la croissance de diverses bactéries pathogènes incriminées dans la carie dentaire ainsi que l’halitose buccale. Plus spécifiquement, la croissance de S. mutans et S. sobrinus, deux bactéries cariogènes, de même que S. moorei, impliquée dans l’halitose buccale, sont inhibées par les polyphénols du thé [401, 434]. De plus, la croissance de bactéries pathogènes impliquées dans diverses infections extra-orales est également inhibée par l’EGCG, soit Staphylococcus spp. [485-487], Streptococcus pyogenes [488], Bacillus spp., Clostridium spp. [489], Salmonella typhi [490], ainsi que E. coli [491].

Diverses hypothèses ont été émises afin d’expliquer les mécanismes impliqués dans l’inhibition de la croissance bactérienne. D’une part, les composantes du thé, soit les catéchines du thé vert et les théaflavines du thé noir, endommagent de façon irréversible la membrane cytoplasmique bactérienne [437, 438, 492]. Une analyse en microscopie électronique a permis de mettre en lumière ce mécanisme à l’aide de la bactérie Pseudomonas aeruginosa. En effet, lors d’essais sur milieu gélosé, il a été démontré que l’EGCG inhibe la croissance de ce microorganisme. Les analyses subséquentes ont démontré que l'inhibition de la croissance était la conséquence de la perte de l’intégrité de la membrane externe de la bactérie [493]. Plus spécifiquement, l'EGCG génère du peroxyde d'hydrogène dans la bicouche lipidique de la membrane cytoplasmique bactérienne, entraînant la fuite du contenu intracellulaire [437]. D’autre part, une seconde étude a démontré que l'action antibactérienne des catéchines du thé vert contre Stenotrophomonas maltophila, un pathogène opportuniste à Gram négatif, est due à sa capacité à inhiber la dihydrofolate réductase cytoplasmique. Cette enzyme réduit l'acide dihydrofolique en acide tétrahydrofolique, qui est requis par les bactéries afin de synthétiser les purines, la thymidylate, ainsi que les précurseurs d'acides nucléiques, qui sont très importants pour la prolifération cellulaire et la croissance [494]. L'inhibition de cette enzyme par les catéchines du thé vert a également été observée chez la bactérie E. coli [495].

103 5.1.2 Détermination de l’effet synergique

Par définition, le terme synergie signifie « l’interaction de deux ou plusieurs composés utilisés dans le traitement de la même pathologie, dont l'effet thérapeutique est supérieur aux effets additionnés de chacun d'eux pris isolément » [496, 497]. Les plantes, incluant le thé, diffèrent entre eux par la nature des composés bioactifs qui les composent et par les propriétés antioxydantes de ces derniers. Depuis la découverte des effets synergiques et leur importance dans le domaine thérapeutique, les interactions entre les agents biologiquement actifs tels que le thé vert et les divers antibiotiques sont devenues un sujet important pour la recherche scientifique.

Dans leur association avec le métronidazole et la tétracycline, l’extrait de thé vert et l’EGCG ont démontré un effet synergique ou partiellement synergique envers P. gingivalis. En ce qui concerne F. nucleatum, cette bactérie s’est montrée la plus sensible à la presque totalité des combinaisons qui ont été testées, à l’exception de l’EGCG et de la tétracycline, qui a démontré un effet de synergie partielle. Enfin, pour A. actinomycetemcomitans, des effets de synergie partielle ont été observés lors de la combinaison du métronidazole avec les l’extrait de thé vert et de l’EGCG, tandis que la tétracycline en combinaison avec les polyphénols à l’étude résultait en un effet additif.

Les cibles d’action complémentaires des molécules utilisées en combinaison au cours de cette étude pourraient expliquer les effets observés. Tel que mentionné précédemment, l’EGCG exerce un effet antibactérien par la formation de pores dans les membranes bactériennes [437]. Le métronidazole est un antibiotique appartenant à la famille des nitro-imidazolés; les métabolites du métronidazole interagissent avec l’ADN des microorganismes, inhibant sa synthèse et menant à la lyse des cellules [498]. Cet antibiotique s’avère plus approprié pour le traitement des parodontites chroniques, puisque ce dernier permet l’éradication des bactéries anaérobies strictes, dont P. gingivalis [88]. La tétracycline, quant à elle, s’attache à la sous-unité ribosomale 30S et interfère avec l’ARNm, inhibant ainsi la réplication bactérienne et/ou la synthèse des protéines nécessaires à ses fonctions [7, 499]. Retrouvés en grande concentration dans le fluide créviculaire suite à son administration, les tétracyclines sont surtout utilisées dans le traitement des parodontites agressives causées par A. actinomycetemcomitans [500].

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Dans un contexte extra-buccal, différentes études reconnaissent maintenant les effets antibactériens du thé vert et ont repoussé les limites de ce concept par la réalisation d’études ayant pour but de vérifier si les catéchines du thé vert pouvaient agir en synergie avec des agents antimicrobiens connus. Plusieurs de ces recherches portent sur des bactéries pathogènes telles que Staphylococcus aureus résistant à la méthycilline (SARM), Staphylococcus epidermidis et Escherichia coli, entre autres. Les résultats de ces études ont démontré que les catéchines du thé vert agissent en synergie avec la tétracycline contre S. aureus et S. epidermidis [486, 501], avec la pénicilline contre S. epidermidis [502], avec la pénicilline, l’oxacilline, l’ampicilline/le sulbactam, le carbapenem et l’imipenem contre SARM [503-506] et finalement, avec le chloramphénicol, la ciprofloxacine, et la cefotaxime contre la bactérie pathogène E. coli présentant divers degrés de résistance [501, 507].

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