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Proposition d’analyse du passif détrimental au vu de jibun

CHAPITRE I Passif détrimental revisité –du point de vu de l’énonciateur

7. Le passif, le réfléchi et la possession

7.9. Proposition d’analyse du passif détrimental au vu de jibun

En nous plaçant dans la perspective de la théorie uniforme proposée par Howard et Niyekawa-Howard (§7.2.3.4.), nous proposons de dire que, lorsque le sens détrimentaire se présente, la relation s'établit entre le sujet de la proposition principale et O-V, ce qui donne le sens détrimentaire pour le sujet-patient.

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Dans l'exemple (118) ci-dessous, on ne peut mettre qu'une seule proposition, dont le sens n'est pas détrimental.

(118) Nezumi ga neko ni tabe+RARE+ta. souris P.S. chat par manger+pass.+passé ‘La souris a été mangée par un chat.’

De plus, la construction en deux propositions qui autoriserait l'introduction de jibun aboutit à la phrase (119) qui est agrammaticale.

(119) * [Nezumii ga [nekoj ni jibuni o tabe]+RARE+ta]. souris P.S. [chat par soi-même P.O. manger]+pass.+passé ‘Une souris a été mangée par un chat.’

Le sujet étant [–humain] il n’est pas lié au niveau subjectif de l’énonciateur et il ne peut pas y avoir empathie entre la souris (animé non-humain) et l'énonciateur. Lorsque la réflexivisation n’a pas lieu, le passif direct n’exprime pas la connotation négative alors que ce serait le cas pour le passif indirect avec un verbe intransitif par exemple69.

L’exemple suivant (120), avec un sujet animé humain, est classé comme passif n’appartenant pas au niveau particulier de l’énonciateur.

(120) [Rui jûrokusei wa kokumin ni shokei s+ARE+ta]. Louis seize TH. nation par execution faire+pass.+passé ‘Louis XVI a été exécuté par le peuple.’

Pour cet exemple aussi, les marques du passif détrimental (la réflexivisation du sujet ‘Louis XVI’) pour le sujet ne sont pas présentes, seul le verbe exprimant lexicalement le sens

négatif pour le sujet. Mais la marque de l’empathie éventuelle de l’énonciateur disparait du même coup. Dans ce cas on postulera qu'il 'y a qu'une seule proposition, ce qui interdit de mettre jibun-o, cf. (121).

69 Cela est dû au critère [+animé]/[–animé] du sujet. Le résultat de l’enquête utilisant le corpus se trouve dans

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(121) * [Rui jûrokusei wa [kokumin ni jibun o shokei s]+ARE+ta]. Louis seize TH. peuple par soi-même P.O. execution faire+pass.+passé ‘Louis XVI a été exécuté par le peuple.’

L’événement est décrit du point de vue neutre et objectif, ce que nous appelons « passif simple », sans relation avec le point de vue de l’énonciateur.

Dans les autres cas, lorsqu’il est objet de la proposition enchâssée, jibun est en relation de co-référence avec le sujet de la proposition principale, c’est-à-dire lorsque le sujet de la proposition principale est également l'objet affecté de la proposition enchâssée.

Lorsqu'il n’existe pas d'objet correspondant au sujet du passif, ce qui est le cas du passif construit à partir des verbes intransitifs, jibun est orienté vers le sujet de la proposition principale et l’énonciateur marque son empathie envers lui : il considère l’événement du point de vue de ce sujet patient-détrimentaire. (cf. (91)).

Lorsque le passif est détrimental, l'événemenent est lié au niveau subjectif de l’énonciateur. Syntaxiquement, ceci est indiqué comme « l’empathie-locus ». Jibun doit alors être relié à l’argument sur lequel l’énonciateur met un accent. L’ambiguïté de l’interprétation du référent de jibun dans le passif indirect tient au fait que jibun possessif peut alors aussi exprimer l’empathie de l’énonciateur.

La réflexivisation par jibun en tant qu’objet enchâssé a eu lieu dans (122) suivant.

(122) Watashii wa anzenna hazu no kusuri de jibuni o = je TH. sécurité sans faute de médicament avec soi-même P.O. (114) ‘Je me suis rendue malade avec des médicaments sûrs.’

byônin ni s+ASE+RARE+ta. malade en faire+fact.+pass.+passé

Litt. : Je me suis faite (soi-même) être un(e) malade avec des médicaments.

La présence du factitif (S)ASE nous permet de poser la présence d’un objet syntaxique, lequel est représenté par la réflexivisation du sujet de la proposition principale.

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Ainsi nous constatons une analogie entre le passif détrimental au niveau subjectif et le factitif. Si nous donnons une glose, ce serait ‘je’ qui est affecté [rendre ‘je’ malade avec des médicaments sûrs].

7.10. Synthèse

En recourant aux études antérieures sur la question, nous avons examiné l’emploi de

jibun. Notre étude a montré que le point de vue de l’énonciateur se superpose à un argument

patient-détrimentaire.

Lorsque jibun est orienté vers le sujet de la proposition principale, le passif s’interprète comme le passif détrimental. Dans ce cas jibun ne coïncide pas avec le sujet de la proposition enchâssée mais avec celui de la proposition principale. Ceci est dû au fait que la connotation négative est donnée par la proposition enchâssée.

Dans les analyses précédentes l’ambiguïté de deux jibun potentiels n’avait pas été traitée en relation avec l'angle de la prise de vue de l’énonciateur. L’interprétation de jibun est ambigüe entre deux sujets potentiels pour le prédicat complexe comme le passif. En introduisant l’emploi d'« empathie locus » pour jibun, nous avons remarqué que l’ambiguïté sera exclue car le sujet de la proposition enchâssée n’est pas le patient-détrimentaire mais le sujet-agent.

La spécificité d’un événement est constatée par le test du pronom jibun « soi-même ». Lorsque le point de vue de l’énonciateur et le sujet coïncident, l’énoncé s’interprète au niveau personnel de l’énonciateur, car l’énonciateur met l’accent sur son empathie avec l'actant sujet. Pour le passif détrimental avec les verbes transitifs, jibun s’oriente vers le sujet parce que c’est avec lui que l’énonciateur partage un point de vue. Ce fait explique que c’est la relation (S)-O-Vtr. qui est importante pour l’interprétation de l’adversité au sujet. Dans ce cas l’emploi de jibun cumule réfléchi et empathie-locus. Avec les verbes intransitifs au passif. Par contre, il n’existe pas d’argument susceptible d'être considéré comme réfléchi. La relation S- Vintr. affecte le sujet est en fait un détrimentaire. Deux sujets potentiels existent dans ce dernier cas. Ce problème est rendu évident par le comportement de jibun au possessif : il

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s’oriente vers le sujet de la proposition principale, du point de vue duquel l’énonciateur saisit l’événement.

Pour la partie sur les facteurs linguistiques, nous concluons qu’il existe un argument supplémentaire également pour le passif détrimental avec les verbes transitifs (ce qui est appelé « passif direct »). Cet argument supplémentaire est omis lorsqu’il coïncide avec l’énonciateur, il se présente en tant qu’argument-o qu'il soit [+animé] et [–animé]. Si cet argument est en relation de possession avec un autre argument [+animé], l’énonciateur partage l'angle de vue70 avec lui.

Nous concluons que l'énoncé passif détrimental subjectif comporte deux propositions et la relation O-V de la proposition enchâssée affecte le sujet de la proposition principale. En revanche, l'énoncé passif détrimental objectif n’est pas forcément composé de deux propositions. Il s'agit plutôt de la permutation de deux arguments et c’est le morphème

(R)ARE qui déclenche le changement de place des arguments.