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Partie 3 – Entre continuités et discontinuités théoriques avec les notions de « communication

2. Les nouveautés et renouvellements pour les registres de communication de l’État en contexte

2.2 La promotion

Dans la compétition politique, la promotion des acteurs est un objectif logique étant donné qu’elle sert à assurer la victoire aux élections. Dans la communication de l’État, la promotion porte sur les acteurs en même temps que sur les décisions prises. Nous comprenons ici que le contexte oblige les membres de l’exécutif à communiquer et à rechercher une présentation de leurs décisions de la manière la plus bénéfique, mais que cette contrainte leur permet également de se promouvoir.

2.2.1 La mise en avant de la justesse des décisions et prédictions optimistes

Nous ne pouvons affirmer qu’il y a eu de la désinformation dans la communication de l’État durant la crise des Subprimes. Ce terme serait trop fort pour désigner ce qui semble tout au plus être une dimension déceptive ou au moins une dimension persuasive, à l’aide de cadrages, dans le sens où l’entièreté de la situation ne fut jamais dévoilée.

Nous avons identifié quatre pôles de cette dimension utilisée pour insister sur la justesse des

décisions et permettant aux membres de l’exécutif de formuler des prédictions optimistes. Premièrement, il s’agit de dire que le plan n’aurait aucun coût pour le contribuable et l’État. Cette absence de coût résonne bien entendu avec la nécessité pour le gouvernement de rassurer les contribuables et également de rassurer sur ses capacités de gestion. En effet, en mettant au point un plan qui n’entraînera aucun coût, l’État prouve que, malgré la situation de crise, il est capable de trouver les meilleures solutions. Cette prédiction semble néanmoins tout à fait difficile à prononcer, compte tenu du contexte. La crise des Subprimes avait démontré, en ruinant plusieurs banques d’affaires d’envergure mondiale (Lehman Brothers, Merrill Lynch, Northern Rock…) qu’elle était dangereuse pour les acteurs de la finance. Il était impossible de savoir que le plan n’entraînerait aucun coût.

Deuxièmement, un des arguments fut que la dette publique ne serait pas soumise à une augmentation à cause du plan. Au contraire, celui-ci lui rapporterait de l’argent, ce qui revint à formuler une prévision tout à fait optimiste sur le futur. Il était également impossible aux membres de l’exécutif de savoir si ce plan donnerait lieu à des gains économiques, d’autant plus que la France était dans une situation de crise236. En outre, comme nous l’avons dit plus haut, le gouvernement Fillon de l’époque avait comme objectif de maîtriser les dépenses publiques237. Il fallait donc persuader les cibles de la communication étatique que le plan ne contribuerait pas à augmenter la dette, d’autant plus que l’État annonçait un non-remplacement des fonctionnaires partant à la retraire pour tenir ses engagements. C’est-à-dire, le plan ne devait avoir les apparences d’un sacrifice au bénéfice des banques ; dans une interview sur RTL, suite à une question d’un journaliste, François Fillon exprima clairement que le plan servait moins les banques que leurs clients.

Troisièmement, il s’agit d’une erreur, reprise dans les médias, sur le contrôle de la Société de financement de l’économie française (SFEF) par la Banque de France238. S’agirait-il d’un jeu sur les mots de la part de Christine Lagarde qui l’annonça en conférence de presse, contrôler signifiant « surveiller » plutôt que « diriger » ? En tous les cas, cette erreur crée une fausse impression que l’institution publique qu’est la Banque de France gère la SFEF, ce qui est faux.

Enfin, le dernier pôle concerne les risques mesurés que prendrait l’État en fournissant ce plan aux banques. Compte tenu de la situation qualifiée de grave par le président de la République lui-même

236Pour voir le lien entre la crise des Subprimes et la « crise des dettes souveraines » voir Note 2. Se référer également au à l’article de Benjamin Coriat pour saisir le lien entre cette crise et l’augmentation de la dette publique en Irlande ; http://atterres.org/sites/default/files/la%20crise%20irlandaise.pdf

237http://www.vie-publique.fr/actualite/dossier/plf-2008/budget-2008-financer-paquet-fiscal-stabiliser-finances- publiques.html

dans son discours du 13 octobre 2008239, les assurances de risques mesurés semblent être trompeuses, sachant que, par exemple, l’affaire de Jérome Kerviel éclata au mois d’octobre 2008240. Enfin, si effectivement Nicolas Sarkozy, mais aussi François Fillon241, affirmèrent que la crise des Subprimes était véritablement grave, ils mirent en lien la capacité de l’État à agir. L’analyse de notre second corpus démontre que dans les différents discours des membres de l’exécutif, est affirmé la capacité de l’État à relancer l’économie, soit permettre aux banques de prêter à nouveau, et aussi à changer la finance, en interdisant les comportements qui ont mené à la crise.

L’analyse de notre terrain démontre dès lors que dans chacun des discours concernant le plan de sauvetage, cette dimension et ses arguments sont présents. Les arguments dominants sont la non- augmentation de la dette publique et les gains économiques ainsi que l’absence de coût pour le contribuable. Nous comprenons donc aisément que la justesse des décisions, accompagnées des prédictions optimistes, prennent part à la communication de l’État pour persuader les multiples cibles que le plan est la meilleure solution pour régler la situation ainsi que pour l’avenir.

2.2.2 L’argument de l’« homme de la situation »

Il nous est apparu que les membres de l’exécutif procédaient à une forme que d’aucun qualifierait d’auto-flatterie mais dont nous pensons qu’il s’agirait plutôt d’une forme argumentaire pour se mettre en avant. L’argument de l’« homme de la situation » est donc une manière appréciative de présentation des membres de l’exécutif par eux-mêmes. Sur les neuf éléments composant notre corpus, nous retrouvons cinq fois la nomination d’un des membres de l’exécutif ou du gouvernement en général.

Le président de la République, Nicolas Sarkozy fut souvent mis en valeur dans le discours comme étant à l’origine des décisions de l’Eurogroup. Il se désigne lui-même comme étant l’instigateur d’un vent nouveau sur la politique qui prendrait le dessus sur la finance internationale ; « Au nom

de l’Europe, en tant que président de l’Union européenne, j’ai proposé que se tienne d’ici à la fin de l’année, un sommet mondial pour que soient discutés et décidés ces nouveaux principes, ces nouvelles règles »242. Également, le premier ministre se félicita du cap politique adopté par le président face à la crise243 et le ministre du Budget affirma que Nicolas Sarkozy prenait une

239Annexe 4/4

240Trader soupçonner d’avoir fait perdre la somme de 4,9 milliards d’euros à la Société générale ; http://www.ladepeche.fr/article/2008/10/13/481247-societe-generale-commissaires-comptes-gril-avocats-

kerviel.html 241Annexe 4/2 242Annexe 4/9 243Annexe 4/2

« dimension internationale »244. Cette présentation participa peut-être du phénomène de « ralliement derrière le drapeau », que discernent J. Gerstlé et A. François245, et sert sans aucun doute à améliorer l’image de Nicolas Sarkozy.

Par ailleurs, le gouvernement bénéficia aussi de cet argument. L’exemple le plus éclairant est fourni par François Fillon (cela semble normal venant du chef du gouvernement) qui considéra que le gouvernement avait fait quelque chose d’ « historique »246 avec le plan de sauvetage des banques. Il s’agit aussi de ne pas laisser de doutes quant à la qualité du gouvernement en place et sa capacité à agir.

Nous pouvons voir l’argument de l’« homme de la situation » comme un instrument présent dans les discours pour vanter les membres de l’exécutif, de manière un peu subtil. En effet, il ne fut pas question de directement insister sur le caractère adapté des ministres et du président, mais plutôt sur leurs actions qui en firent des acteurs déterminants dans la gestion de la crise.

Ce registre est intéressant car il souligne, en réponse à notre problématique, que les stratégies communicationnelles adoptées par les membres de l’exécutif leur donne l’opportunité de se mettre en avant. Bien entendu, le plan de sauvetage des banques fut défendu dans la communication, en expliquant qu’il relancerait l’économie. Mais ces explications servirent à démontrer que les décisions étaient les bonnes et donc que les membres de l’exécutif, y étant à l’origine, furent efficaces. Le registre de promotion est donc nouveau par rapport à la communication publique. Même si pour celle-ci, les membres de l’exécutif peuvent tirer des bénéfices des campagnes de communication publique, ces dernières ne servent pas à insister explicitement sur leurs décisions politiques.