• Aucun résultat trouvé

5. DISCUSSION

5.2 Propriétés anti-destruction tissulaire

Les maladies parodontales sont des maladies infectieuses conduisant à la destruction des tissus de support de la dent. D’une part, les maladies parodontales sont initiées par la présence d’un sous- groupe particulier de bactéries Gram négatives incluant entre autre P. gingivalis, F. nucleatum et A. actinomycetemcomitans [94], colonisant les sites sous-gingivaux sous la forme d'un biofilm. Ceci constitue le facteur étiologique primaire de cette affection. D’autre part, la réponse de l’hôte à ces bactéries et à leurs métabolites toxiques constitue également un facteur clé modulant la progression et la sévérité de cette condition pathologique. Plus précisément, le LPS des bactéries Gram-négatives est un puissant inducteur de médiateurs pro-inflammatoires et peut ainsi initier de nombreux processus destructeurs médiés par l’hôte [508]. Les fibroblastes, cellules constitutives des tissus parodontaux, de même que les macrophages, cellules prédominantes dans les lésions parodontales actives [292], en réponse aux bactéries parodontopathogènes, produisent et sécrètent plusieurs cytokines et médiateurs de l’inflammation et de la réponse immunitaire, plus spécifiquement l’IL-1, le TNF-α, l’IL-6, ainsi que l’IL-8 [509]. Ces cytokines jouent un rôle direct dans la destruction parodontale, puisqu’elles stimulent les fibroblastes et les macrophages, entre autre à augmenter la production, l’expression et l'activation des MMPs, entraînant la destruction progressive du parodonte [443]. Les MMPs, dont la stromélysine MMP-3, la collagénase MMP-8 et la gélatinase MMP-9, dégradent le collagène et la gélatine constituant la matrice extracellulaire des tissus parodontaux. Par conséquent, l'activité des MMPs joue un rôle important dans la pathogenèse et la progression de la maladie parodontale.

105 D'ailleurs, leur dosage dans le fluide créviculaire est reconnu pour refléter l’état de santé du parodonte [300, 320, 321, 323, 510]. Depuis une dizaine d'années, les composés bioactifs dotés d'une capacité de moduler la réponse inflammatoire de l'hôte reçoivent une attention considérable, car ces derniers pourraient représenter de nouveaux agents thérapeutiques pour le traitement des maladies parodontales [270, 291].

Dans notre étude, un modèle de co-culture macrophages/fibroblastes a été utilisé afin d'évaluer la capacité d’un extrait de thé vert et d’EGCG à diminuer la sécrétion des MMPs, plus spécifiquement la MMP-3, la MMP-8 et la MMP-9, enzymes hydrolytiques grandement impliquées dans la destruction tissulaire caractéristique de la parodontite. Les effets des différents composés à l’étude ont été évalués lorsque le modèle de co-culture a été stimulé ou non, avec le LPS d’A. actinomycetemcomitans en situation mimant une condition faiblement inflammatoire (ratio 1 :10) et une condition fortement inflammatoire (ratio 10 :1). Bien que les deux ratios cellulaires utilisés au cours de cette étude aient été déterminés de façon arbitraire à prime abord, les résultats obtenus supportent que le ratio 10:1 puisse représenter une condition fortement inflammatoire par rapport au ratio 1:10. En effet, des concentrations significativement plus élevées pour les MMP-3,-8 et -9 sont obtenus pour le ratio 10 :1, lorsque ce dernier est comparé à la concentration dosée lors d’une situation faiblement inflammatoire, représentée par le ratio 1 :10.

Avant de vérifier le potentiel de l'extrait de thé vert et de l'EGCG à des fins préventives et thérapeutiques, leurs effets sur la sécrétion basale de MMPs par le modèle de co-culture macrophages/fibroblastes ont préalablement été déterminés. Les résultats de cette analyse ont permis de mettre en lumière la capacité des polyphénols du thé vert à réduire les niveaux basaux des MMPs sécrétées, plus spécifiquement les MMP-3 et MMP-9. Puisque dans un contexte sain, les MMPs demeurent importantes dans le remodelage tissulaire, l’utilisation d’une concentration de 62,5 µg/ml pourrait être à privilégier puisqu'elles n'amène pas une réduction significative de leur sécrétion.

106

D’une part, l’intérêt de l’utilisation des composés naturels à l’étude à des fins préventives a été évalué dans le modèle de co-culture macrophages/fibroblastes. Les résultats de cet objectif ont permis de mettre en lumière la capacité des polyphénols du thé vert à prévenir la sécrétion des MMPs (MMP-3, MMP-8 et MMP-9) par le modèle de co-culture préalablement traité avant d’être stimulé avec le LPS. D’autre part, le potentiel d'utilisation des composés naturels à l’étude à des fins thérapeutiques a également été évalué. Les résultats de cet objectif ont démontré la capacité des polyphénols du thé vert à réduire la sécrétion des MMPs, plus spécifiquement les MMP-3 et -9 dans le modèle de co- culture préalablement stimulé avec le LPS. L'ensemble des résultats obtenus supportent le potentiel d'utilisation à titre d’agents préventifs ou thérapeutiques de la maladie parodontale.

Dans des situations reflétant un état faiblement (ratio 1 macrophage : 10 fibroblastes) ou fortement inflammatoires (ratio 10 macrophages : 1 fibroblaste), un prétraitement avec l’extrait de thé vert a réduit significativement la sécrétion de la MMP-3 par le modèle de co-culture stimulé avec le LPS, à partir d’une concentration de 15,625 µg/ml. Les effets inhibiteurs de l’EGCG ont ensuite été vérifiés selon les mêmes conditions, et ces derniers se sont avérés moins efficaces, ce qui laisse supposer la présence d’autres molécules bioactives dans l’extrait de thé vert. Pour les deux ratios cellulaires testés, l’EGCG, a nécessité une concentration d'au moins 31,25 µg/ml pour entraîner une diminution significative de la sécrétion de la MMP-3.

Dans un contexte thérapeutique de la maladie parodontale, l’extrait de thé vert pourrait représenter une substance intéressante puisque ce dernier a entraîné une réduction significative de la sécrétion de la MMP-3, à partir d’une concentration 7,8125 µg/ml pour les deux ratios cellulaires testés. Les effets inhibiteurs de l’EGCG ont ensuite été vérifiés selon les mêmes conditions. Dans une situation faiblement inflammatoire, l’EGCG a diminué de façon significative et dose-dépendante la sécrétion de la MMP-3 à partir d’une concentration 7,8125 µg/ml. En ce qui concerne le ratio représentant une situation fortement inflammatoire, l’EGCG inhibait, de façon significative et dose dépendante la sécrétion de la MMP-3 par le modèle de co-culture à partir de 15,625 µg/ml.

107 Dans une alternative préventive (traitement du modèle de co-culture avec les polyphénols avant la stimulation avec le LPS), il a été démontré qu’en situation faiblement inflammatoire, l’extrait de thé vert et l’EGCG diminuent significativement la sécrétion de la MMP-8 à partir de 31,25 µg/ml et 15,625 µg/ml, respectivement. Lors de l’utilisation d’un ratio illustrant une situation fortement inflammatoire, une diminution dose-dépendante quoique seulement significative à des concentrations de 15,625 µg/ml et 62,5 µg/ml a été observée pour l’extrait de thé vert, et 15,625 µg/ml et 31,25 µg/ml pour l’EGCG.

Dans une optique de traitement de la maladie parodontale (stimulation du modèle de co-culture avec le LPS avant l'ajout des polyphénols), il a été démontré qu’en situation faiblement inflammatoire, l’extrait de thé vert et l’EGCG n’influencent pas significativement la sécrétion de la MMP-8. Lors de l’utilisation d’un ratio illustrant une situation fortement inflammatoire, une diminution dose-dépendante, quoique seulement significative à une concentration de 31,25 µg/ml, a été observée pour l’extrait de thé vert, et à partir de 15,625 µg/ml pour l’EGCG.

Dans les deux ratios cellulaires qui ont été utilisés, illustrant un état faiblement ou fortement inflammatoire, un prétraitement avec l’extrait de thé vert ou l’EGCG a été en mesure de prévenir la sécrétion de la MMP-9 par le modèle de co-culture stimulé avec le LPS. Pour l’extrait de thé vert, la diminution s’est avérée significative à partir de 31,25 µg/ml pour le ratio 1 :10, tandis que cette diminution s’est avérée significative à partir de 15,625 µg/ml en ce qui concerne le ratio 10 :1. Pour l’EGCG, la diminution s’est avérée significative à partir d’une concentration de 15,625 µg/ml pour le ratio 1 :10, tandis que cette diminution a été significative à partir de 31,25 µg/ml en ce qui concerne le ratio 10 :1.

Dans une alternative thérapeutique, l'ajout de l’extrait de thé vert au modèle de co-culture pré-stimulé avec le LPS a permis, à une concentration de 7,8125 µg/ml, de diminuer significativement la sécrétion de la MMP-dans la condition faiblement inflammatoire (ratio 1 :10). Cette diminution s’est avérée significative à partir de 31,25 µg/ml en ce qui concerne le ratio 10 :1. Pour l’EGCG, 7,8125 µg/ml ont

108

été nécessaire afin de réduire significativement la sécrétion de la MMP-9 pour le ratio 1 :10, tandis que cette diminution a été significative à partir de 15,625 µg/ml en ce qui concerne le ratio 10 :1.

L’inhibition de la sécrétion des MMPs dans un contexte préventif et thérapeutique des affections parodontales constitue un aspect qui a été peu étudiée jusqu’à présent. Tel qu’il a été mentionné précédemment, une tasse de thé contient jusqu’à 450 µg/ml d'EGCG, ce qui supporte que l’inhibition des MMPs dans une situation in vivo pourrait être réaliste. Les études portant sur l’EGCG, plus spécifiquement sur sa capacité à inhiber la sécrétion des MMPs, ont utilisés d’autres types cellulaires, tels que les cellules cancéreuses (gastriques, etc.) ainsi que les ostéoblastes [511-514]. Il a été démontré que l'EGCG contrôle l’expression des MMPs chez ces types cellulaires par la suppression de l’activation des MAPK ainsi que de la protéine activatrice 1 (AP-1) .

Yun et coll. ont démontré que l'EGCG inhibe la formation d'ostéoclastes dans un modèle de co-culture impliquant des cellules ostéoblastiques et des cellules primaires de la moelle osseuse, et induit la mort cellulaire par apoptose d’ostéoclastes multinucléés de manière dose-dépendante [466, 468]. Récemment, il a été démontré que l'EGCG inhibe l'activité des MMPs en inhibant la collagénase MMP- 2 et la gélatinase MMP-9 par le mécanisme mentionné ci-haut chez des ostéoblastes [466]. Plusieurs études ont fourni des preuves suggérant que l'EGCG inhibe la voie des MAPK, résultant dans la régulation négative des MMPs.

En plus des catéchines du thé vert, le potentiel anti-destruction tissulaire associé à d'autres polyphénols a déjà été démontré. Il a été rapporté que les théaflavines, composantes présentes majoritairement dans le thé noir, ont la capacité d’inhiber la sécrétion et l’expression (ARNm) des MMP- 1 et -2 chez les fibroblastes gingivaux humains lors de leur stimulation par P. gingivalis [515]. Bodet et

coll. ont démontré qu'une fraction de canneberge enrichie en proanthocyanidines inhibe la sécrétion

de MMP-3 et MMP-9 par les fibroblastes gingivaux stimulés avec le LPS d’A. actinomycetemcomitans [516, 517]. Cette fraction de la canneberge semblait exercer son pouvoir via une inhibition de la cascade de phosphorylation (protéines de signalisation cellulaire) et une réduction de l’expression de

109 la protéine activatrice chez les fibroblastes (AP-1), impliquée dans la régulation transcriptionnelle de nombreux médiateurs pro-inflammatoires et de MMPs [270, 516, 518]. Les proanthocyanidines de type A de la canneberge sont également reconnues pour inhiber la sécrétion des MMPs par les macrophages stimulés avec le LPS d’A. actinomycetemcomitans, ainsi que l’activité catalytique des MMP-1 et MMP-9 [518].

Une étude récente réalisée par notre équipe a également mis en lumière la capacité d’un extrait de bleuet sauvage à réduire la sécrétion des MMP-8 et MMP-9 par les macrophages stimulés par la bactérie F. nucleatum [519, 520]. Il a été démontré qu'en plus d’inhiber la production de ces MMPs, l’extrait de bleuet inhibe l’activité catalytique de la MMP-9 (gélatinase-2). Par conséquent, il a été suggéré que le bleuet pourrait contribuer à réduire les dommages tissulaires caractéristiques de la parodontite [519].

Il a également été démontré que l'auraptène et le lacinartin, des polyphénols appartenant à la classe des coumarins, inhibent de manière dose-dépendante la sécrétion de la MMP-8 et MMP-9 chez les macrophages humains de la lignée U937 stimulés avec le LPS d’A. actinomycetemcomitans [521]. De plus, la licoricidine ainsi que le licorisoflavan A, des isoflavonoïdes dérivés de la réglisse, inhibent la sécrétion des MMP-7, -8 et -9 par les macrophages stimulés avec le LPS d’A. actinomycetemcomitans en diminuant l'activation de NF-kB p65 [522].

Tout comme il a été observé dans cette étude pour le thé vert, il a récemment été démontré que la myricétine peut agir sur les deux composantes étiologiques impliquées dans le développement de la parodontite. En plus de posséder des propriétés antibactériennes, la myricétine prévient, de manière dose-dépendante, l’activation du facteur de transcription NF-κB chez les monocytes. De plus, la myricétine inhibe la sécrétion d'IL-6, d’IL-8 ainsi que de MMP-3 par les fibroblastes stimulés avec la bactérie parodontopathogène P. gingivalis [523].

111

Documents relatifs