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Proposition d’une nouvelle description thermodynamique des équations redox dans

5. Perspectives : du modèle structural au modèle thermodynamique

5.3. Description thermodynamique de la réduction / oxydation des argiles

5.3.3. Proposition d’une nouvelle description thermodynamique des équations redox dans

Si les résultats de la précédente démarche [293] ne sont pas très satisfaisants, l’approche en elle-même mérite d’être explorée. Certaines hypothèses nécessitent d’être ré-évaluées à la lumière

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des nouvelles informations apportées dans les chapitres précédents, ainsi que dans la littérature plus récemment parue.

On se base à présent sur le mécanisme structural et le modèle empirique présentée au cha-pitre 3. L‘application de l’équation de Nernst à un tel mécanisme de réduction du Festr (de la même manière que [293]), nécessite de formuler une constante réactionnelle du mécanisme global (3.4.1-6) considéré comme réversible sur un domaine de réduction donné. Théoriquement, rien n’empêche de réécrire la réaction (3.4.1-6) sous la forme :

(5.3.3-1)

Etant donnée l’entremêlement de mécanismes faisant intervenir des espèces en solution, sor-bées ou dans le solide, et étant donnée la forte influence des paramètres structuraux sur la manière dont progresse le mécanisme redox, la prise en compte d’activité d’espèces présentes dans le solide est indispensable. Cette approche nécessite l’adoption d’un formalisme particulier dans l’écriture des mécanismes réactionnels et de termes d’équilibres associés ; un formalisme qui reste à définir.

5.3.3.1. Du Kr à la constante conditionnelle de déhydroxylation du

feuil-let

Lors d’une réaction d’oxydoréduction, le feuillet va se réhydroxyler ou se déhydroxyler partiel-lement. Si l’on suppose ce mécanisme réversible, la réaction (3.4.1-4) peut être récrite de la manière suivante :

(5.3.3-2)

dont la constante d’équilibre (Kdesh) s’exprime :

(5.3.3-3)

où les termes entre accolades {} représentent les activités des sites de l’argile et des protons en solution. Deux problèmes se posent. Le premier est de savoir si Kdesh peut prendre une valeur fixe sur tout le domaine « réversible » de réduction/oxydation où si il s’agit d’une constante conditionnelle qui change en fonction du taux de réduction de l’argile. La démarche théorique sous-jacente aux modèles présentes dans cette thèse soutient la seconde hypothèse. Le second problème est de défi-nir l’activité relative des sites réactifs et réversibles dans la structure de l’argile. Dans une précédente tentative d’application de l’équation de Nernst [293], le terme d’activité des espèces dans le solide fût pris à 1. Cette approche peut paraitre incorrecte car une activité de 1 est effectivement assignée de manière usuelle aux solides infinis en thermodynamique, mais pas aux sites réactifs présents dans un solide.

Par analogie avec les solutions solides ou l’échange cationique, on va définir ici l’activité des sites du feuillet argileux comme le ratio d’abondance de ce site sur l’ensemble des sites présents dans le feuillet soit :

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où les termes entre crochets [] sont des concentrations. En ce qui concerne les sites qui créent une charge compensée dans l’interfoliaire tels que les sites (Fe2+-OH)-, un terme électrostatique peut y être adjoint, par analogie aux modèles de complexation de surface [295] :

(5.3.3-5)

où F est la constante de Faraday, le potentiel électrostatique moyen du feuillet, R la constante des gaz parfait et T la température. On a donc :

(5.3.3-6)

Le potentiel électrostatique du feuillet est pris en première approximation comme la valeur du potentiel à une distance 0 de l’argile dans l’approximation du champ moyen du modèle de Gouy Chapman [295] :  (5.3.3-7)

où  est la charge de surface en C m-2 reliée à la CEC par :

(5.3.3-8)

où SSA est la surface spécifique en m2 kg-1. Pour la nontronite, SSA~750 000 m2 kg-1 (si l’on con-sidère la taille de la maille cristalline et la masse molaire, [296]). On peut relier l’augmentation de la CEC à l’abondance des sites Fe réduits et chargés :

(5.3.3-9)

où doct est la densité de sites octaédrique contenant du fer en mol par kg (mmole·g-1) d’argile. On pose :

(5.3.3-10)

L’équation (5.3.3-6) peut être réécrite sous la forme :

(5.3.3-6)

En combinant avec l’équation (5.3.3-10), on obtient alors

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Et donc, en combinant avec l’équation (5.3.3-8), on obtient :

(5.3.3-12)

L’équation (5.3.3-12) ressemble fortement à la relation empirique (3.7.1-3) reliant la CEC au taux de réduction (section 3.7.1) : (5.3.3-13)

Par comparaison des termes de ces deux expressions, il est possible d’identifier :

(5.3.3-14)

(5.3.3-15)

La constante d’équilibre de la réaction (3.4.1-4) peut ainsi être ré-exprimée en fonction de la CEC de l’argile, de la proportion de cations divalents présent dans le feuillet octaédrique, du pH, d’un terme électrostatique et du paramètre Kr. Cette expression est complexe, plusieurs de ces termes vont varier en fonction du niveau de réduction. Par définition, mdiv croit avec le niveau de réduction. Dans la mesure où on se limite au premier domaine de réduction, la CEC augmente. Si le milieu n’est pas tamponné, le pH va lui aussi, dans une mesure plus limitée, varier (réaction (3.4.1-4)). Le poten-tiel électrostatique du feuillet est lui-même dépendant de la CEC mais aussi de la force ionique. Le terme Kr en lui-même est complexe, car sa valeur est influencée par un certain nombre de para-mètres structuraux (composition et organisation, desquels découlent étendue et localisation de la charge, distribution et environnement variés du Fe dans la structure). Ces paramètres structuraux évoluant au cours du processus d’oxydoréduction, la valeur de Kr évolue en fonction du niveau de réduction (cf. modèle structural en section 3.7.1). Rien ne garantit non plus que la valeur de Kr, voire la relation entre les deux mécanismes compensateurs (3.7.1-1), restent inchangées en ce qui con-cerne le processus de ré-oxydation (figure 32). Le modèle statistique et structural développé au cours de cette thèse est entièrement basé sur des considérations liées aux charges et à leur position dans le feuillet et est donc en bon accord conceptuel avec le modèle thermodynamique développé ici. En outre, la comparaison entre les résultats obtenus grâce au modèle empirique (Kr constant, figure 31 ligne bleu) et l’algorithme (Kr non contraint, figure 31, ligne rouge) suggère néanmoins qu’une valeur constante de Kr est tout à fait convenable pour expliquer le comportement d’une structure donnée lors de la réduction, dans la mesure où on l’on se limite au premier domaine de réduction. En pre-mière approximation, l’hypothèse formulée consiste cependant à considérer que ni la valeur de Kr, ni la relation (3.7.1-1) ne changent lors de la ré-oxydation, c’est-à-dire que la charge négative suit exac-tement le cheminement inverse lors de la ré-oxydation (figure 32, ligne bleu). Malgré ces simplifica-tions, pour une structure donnée, la constante de déhydroxylation évolue sur le domaine de réduc-tion. Kdesh ne peut donc être défini que comme une constante conditionnelle de déhydroxylaréduc-tion. Le lien entre la constante conditionnelle de déhydroxylation et le paramètre Kr montre que celui-ci n’est

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pas seulement un paramètre empirique expérimental ; c’est aussi une propriété qui peut être dé-duite de la structure (cf. modèle structural du chapitre 4) et qui peut être reliée à un paramètre thermodynamique.

5.3.3.2. Du Kr aux propriétés redox de l’argile

Lors de cycles redox d’amplitude modérée, le Festr peut être réduit et ré-oxydé tout en restant dans la structure [51-52]. Les résultats obtenus au cours cette thèse corroborent un certain nombre d’aspects soutenus dans la littérature, notamment sur la présence de divers sites Fe réactifs dans la structure [7, 37, 45], et sur l’influence de la structure sur la distribution et la réactivité du Festr. Les résultats et les efforts de modélisation mettent en lumière l’importance de prendre en considération ces aspects dans l’établissement de modèle visant à prédire le comportement redox du Festr. En ce sens, l’équation de réduction du Festr (5.3.3-16) devrait rendre compte d’une distribution de sites Fe de réactivités redox variables et influencées par la structure et son évolution au cours du processus redox. Elle devrait être aussi réécrite comme un mécanisme réversible:

(5.3.3-17)

Ici, les termes de la forme Ferendent compte de la variabilité des propriétés thermodynamique du Festr, qui vont être influencées par les mêmes paramètres que Kr (sens et avancement m du pro-cessus, paramètres structuraux et évolution de ceux-ci au cours du processus). Cette équation se limite néanmoins au premier domaine de réduction, dans la mesure où seuls les changements de CEC et d’états d’hydroxylation sont pris en compte. Une extension de l’équation à des domaines de ré-duction plus étendus (second domaine, plus irréversible) nécessiterait l’introré-duction de formalisme supplémentaire du type :

(5.3.3-18)

où le terme inclurait également les notions de confinement de la réversibilité du mécanisme. Ce terme permettrait également de prendre en compte, non seulement la notion de multiplicité et de réversible des mécanismes parallèles, mais aussi des notions liées à l’avancement et au sens du mé-canisme. Cette extension demeure pour le moment hors du champ même d’applicabilité des mo-dèles développés. La démonstration se limite donc elle aussi au cadre limite identifié par le « premier domaine de réduction ». En outre, l’approximation d’un cheminement unique (Kr constant dans les deux sens, figure 31 courbe bleue) implique de considérer que les sites Fe présents dans la structure sont ré-oxydés dans la séquence inverse à celle de leur réduction (physiquement parlant). En repre-nant le formalisme introduit dans la section précédente, l’équation (5.3.3-17), peut être récrite pour le transfert d’un seul e- :

(5.3.3-19) dont la constante d’équilibre s’exprime de la manière suivante :

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Où les termes entre accolades {} représentent les activités des sites redox de l’argile et de l’électron. Tout comme dans le cas de Kdesh ; il s’agit d’une constante conditionnelle qui change en fonction du taux de réduction de l’argile. Il en va de même pour E0. Pour une réaction d’oxydoréduction réversible dans le feuillet argileux, on aurait (Nernst) :

(5.3.3-21)

où autrement écrit :

(5.3.3-22)

L’activité relative des sites redox actifs et réversibles dans la structure de l’argile peut être défi-nie de la même manière que précédemment (potentiel électrostatique des sites chargés, et activité égale à leur concentration dans la structure). On obtient ainsi la relation :

(5.3.3-23)

On rappelle que l’étude expérimentale de Gorski et al. [37] a permis de montrer que les courbes de réduction et d’oxydation de la nontronite SWa-1 ne pouvaient être décrites correctement (mais empiriquement) qu’en utilisant une équation de Nernst modifiée, incluant un paramètre  rendant compte d’une distribution continue du E0.

(5.3.3-24)

où EH est le potentiel formel, EhØ le potentiel standard de réduction« apparent », mrel le niveau de réduction et  un paramètre sans unité, compris entre 0 et 1, et permettant de rendre compte d’une distribution continue de potentiel standard effectif (E0). Une petite valeur rend compte d’une large distribution, et vice-versa. Peu de détails sont donnés sur la manière dont est construite l’équation proposée par Gorski et al. Avec nos notations, l’équation pourrait s’écrire :

(5.3.3-25)

La question essentielle concerne la validité et le sens du terme ; et si celui-ci peut par exemple être également lié au mécanisme de déhydroxylation comme c’est le cas pour le terme empirique Kr, en plus d’être lié aux environnements variés du Festr. En couplant l’ensemble des réactions et équa-tions, il possible d’établir un lien entre le potentiel redox et le paramètre Kr.

En posant d’abord :

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puis en combinant les équation (5.3.3-5) , (5.3.3-10), (5.3.3-22) et (5.3.3-26), on obtient :

(5.3.3-27)

Sur la figure 37 la courbe mauve permet de montrer que l’application de l’équation (5.3.3-27) avec un E0 fixe et la considération de la totalité du fer de la structure (=1) ne permet pas de repro-duite les courbes expérimentales. La déhydroxylation seule ne permet d’expliquer l’allure des courbes obtenues par électrochimie.

Figure 37: Profils redox (niveau de réduction vs. potentiel formel de ré-du ion ou d’oxyda ion) d l’ar il SWa-1 réré-duite (rouge) puis ré-oxydée (vert), mesurés expérimentalement (points) et calculé par [37] (ligne rouge), ou calculés par l’équa ion (5.3.3-27) en prenant un E0 de -0.55V (beige).

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En comparant les équations (5.3.3-25)et (5.3.3-27), il faudrait identifier les termes suivants pour pouvoir utiliser l’équation (5.3.3-27) de manière appropriée :

(5.3.3-28) (5.3.3-29) Le terme

doit être considéré comme étant fonction de l’avancement de la réaction sur le domaine de réversibilité. Il traduit le fait qu’une partie seulement du fer structu-ral est réactif sur une plage de Eh donnée. Dans ce cas, deux solutions extrêmes sont possibles :

 E0 est considéré comme étant constant et il faut alors connaître la variation du nombre de sites réactifs (et réversibles) au voisinage de Eh qui est dépendant de l’avancement de la réaction ;

  est fixé à 1. Dans ce cas, c’est la valeur de E0 qui dépend de l’avancement de la réac-tion.

Mathématiquement, les deux approches sont équivalentes et idéalement, la variation du E0 et la quantité de fer réactif devraient être estimées conjointement. Cependant, le seul paramètre aisé-ment accessible à l’expériaisé-mentation est le rapport Fe(II)/Fe(III) dans la structure (mesure chimique sur fer total et spéciation, ou approche spectrométrique de type Mössbauer ou XANES). La deuxième approche semble donc plus opérationnelle et permettrait de respecter la notion de distribution de E0 du fer structural qui a été mis en évidence dans les chapitres 2 (notion de redox liée à l’environnement structural et approche CFT) et 4 (modèle structural du feuillet en fonction du niveau de réduction). En suivant cette approche, la détermination de E0 serait déduite du Eh mesuré de la manière suivante :

(5.3.3-30)

L’allure de la courbe de E0 déduite de cette manière montre alors une plus nette décroissance par rapport à celle du potentiel redox standard apparent (E0,†) déterminée dans [37]. Les termes liés à la déhydroxylation, à la CEC et au potentiel de surface augmentent sur le niveau de réduction, con-trant partiellement la forte baisse E0.

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Figure 38 :Potentiel standard calculé pour le Festr dans SWa-1, en fonc-tion du niveau de réducfonc-tion et sur la première phase du domaine de ré-duction de SWa-1 étudié dans [37]. Ligne rouge : potentiel standard ef-fectif calculés par [37]. Points vert et bleu : dédui s d l’équa ion (5.3.3-30). La ligne verte indique simplement la tendance.

Plusieurs pistes doivent être explorées pour améliorer la compréhension des changements structuraux et leur quantification (via Kr et sa relation avec E0) ainsi que la connaissance des condi-tions limites pour une réversibilité ou irréversibilité des réaccondi-tions, afin de lever d’avantage d’informations permettant d’interpréter les résultats expérimentaux sur le comportement redox des argiles. Il conviendrait en premier lieu de démontrer expérimentalement ce qui a été déduit ici. Dans cette optique, il s’avère primordial de réaliser des expériences similaires à celle de [37, 45] (MER /MEO), en réalisant des cycles de plus faibles amplitudes, sur une plus grande variété de structures, et en couplant les mesures électrochimiques à une analyse systématique des propriétés structurales (pas seulement le niveau de réduction, mais également la CEC, la composition, etc.), et à des pH dif-férents. Cette démarche expérimentale est relativement lourde mais permettrait de contraindre d’autant plus les hypothèses et les paramètres relatifs aux modèles structuraux présentés dans cette thèse.

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