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1- Généralités :

Le pronostic des patients présentant des lésions hépatiques métastatiques est sombre.

Seule la prise en charge curative, c'est-à-dire chirurgicale (ou par destruction par radiofréquence dans certains cas), présente un espoir de guérison avec une survie à 5 ans. Le pronostic s’est amélioré depuis 15 ans, avec le progrès des techniques chirurgicales mais aussi des chimiothérapies, l’essor de l’embolisation portale et de la radiofréquence, permettant d’entreprendre au final une attitude curative dans un plus grand nombre de cas qu’auparavant. Pourtant, certains auteurs (Marti et al, [100]), ont comparé la survie globale à 1, 3 et 5 ans entre 2 périodes : 1994 à 2000 et 2000 à 2006. Dans cette étude, il n’a pas été mis en évidence d’amélioration significative de la survie. Cependant, en comparant les scores pronostiques des 2 périodes, on met en évidence un biais de sélection majeur : les patients de la seconde période ont en moyenne des lésions plus graves, avec des facteurs pronostiques plus élevés. En effet, de plus en plus de patients bénéficient au final d’une prise en charge curative, soit d’emblée, soit après une chimiothérapie néoadjuvante, une embolisation portale, une stratégie chirurgicale en 2 temps, responsable de l’amélioration de la survie globale des patients (opérés et non opérés), mais explique l’absence d’amélioration dans le sous-groupe des patients opérés. D’autres équipes ont toutefois mis en évidence une amélioration de la survie entre 2 périodes successives (1990-2000 et 2000-2005).

Dans le cadre d’une prise en charge curative, la morbidité ainsi que la mortalité péri-opératoire a diminué progressivement, malgré un geste chirurgical de plus en plus souvent majeur. Le principal frein à l’amélioration de la survie à 5 ans est le taux élevé de récidive à 5 ans. La fréquence des récidives hépatiques explique l’intérêt majeur porté par la communauté scientifique sur la mise aux points de nouvelles chimiothérapies, mais aussi sur l’intensification de la chimiothérapie préopératoire et postopératoire, ainsi que sur la surveillance postopératoire afin de détecter plus précocement les récidives, pouvant bénéficier d’une nouvelle chirurgie. Plusieurs études ont ainsi montré que les récidives hépatiques pouvaient bénéficier d’une nouvelle exérèse hépatique avec une morbi-mortalité acceptable pour une survie à 5 ans identique à celle observée lors de la chirurgie hépatique initiale (cf. figure 48). Cette constatation explique l’intérêt d’une surveillance très stricte des patients opérés qui peuvent bénéficier d’une nouvelle chirurgie en cas de récidive.

126 Figure 46 : survie globale après hépatectomie pour métastases hépatiques de cancers colorectaux selon la période (Beaujon, Clichy)

Adam et al (2003) et Pessaux et al (2006) ont en effet montré que le pronostic après une nouvelle chirurgie d’exérèse ne différait pas du pronostic lors de la chirurgie hépatique initiale. Ces récidives sont plus fréquentes au cours des 5 premières années mais peuvent survenir chez environ 20% des patients indemnes à 5 ans [101, 102], rendant indispensable une surveillance prolongée.

127 2- Facteurs pronostiques

Dans l’étude de l’ AFC de 1996, portant sur plus de 1500 patients [2], deux tiers des patients opérés de métastases hépatiques de CCR ont présenté une récidive des lésions hépatiques. Les facteurs pronostiques de récidives étaient le stade de la tumeur primitive, la taille de la lésion la plus volumineuse, le taux d’ACE préopératoire ( ou valeur maximale si chimiothérapie néoadjuvante), le délai de survenue court entre la lésion primitive et les lésions secondaires (seuil de 2 ans) ainsi que les marges de résection.

Un score pronostique a ainsi été mis en place, comprenant 3 stades, avec un taux de survie à 2 ans allant de 79% à 43% entre le stade 1 et 3 (cf. tableau 49 et tableau 50).

Nathan et al (2010, [103]) a étudié 949 patients opérés entre 1982 et 2008 selon différents scores dont celui de l’AFC. La survie globale est significativement liée au score établi par l’AFC (70% à 5 ans pour un score faible, 59% pour un score intermédiaire et 39% pour un score élevé), validant ce score pronostic (cf. graphique 51)

Fong et al [95] ont également établi un score pronostic basé sur les données préopératoires, avec des éléments très proches de ceux de l’ AFC (cf. figure 52 et 53). Son avantage est de donner une survie avec un recul plus important (5 ans contre 2 ans pour l’AFC). De même que pour le score de l’AFC, la survie à 5 ans selon Nathan et al est de 54% pour un score de Fong à 0 ou 1, de 63% pour un score de 2 et de 36% pour un score de 3,4 ou 5 (cf. graphique 54).

L’utilisation de ces scores permet d’évaluer avec précision le bénéfice et le risque d’une chirurgie hépatique et doit guider les indications d’exérèse hépatique, même si la chirurgie est la seule méthode à même d’obtenir une survie à 5 ans. L’autre intérêt de ces scores est de guider les indications de chimiothérapie néoadjuvante et adjuvante, même si la chimiothérapie est actuellement recommandée dans la majorité des cas.

128 Figure 47 : pronostic à 5 ans des patients porteurs de MHCCR (selon l’EMC)

129 Tableau 49 : score pronostique selon l’Association Française de Chirurgie[2]

Facteurs de risques selon l’AFC Score

Ganglions lymphatiques (primitif) 1

Infiltration des séreuses (primitif) 1

Intervalle inférieur à 2 ans 1

Marge de sécurité inférieure à 1 cm (lésions secondaires) 1

Nombre de métastases supérieur à 4 1

Diamètre métastase supérieur à 5 cm 1

Age supérieur à 60 ans 1

Tableau 50 : Survie à 2 ans selon le score AFC[2]

Score Pronostic (survie à 2 ans)

Elevé (5 à 7) 43%

Moyen (3-4) 60%

Faible (1-2) 79%

Figure 51 : Courbe de survie selon Nathan et al ((J Am Coll Surgery, 2010, [103]) d’après le score pronostic de l’AFC.

130 Tableau 52 : Facteurs influençant la survie selon Fong et al ( 1999)[95]

Facteurs influençant (significativement) en pré-opératoire la survie à 5 ans

Valeur de p

Ganglions lymphatiques positifs (primitif) 0,02

ACE supérieure à 200 0,01

Nombre de métastases supérieur à 1 0,0004

Intervalle inférieur à 1 an 0,03

Taille de la métastase supérieure à 5 cm 0,01

Tableau 53 : Survie à 5 ans selon Fong (1999), avec le score de Fong[95]

Nombre de facteurs présents Survie à 5 ans 0 60% 1 44% 2 40% 3 25% 4 20% 5 14%

Figure 54 : Survie globale selon Nathan et al (J Am Coll Surgery, 2010, [103]), d’après le score pronostique de Fong

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