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1. Calcium et prolifération.

De nombreux travaux montrent l’implication du calcium dans les différentes caractéristiques que peuvent acquérir les cellules cancéreuses au cours de la cancérogenèse et en particulier lors de la dérégulation de la prolifération (Prevarskaya et al., 2010; Roderick and Cook, 2008). Les données actuelles s’accordent sur le fait que le calcium cytosolique joue un rôle important dans la régulation du cycle cellulaire en intervenant au niveau de ses points de contrôle stratégiques : le début de phase G1, la transition G1/S et G2/M (Roderick and Cook, 2008) (voir schéma 8). Les signaux calciques permettent l’expression de gènes précoces en phase G1, tel que fos, jun et myc mais aussi la phosphorylation de RB1 (protéine du

rétinoblastome1) en G1/S. La phosphorylation de RB1 est dépendante du complexe calcium- calmoduline (CaM/Ca2+) et de la concentration en calcium cytosolique. Ces mécanismes sont nécessaires à la progression des cellules dans la phase G1 puis à la transition G1/S. Il existe d’autres acteurs majeurs de cette régulation de la prolifération par le calcium : la calcineurine et CREB1 (cAMP Responsive Element Binding protein 1) (Roderick and Cook, 2008). La calcineurine régule la voie NFAT. L’activation de la calcineurine qui est une phosphatase, dépend du complexe CaM/Ca2+. Ce complexe se lie à la calcineurine une protéine sérine phosphatase et l’active. Sous sa forme inactive phosphorylée, NFAT est localisé dans le cytoplasme. La calcineurine activée détache alors les groupements phosphates occupant des positions critiques sur le NFAT cytosolique, ce qui va conduire à l’exposition d’une séquence permettant une relocalisation nucléaire. NFAT est alors transloqué vers le noyau où il activera la transcription de gènes impliqués dans la prolifération (Putney, 2012). CREB1 est également un facteur de transcription qui peut se lier au promoteur de la cycline D1 et stimuler sa transcription (Daniel et al., 2014). CREB1 serait activé par le complexe Ca2+-CaM kinase 2.

Une autre voie de signalisation, faisant intervenir le calcium, peut réguler la prolifération : la réponse UPR (Unfolded Protein Response) (Schwarze et al., 2008) (Cette voie de signalisation complexe fait l’objet d’une partie plus détaillée dans la partie III). Une diminution de la concentration en calcium réticulaire est un signal de stress important pour la cellule en perturbant notamment la bonne conformation des protéines en cours de synthèse. La cellule répond à ce stress en activant la réponse UPR. Celle-ci se met en place à partir de l’activation de trois protéines membranaires du réticulum endoplasmique : PERK (protein kinase RNA-like endoplasmic reticulum kinase), ATF6 (Activating transcription factor 6) et IRE1 α (Inositol-requiring enzyme 1α). La réponse UPR a pour but d’augmenter les capacités de repliement, de maturation et de dégradation des protéines du réticulum endoplasmique. L’UPR s’accompagne d’un arrêt de prolifération en phase G1 en relation avec une diminution d’expression de la cycline D1 (Schwarze et al., 2008). Ces voies de signalisation sont résumées dans le schéma suivant.

Schéma 8 : mécanismes (non exhaustifs) des évènements calciques impliqués dans la régulation de la prolifération cellulaire.

2. Rôle des protéines ORAI dans la prolifération cellulaire.

Au cours de la cancérogenèse, la régulation de la prolifération par le calcium est modifiée en réponse à des perturbations de l’expression et/ou de l’activité des protéines régulant les signaux calciques (Prevarskaya et al., 2010). Cette régulation de la prolifération par le calcium et en particulier par les canaux calciques implique généralement la voie de signalisation NFAT (voir schéma 9). Notre laboratoire a par exemple montré que l’entrée de calcium médiée par les canaux TRPV6 est capable d’activer le facteur NFAT et de stimuler la prolifération (Lehen’kyi et al. 2007). Or, ces canaux TRPV6 sont surexprimés dans les cellules tumorales prostatiques (Lehen’kyi et al. 2007). De même, l’implication de cette voie de signalisation NFAT est bien connue pour ORAI1 dans les lymphocytes. Cependant, peu d’études existent en ce qui concerne le rôle des protéines ORAI et de la voie de signalisation NFAT dans la dérégulation de la prolifération au cours de la cancérogenèse. Le rôle des protéines des familles ORAI et STIM et de l’entrée SOCE dans le contrôle de la prolifération cellulaire a déjà été caractérisé dans la lignée HEK293. Les auteurs démontrent dans cette

étude un rôle crucial de l’expression d’ORAI1 dans la régulation de la prolifération cellulaire (El Boustany et al., 2010). Des études ont montré que le PDGF (Platelet-derived growth factor) augmente l’entrée de type SOCE en augmentant l’expression de STIM1 et ORAI1 via l’activation de la voie AKT/mTOR dans les cellules humaines de muscles lisses des artères pulmonaires. Dans ce modèle des canaux formés uniquement des protéines ORAI1 participent à la régulation de la prolifération (Ogawa et al., 2012).

Le rôle des protéines ORAI, a également été étudié dans des lignées de cellules cancéreuses mammaires. Il a été mis en évidence que la protéine ORAI1 par un mécanisme d’action dépendant de la protéine SPCA2 (Secretory Pathway Calcium ATPase) exprimée au niveau du golgi, participe à la prolifération des cellules cancéreuses mammaires (Feng et al., 2010) et que la protéine ORAI3 favorise la prolifération cellulaire toujours dans le cas du cancer du sein (Faouzi, 2010). Dans ce modèle, l’inhibition d’ORAI3, par une stratégie ARN interférent, entraîne une diminution à la fois de l’entrée capacitive SOC et de la concentration en calcium cytosolique permettant un arrêt de la progression du cycle cellulaire en phase G1 (Faouzi et al., 2011). Il est intéressant de noter que le rôle des canaux ARC (formés par les protéines ORAI1 et 3) dans la régulation de la prolifération des cellules tumorales n’a jamais été étudié.

Schéma 9 : d’après (Putney, 2012).

La voie NFAT : Voie cellulaire de contrôle de la prolifération par le calcium.

La voie de signalisation est initiée par un récepteur (R) couplé à une protéine G (G) /phospholipase C (PLC). Il en résulte une production d’IP3 et la déplétion du calcium stocké

dans le réticulum endoplasmique. Les canaux SOC deviennent actifs et permettent un influx de calcium dans le cytosol entrainant la déphosphorylation de NFAT. NFAT déphosphorylé sera transloqué vers le noyau où il agira comme un facteur de transcription pour un ensemble spécifique de gènes. Dans le traitement du signal calcique, deux évènements critiques sont à noter. Tout d'abord, la période d'oscillation calcique détermine le taux de déphosphorylation de NFAT cytoplasmique et son accumulation subséquente dans le noyau, c’est le processus de facilitation. D'autre part, le taux de sortie de NFAT du noyau est lent, ce qui permet un second niveau d'intégration, ou "mémoire du signal". Cela permet d’attribuer un temps suffisant pour activer la transcription des gènes même si le signal calcique a déjà pris fin.

V. POMPES DE TYPE SERCA ET STRESS CALCIQUE : UNE NOUVELLE STRATEGIE THERAPEUTIQUE.

A. Enjeux actuelles : développer des stratégies thérapeutiques ciblant l’hétérogénéité