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Proposition d’un modèle de contexte socio-historique du concept de sélection néodarwinien

Chapitre 3. ACTUALISATION DES QUESTIONS DE RECHERCHE AU REGARD DES

1. Proposition d’un modèle de contexte socio-historique du concept de sélection néodarwinien

néodarwinien

Rappelons les raisons pour lesquelles nous cherchons à modéliser un contexte socio-historique du concept de sélection dans un cadre néodarwinien.

Il doit se constituer comme outil épistémologiquement normé pour permettre la construction d’hypothèses didactiques de recherche. Celles-ci portent sur les conditions nécessaires aux transformations conceptuelles au cours du processus d’apprentissage en classe de SVT. Il s’agit de rechercher les outils nécessaires aux ruptures conceptuelles et de donner des repères pour penser ces outils dans un rapport de transposition.

Il doit s’opérationnaliser dans la construction même d’un outil méthodologique d’analyse des données empiriques. Cet outil méthodologique permettra ainsi une interprétation en termes de construction et d’évolution du contexte interprétatif, relativement aux savoirs visés et en référence au contexte socio-historique du concept de sélection néodarwinien.

Comme nous l’avons vu, la signification du concept de sélection s’est profondément modifiée au cours de son histoire. Le néodarwinisme s’est incarné dans divers contextes : l’« ultra-darwinisme » du début de vingtième siècle, la génétique des populations et la théorie dite « synthétique » de l’évolution (Gayon, 1992, p. 331). Le contexte socio-historique des conditions d’élaboration du concept de sélection, que nous allons proposer, est celui qui ouvre sur le champ conceptuel et problématique de la génétique des populations. Il est en cela limité, même si Jean Gayon nous dit, à propos de la synthèse évolutive : « dans cette cohorte de disciplines et de controverses, le fait le plus

marquant est celui-ci : une corporation entière, instruite de la logique mendélienne, a renoncé aux épopées métaphysiques et aux interminables disputes sur « le facteur principal de l’évolution », et s’est convertie à l’idiome pacificateur de la génétique et de la pensée populationnelle » (Gayon, 1992,

p. 332). Le modèle de contexte socio-historique que nous allons maintenant formaliser contribue à mettre à jour les ruptures épistémologiques et les obstacles à l’articulation entre mendélisme et darwinisme.

Il constitue un ensemble de normes qui régissent le fonctionnement de la communauté scientifique du paradigme néodarwinien qui incorporent dans ses manières d’agir-parler-penser les caractéristiques épistémologiques des savoirs scientifiques.

125 Les résultats de notre étude épistémologique nous permettent de modéliser le contexte socio- historique du concept de sélection comme la convergence (ou nœud d’articulation) de trois mondes : celui de la génétique mendélienne, celui de la causalité darwinienne et celui de la pensée populationnelle probabiliste. Chaque monde se lie avec les obstacles relatifs à son institution (figure1).

Figure 1. Modèle de contexte socio-historique du concept de sélection néodarwinien.

L’articulation de mondes différents (comme celle qui caractérise la rencontre du darwinisme et du mendélisme) peut, lorsqu’elle est possible, ouvrir la voie à de nouvelles disciplines (ici la génétique des populations) et donc à de nouveaux champs de problèmes et de nouveaux champs conceptuels.

Obstacles relatifs à l’institution du monde de la causalité darwinienne :

-transformisme au niveau de l'individu -mécanisme -finalisme Monde de la génétique mendélienne Monde de la causalité darwinienne Monde de la pensée populationnelle et probabiliste

Obstacles relatifs à l’institution du monde de la pensée populationnelle : -pensée focalisée sur l’individu et transposée à une population sans

distinction - pensée typologique

Obstacles relatifs à l’institution du monde de génétique mendélienne : - pensée phénotypique et typologique -hérédité mélange Monde néodarwinien

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Dans notre premier chapitre, nous avons discuté de la signification que nous pouvions donner aux contextes socio-historiques d’un concept et les éléments pertinents nous permettant de caractériser certaines normes épistémologiques. Le contexte socio-historique comprend l’ensemble des savoirs historiquement élaborés et les conditions sociales d’élaboration de ces savoirs. Le contexte socio- historique de l’élaboration d’un concept porte en lui les conditions de possibilité, les ruptures nécessaires aux transformations socio-historiques et épistémiques du concept. Ces mondes se caractérisent par :

la mise à disposition d’outils culturels intégrés dans les manières d’agir-parler-penser des sphères productrices de savoirs. Ils sont liés à la fonction opératoire du concept. Un concept est

toujours pris dans un réseau conceptuel organisé en système. Les concepts constituent des outils culturels. Nous pouvons dire que le concept de sélection est organisé en système avec le concept d’hérédité (monde de la génétique) et le concept d’aléa (monde populationnel probabiliste et monde de la causalité darwinienne). Cela signifie que tout déplacement de signification de l’un fait bouger la signification de l’autre. Leur dépendance les uns vis-à-vis des autres structure et organise les domaines de savoir. Le modèle de contexte socio-historique du concept de sélection néodarwinien permet de comprendre l’organisation fonctionnelle du système conceptuel sélection-hérédité-aléa ; • la nature des questionnements, la manière de poser un problème au sein d’une discipline.

Les concepts scientifiques sont en lien étroit avec les problèmes qui leur donnent leurs significations : « définir le concept, c’est formuler un problème » (Macherey, 1964/2009, p.54) ;

l’ensemble des pratiques constitutives du savoir : procédures de preuves, nouvelles règles

(loi, modèle de référence) ou principes structurants, qui caractérisent les formes spécifiques de raisonnements mis en jeu, formes discursives d’exposition ;

les obstacles épistémologiques en jeu et qui ont dû être surmontés dans l’institution des mondes de pensée.

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Figure 2. Proposition de schématisation d’un monde de la pensée scientifique.

Il nous semble que, dans cette perspective, les analyses épistémologiques menées permettent de caractériser certains éléments de ces trois mondes articulés dans la pensée néodarwinienne (figures 3 et 4). SAVOIRS Concept<-> problème PRATIQUES DE SAVOIRS -Procédures de preuve -Principe structurant -Formes de raisonnement -Formes discursives d’exposition

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Figure 3. Monde de la génétique du paradigme mendélien.

SAVOIRS

Concept : Hérédité particulaire <-> problème de la transmission des caractères héréditaires

PRATIQUES DE SAVOIRS -Procédures de preuve : modélisation/plan expérimental/

correspondance données simulées-données empiriques -Principe structurant mendélien -Raisonnements probabilistes -Formes discursives d’exposition :

échiquier de croisement symbolisations

mathématiques

Obstacles -Pensée typologique -Idée d’hérédité mélange

-Idée d’hérédité cumulative -Déterminisme génétique

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Figure 4. Monde de l'évolution biologique dans un paradigme darwinien ou monde de la causalité darwinienne.

L’articulation du monde de la génétique mendélienne et du monde de la causalité darwinienne permet une articulation de deux niveaux d’organisation : phénotypique et génotypique, articulation qui incorpore la controverse mutationnisme/mendélisme/darwinisme.

SAVOIRS

Concepts : variation phénotypique/ Milieu/ Sélection

Problème de l’évolution à un niveau populationnel

PRATIQUES DE SAVOIRS Principe structurant malthusiens

Formes de raisonnement : causalité événementielle contingente (dimension historique) Causalité populationnelle probabiliste de la descendance

avec modification (dimension historico-fonctionnelle) Obstacles Pensée typologique Mécanisme Transformisme au niveau de l’individu

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Le monde de la pensée populationnelle probabiliste incorpore l’urne de Bernouilli ; l’idée de collection/population hétérogène ; d’échantillonnage discriminé ou indiscrimné ; le concept d’aléa et les obstacles relatifs à l’institution du monde de la pensée populationnelle probabiliste : pensée typologique. Il incorpore la rupture nécessaire au passage de la pensée typologique à la pensée populationnelle.

L’articulation du monde de la génétique mendélienne et du monde de la pensée populationnelle probabiliste transporte le modèle de l’urne des gamètes et le modèle de Hardy-Weinberg. Cette articulation incorpore la rupture épistémologique qui se joue entre déterminisme strict et modélisation probabiliste.

Même si notre analyse reste partielle, il nous semble avoir proposé certaines normes épistémologiques à partir desquelles penser une transposition didactique des savoirs relatifs au concept de sélection néodarwinien et qui prennent en compte les modes d’agir-parler-penser relatifs aux sphères productrices de savoirs.

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2 Hypothèses didactiques sur l’incorporation