• Aucun résultat trouvé

La révolution paradigmatique de l’évolutionnisme darwinien

Chapitre 2. ANALYSES EPISTEMOLOGIQUES POUR LA CONSTRUCTION D’UN MODELE

2. Savoirs et pratiques du monde de la causalité darwinienne

2.2. La révolution paradigmatique de l’évolutionnisme darwinien

Le darwinisme et le lamarckisme réalisent l’avènement du paradigme évolutionniste. Il s’agit d’une véritable révolution scientifique (Kuhn, 1983) en ce sens qu’elle invente une nouvelle démarche scientifique et inscrit l’évolutionnisme comme science historique. Elle invente de nouvelles modalités de recherche d’explications causales, elles-mêmes d’un nouveau type. C’est ce que nous allons tenter d’expliquer en considérant certaines ruptures et les obstacles épistémologiques en jeu dans cette révolution.

Une autre rupture épistémologique se situe dans le passage d’un principe d’ordre de la nature pré- établi à un nouveau principe d’ordre qui est la filiation qui vient organiser le paradigme évolutionniste (Fagot-Largeault, 2009). L’idée de filiation conçoit les êtres vivants comme changeant et inscris dans un historicisme. Ce nouveau principe d’intelligibilité nommé par Anne Fagot-Largeault (2009) le « mobilisme darwinien » est révolutionnaire. Alors que le déterminisme strict postule des entités stables, le mobilisme darwinien confère à ces entités une dimension historique. Les êtres de la biologie sont des êtres en devenir. Leur étude nécessite donc une nouvelle démarche qui cherche à retracer l’histoire du processus évolutif des entités du vivant. Dans une explication darwinienne, Anne Fagot-Largeault nous dit que « ce qu’on cherche pour expliquer le changement, c’est donc une

singularité valorisée par le hasard d’une rencontre fortuite ». Reprenons l’exemple qu’elle propose

pour expliquer ce type d’explication « Une population d’oiseaux, étudié par des chercheurs de

l’université H, est anéantie par une épidémie liée à un virus. On croit à l’extinction de ce type d’oiseaux. Mais au bout de quelques années, de rares spécimens réapparaissent et la population se reconstitue. Les chercheurs établissent alors que le pool génétique de cette population s’est modifié.

97

Seuls ont survécus et se sont reproduit les rares individus dotés d’un facteur génétique x qui leur a permis de résister à l’infection ; « dotés de » signifie « ayant accidentellement hérité de »-le facteur x n’étant pas présent dans le but d’induire une résistance au virus, mais il s’est trouvé que sa présence a servi à faciliter la résistance. » (Ibid., 2009, p.91). Dans cet exemple, le changement opéré est la

modification du pool génique, le mécanisme par lequel ce changement s’est opéré est la sélection naturelle. La sélection de la variation naît de la rencontre de deux séries causales indépendantes : la présence d’un facteur externe, le virus, et la variation interne aux organismes (qui aurait pu rester silencieuse mais sa sélection naît de la rencontre de ces deux séries causales). Ainsi on recherche à identifier des événements et à retracer des chronologies et en expliquer les causes. On cherche à reconstituer un enchaînement jugé causal. Les explications sont de nature retrospective et non prédictive. En cela il s’agit d’une « curiosité épistémologique » qui cherche à « repérer des

singularités » (Fagot-Largeault, 2009). Nous proposons une schématisation de ce modèle de

raisonnement darwinien et sa dynamique explicative dans la figure 5.

Figure 1-5. Modèle de la logique darwinienne et sa dynamique explicative historique dans un paradigme darwinien selon Anne Fagot-Largeault qui se réfère à Cournot (1872, Vrin 1975) avec distinction des mécanismes et des causes

Phénomène de sélection= mécanisme évolutif Evènement aléatoire: Rencontre fortuite des deux séries

causales Changement évolutif considéré : modification du génome (pool génique) Série causale1 : présence

du virus dans un milieu

Série causale 2 Succession des populations

d’oiseaux avec variabilité

aléatoire (spontanée) dans le génome

Indépendance présumée des deux séries

Non prédictible et causalement expliqué par l’évènement aléatoire =collision des deux

séries Cause recherchée du changement évolutif Ce qu’on cherche à expliquer

98

Dans cette logique de raisonnement darwinien, deux formes d’aléa sont présentes :

-l’aléa de la convergence des séries causalement indépendantes, qui, une fois identifié devient une donnée historique,

-l’aléa de la variabilité génétique inhérente aux êtres vivants, qui est un postulat théorique dans la problématisation de Darwin.

L’intérêt de Darwin porte sur les variations héréditaires. Il écrit dans « l’origine des espèces » : « Toute

variation non héréditaire est sans intérêt pour nous » (Darwin, 1859, p.13). Cependant comme le dit

Jean Gayon, il n’y a pas de représentation particulaire mendélienne de l’hérédité chez Charles Darwin, qui conçoit la transmission des caractères héréditaires comme une hérédité fusion. Darwin nous dit que « la sélection naturelle ne peut agir que par préservation et accumulation de

modifications héritées infinitésimales, chacune profitable à l’être préservé » (Darwin, 1859, p.95).

Par conséquent dans le modèle darwinien il y a d’une part nécessité d’une héritabilité de la variation : « modifications individuelles infinitésimales » ; et nécessité d’une « accumulation » de ces variations au cours des générations successives, ce que nous pouvons traduire par propagation. Une condition du modèle est que « chacune » de ces « modifications héritées » soit avantageuse à l’individu. La sélection porte sur ces variations fondamentalement aléatoires et transmissibles, « ce sont celles-là

qui peuvent être soumises à la sélection naturelle car en rapport avec un caractère et transmissibles »

(Heams, 2009, p. 19). Elles portent sur tout un ensemble de caractères. Ainsi, pour Darwin, ce ne sont pas les individus variants qui sont sélectionnés : « La sélection n’est pas un tri d’individus, mais un

biais plus ou moins grand dans la probabilité de survie et de reproduction des individus, à proportion de traits héritables plus ou moins avantageux qui se transmettent de parents à enfants. » (Gayon,

1992, p. 75). Le point théorique important souligné (Gayon, 1992, p.276-277) porte sur la nature de la variation exposée à la sélection : pour Darwin la sélection agit sur la variabilité « fluctuante », c’est-à-dire statistiquement distribuée dans la population par rapport à une moyenne. Il s’agit d’une variabilité continue au sein de la population et non d’une variabilité issue d'une variation discontinue. C'est dans l'échantillonnage réalisé à chaque génération que la sélection trouve sa fonction de transformation évolutive.

Par ailleurs, l’idée de variations infinitésimales, donne une signification nouvelle à l’individu. Il est représenté comme une mosaïque de variations ou caractères héritables, représentation distincte d’une idée typologique de l’individu. Darwin réalise ainsi le dépassement de l'obstacle essentialiste ou typologique. C’est une des conditions de possibilité pour penser l'individu dans sa singularité, pour penser la population et pour penser le transformisme. Darwin effectue ce travail qui relève d'une réelle rupture théorique. L’explication sélectionniste est avant tout une explication « populationniste »

99 (Mayr, 1959 ; Huneman, 2009, p.46). Elle concerne des populations d’individus présentant des variations individuelles entre eux. « La sélection vise les organismes et le résultat est une

transformation du type moyen des organismes et donc finalement de l’espèce » (Huneman, 2009,

p.48-49). Les organismes sont sélectionnés « en raison de certaines de leurs propriétés, qui se voient

alors redistribuées à la génération suivante » (Ibid., p.49).

L’hypothèse de la sélection naturelle se distingue de l’idée de la « survie des plus aptes » développée par Spencer (Spencer, 1864, §165). Cette distinction, que nous allons reprendre à partir de celle réalisée par J. Gayon (1992, p.74), est intéressante pour comprendre la difficulté de saisir la nature de ce qui est sélectionné dans l’hypothèse darwinienne. L’interprétation que fait Spencer du concept darwinien de sélection lui donne le statut de « vérité certaine à priori » et il « voyait dans le principe

darwinien une illustration parmi d’autres d’un principe plus général…de « ségrégation » ou « triage, qui s’appliquait à priori pour toute entité susceptible d’être éliminée ou préservée sous l’action d’un certain « champ de force » (Gayon, 1992, p. 68). Cette conception conçoit donc la sélection naturelle

comme un « truisme », une vérité évidente. Or l’hypothèse de la sélection naturelle relève d’une série de généralisations empiriques (Gayon, 1992, p. 69) et « d’innovations intellectuelles portant aussi

bien sur la réalité matériel (et non pas idéale) de l’évolution que sur son mécanisme concret. Respectant un strict matérialisme méthodologique, il (Darwin) place de ce fait l’étude de l’évolution dans un cadre rigoureusement scientifique » (de Ricqlès, 2009, p. 21). L’argumentation développée

par Darwin repose :

-sur des inférences à partir de données empiriques : le taux de reproduction des espèces (tendance à une croissance géométrique des effectifs pour toutes les espèces, principes malthusiens); la limitation des ressources ; les faits de variabilité et d’hérédité ;

-sur une confrontation avec un modèle expérimental analogique (celui de la sélection dite artificielle ou domestique). Le modèle analogique de la sélection domestique a été reconstruit par Darwin par une pratique peu usitée par ses contemporains : celle des enquêtes menées auprès de sélectionneurs sur leurs idées et leurs pratiques (Le Guyader, 2012, p. 47) ;

-sur l’affirmation que les variations héréditaires affectent les chances de survie et de reproduction des individus (Gayon, 1992, p. 69 ; De Ricqlès, 2009, p. 23).

Dans l’interprétation de Spencer du concept de sélection, « il n’y a pas sélection de ce trait-ci ou de

ce trait-là ; il n’y a que des individus qui sont, par la somme de leur traits, les plus aptes à vivre. »

(Spencer, 1893, pp.160-161). La sélection porte donc sur les individus. Plus précisément chez Spencer : « ce que fait la survie du plus apte, c’est de maintenir toutes les facultés à niveau, en

100

elle ne peut produire le développement d’une faculté que si celle-ci est d’une importance primordiale » (ibid.,pp. 160-161). Par conséquent, comme le dit J. Gayon, « la sélection ne favorisera positivement que des caractères qui ont d’emblée l’allure d’adaptations manifestes » (1992, p. 75).

Dans ce schéma, l’adaptation est un point de départ que la « survie du plus apte » va sélectionner. Le concept de sélection prend ici la signification d’un tri parmi les individus d’une « régulation négative,

qui élimine l’inapte » (ibid., p.75). Or, il en va d’un tout autre point de vue et raisonnement chez

Darwin : « le schéma darwinien est d’une nature toute différente : il repose sur la notion d’une

construction graduelle et opportuniste des adaptations à partir d’avantages sensibles. Dans ce schéma l’adaptation n’est jamais le point de départ, mais toujours le produit d’un processus historique. » (ibid., p.75). L’adaptation est le produit de la sélection comme processus historique.

Nous proposons dans la figure 6, à la suite de Yann Lhoste (2008, p. 271-273), un espace de contraintes et nécessités de la problématisation de l’évolution par C. Darwin.

Figure-1-6. Espace de contraintes et nécessités de la problématisation de l'évolution par C. Darwin

Contraintes empiriques : -limitation des ressources -faits de variabilités et d’hérédité

Nécessité que la variation héritable se propage dans les lignées d’individus (accumulations) Nécessité causale de l’influence de la variation héritable sur la probabilité de survie et de reproduction des individus (niveau des individus) La variété (entendue comme population) se modifie graduellement Cadre épistémique Principes malthusiens Modèle analogique de la sélection domestique Raisonnement au niveau des variations individuelles dans une population Construction progressive et opportuniste des adaptations des individus (produit de la sélection comme processus) Contraintes théoriques -superfécondité

-compétition entre individus d’une population (ressources limitées du milieu de vie) -individu vu comme mosaïque de variations infinitésimales héritables -variations aléatoires

101 La comparaison de l’hypothèse darwinienne de sélection naturelle et l’idée de « survie du plus apte » nous a permis de pointer une réelle difficulté d’ordre épistémologique. La signification de la sélection naturelle comme lois de la nature ou vérité qui correspondrait à un principe de tri ou d’élimination d’adaptation, idée fortement répandu dans la culture commune actuelle, trouve sa cohérence dans la pensée déterministe et dans la pensée typologique. Celles-ci se constituent comme obstacles au développement de la pensée populationnelle et probabiliste au cœur des raisonnements darwiniens. Nous allons tenter, à travers l’histoire de l’évolutionnisme dans la première moitié du XXème siècle, de saisir le rôle des principales controverses dans les transformations des différentes significations prises par le concept de sélection darwinien.

Quelques éléments de controverses entre lamarckisme, mutationnisme et

mendélisme

Nous allons tenter de montrer ce qui oppose les lamarckiens et les mutationnistes aux darwiniens. Il nous semble que les différences et oppositions essentielles portent sur la conception de la variation et le problème de son origine. Ces différences de conceptions de la variation ont des implications théoriques sur l’évolution très différentes.

D’après J.S. Gould, Lamarck a été le premier à proposer une théorie globale et cohérente de l’évolution (Gould, 2006, p.249), Corsi (1998) précise également qu’il produisit une « première

synthèse de type évolutionniste de la biologie moderne ». La première distinction entre darwinisme

et lamarckisme porte sur l’origine des variations. Dans le raisonnement lamarckien, seule l’exercice d’une force permet l’apparition d’une variation. Dans le raisonnement darwinien les variations apparaissent de manière spontanée. Ceci constitue une rupture dans la représentation du monde biologique : il est intrinsèquement dynamique, en transformation permanente, ce qui remet en cause un univers immobile. Chez Lamarck au contraire, les changements dans le monde biologique sont « des conséquences occasionnelles de circonstances favorables » et ainsi « le lamarckisme reste

emprise dans un principe de base qui est la stabilité » (Heams, 2009, p. 17).

Les néolamarckiens, en postulant l'idée de l'hérédité des caractères acquis, comprennent l'évolution

« comme une extension dans le temps long (celui des échelles géologiques) du développement de l'individu : l'ontogénèse et la phylogénèse conservent une homogénéité, il s'agit d'un même mécanisme agissant à deux échelles de temps » (Loison, 2008, p.73) et pour deux réalités

d'organisation différentes (individu et espèce). Or le modèle de changement pour l’individu ne peut être la même pour l’espèce. L’hérédité des caractères acquis a été remise en cause par les travaux de Weismann (Leguyader, 2012).

102

Le « hasard » envisagé par les néodarwinien implique une absence de finalisme dans toute variation. Pour les néolamarckiens, le « hasard » de ces variations signifierait une absence de causalité déterministe et c’est justement ce qui constitue la critique faite aux néodarwiniens. « Les

néolamarckiens ne peuvent envisager que la variation soit fortuite, cela revient selon eux à renoncer à une compréhension scientifique de l'évolution » (Loison, 2008, p.79).

Avec la première génération de généticien au début du XXème siècle, la variation comme principe

darwinien trouve son explication dans le mutationnisme. Les concepts de mutation et de sélection ne prennent pas les mêmes significations que dans le darwinisme et leur articulation y est fondamentalement différente. La théorie mutationniste est développée par Hugo De Vries et Wilhem Johannsen. Les concepts de mutation, de lignée pure de génotype et de phénotype se sont construits à travers des travaux en partie focalisés par la tentative de réfutation du principe darwinien de sélection (Gayon, 1992, p. 263). Quelles ont été les objections des mutationnistes à la sélection ? Pour Hugo De Vries (1909), l'apparition de caractères authentiquement nouveaux se réalise par variation de la nature même des facteurs héréditaires qu'il appelait « pangènes ». Le problème est centré autour de la nécessité d’une source de variation au sein des populations. L'apparition de pangènes d'un type nouveau était non seulement à l'origine de caractères nouveaux mais également seule origine des variétés et des espèces (Gayon, 1992, p. 264). Sa conception générale de l'origine des espèces était la suivante : « les espèces émergent à l'occasion de périodes de variations brusques

et de grande ampleur, les « mutations ». Ces périodes sont exceptionnelles et la plupart des espèces sont en général « immuables » en un point donné du temps » (Gayon, 1992, p. 265). La conception

de l'espèce est celle d'une entité stable, qui subit, à certains moments exceptionnels, des périodes de « mutabilité ». Dans le cadre théorique de De Vries la sélection joue un rôle régulateur, en cela qu'elle agit après coup en exterminant les formes qui ne sont pas adaptées. La sélection naturelle est une sanction à posteriori des variations par mutation. « Selon la théorie de la mutation, la variation

individuelle n'a rien à voir avec l'origine des espèces. Cette forme de variation (…), même si on la soumet à la sélection la plus rigide et la plus soutenue, ne peut pas conduire à dépasser les limites de l'espèce, et encore moins à former des caractères nouveaux et constants. » (De Vries, 1900, p.4). La

théorie de la mutation d’Hugo de Vries est une théorie de l'évolution. Ses explications impliquent une apparition des espèces par « saltation », en une seule génération, dans des individus « ayant d'emblée

le statut d' « espèces élémentaires » ». La sélection intervient dans leur survie mais aucunement dans

la formation des espèces. Au cours des périodes de « mutabilité », les mutations sont considérées comme fréquentes orientées et définies. Elles peuvent donc modifier l'espèce (Gayon, 1992, p267). Le travail de W.-L. Johannsen à l'origine du concept de lignée pure permettra à celui-ci de faire la

103 distinction entre génotype et phénotype et illustrera l'idée que la sélection n'est pas une force de transformation mais un tri à postériori des nouveautés apparues par mutations. Dans un mode de pensée mutationniste, si les mutations sont orientées, identiques et peuvent se produire chez beaucoup d'individus à des moments différents, alors elles modifient l'espèce. Elles représentent en cela le mécanisme évolutif qui modifie l'espèce. Ainsi les mutations façonnent la forme de l'espèce, elles sont pensées comme création d'espèces.

Les mutations s'établissent donc par récurrence spontanée dans une population. Cette conception de la mutation façonne le concept de sélection : « Les mutationnistes ne pouvaient reconnaître à la

sélection naturelle le rôle que lui conférait Darwin : sans doute la sélection naturelle pouvait accélérer la transformation d'une espèce dans le cas d'un caractère avantageux, ou causer son extinction si le caractère était franchement inadapté, mais on ne pouvait voir en elle le facteur qui a proprement parler façonne la forme de l'espèce » (Gayon, 1992, p. 309). La sélection s'envisage alors

comme un processus d'accélération de la transformation de l'espèce. Il y a un véritable fossé entre mutationnisme et darwinisme.

Chez les mutationnistes, une mutation n'est pas considérée comme un événement aléatoire isolé, mais comme un phénomène qui porte sur le collectif : tous les individus sont concernés. En ce sens, c’est un phénomène événementiel. L’explication relève d’une chaîne causale linéaire et s’inscrit dans une perspective finaliste puisque les mutations sont orientées, dirigées.

Nous proposons un espace de contraintes et nécessités de la problématisation de l’évolution dans un cadre mutationniste.

104

Une autre idée qui rejoint cette conception de la transformation des espèces comme produit des mutations associé à posteriori à une sélection qui « fait le tri », est celle du « monstre prometteur » proposée en 1940 par Goldschmidt dans « the matérial basis of evolution ». Qu'il s'agisse de mutations affectant considérablement le phénotype ou de mutations remaniant considérablement le génotype, Goldschmidt propose la possibilité d'apparition d'un individu dans une population dont le phénotype nouveau est considérablement différent de la norme de l'espèce à laquelle il appartient, au point d'en être « monstrueux ». En survivant, cet individu peut être à l'origine d'une lignée complètement nouvelle à l'origine d'une nouvelle espèce. Certains auteurs pensent que la communauté scientifique actuelle s'accorde pour considérer ce phénomène comme possible mais extrêmement rare (Gouyon & al., 1997, p.84). Dans la littérature de science-fiction, l'idée du mutant à l'origine de la création d'une nouvelle espèce est souvent reprise et exerce une véritable fascination dans la culture commune (ibid, p.84). Cette conception de la transformation d'une espèce fascine pour la raison qu’on y retrouve le mythe de la métamorphose en donnant aux mutations l’explication causale de la transformation de l’espèce. Dans cette conception le monstre prometteur est sélectionné car avantagé et il devient « l 'élu »de la sélection qui peut alors elle-même être personnifiée. Il ne s’agit pas d’un raisonnement populationnel.

Contraintes empiriques

-Évolution des espèces -Adaptation des espèces

Nécessité de la survie de grandes anomalies exceptionnelles par un tri au niveau de la population= concept de sélection Registre empirique

Registre des modèles

Empiriques nécessaires -existence de périodes de

grandes mutabilités -récurrences des mutations

orientés et définies Nécessité : Surgissement spontané de nouvelles formes ayant valeur d'espèces = Création brusque de nouvelles espèces Cadre épistémique : Mutationnisme Conception typologique de l’espèce Anti-darwiniens Anti-mendélien Saltationisme (discontinuité de la transformation des espèces)

Evolution saltatoire des espèces

Discontinue

Figure 1-7. Espace de contraintes et nécessités d’une problématisation de l’évolution dans un