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La formation en situation de travail présente des opportunités variées pour les petites entreprises. Attirer et fidéliser des salariés sur des métiers en tension en est une, qui nous a été rapportée par des responsables de projets d’Afest au sein de plusieurs Opco. Dans les petites entreprises situées en milieu rural, la combinaison Afest et Préparation opérationnelle à l’emploi, organisée sur une durée de trois mois, répond bien à un objectif de recrutement rapide avec une formation sur mesure, en particulier pour des candidats peu qualifiés qui ont besoin d’un sas de (ré)adaptation au monde du travail.

Dans l’Alimentaire par exemple, observe Nathalie Lucas, l’expérimentation Afest coordonnée par la DGEFP de 2015 à 2018 a révélé un fort intérêt des petites entreprises pour cette modalité. Dans la filière laitière en particulier, la POE est une étape d’adaptation qui permet à l’entreprise et au candidat de confirmer le projet professionnel commun. Les personnes recrutées étant issues d’autres métiers et formations que l’agro-alimentaire, la POE les prépare à occuper les métiers de premier niveau de qualification dans le secteur et leur permet

9 Idem, pp.26-48 du rapport

108 de découvrir un nouveau milieu professionnel. La formation est centrée sur un socle de cinq compétences transférables au sein des industries de l’agro-alimentaire : qualité hygiène ; comportement adapté en termes de droits et devoirs de chacun ; travail en équipe ; capacité à communiquer ; usages des outils numériques. Dans certains cas, un contrat de professionnalisation davantage centré sur les compétences métier succède à la POE. Des candidats sont par exemple formés à la conduite de ligne de coopérative laitière dans ce cadre. Dans la Restauration également, un dispositif pilote combinant Afest et POEC est lancé à Arras en juin 2019. Il s’inscrit dans la continuité des actions conduites par le Fafih au sein de deux hôtels-restaurants de Tulle de 2015 à 2017 dans le cadre de l’expérimentation DGEFP, qui ont permis aux candidats de valider respectivement un CQP Commis de cuisine et un CQP Serveur en salle option sommellerie.

Le nouveau projet Afest est réalisé en réponse à un appel d’offres de la Région Hauts-de- France, qui vise à former en POEC des demandeurs d’emploi dans les TPE du secteur HCR, et à leur permettre un accès à la certification en validant tout ou partie d’un CQP de la branche. Cette commande répond au double constat que beaucoup de salariés des TPE du secteur n’ont aucune qualification reconnue et que la VAE est mal adaptée à ces publics. De plus, elle répond aux besoins des entreprises, qui connaissent des difficultés de recrutement en dépit des nombreuses formations existantes aux métiers du secteur. Les hôteliers-restaurateurs ressentent un besoin de formation complémentaire pour que les personnes qu’ils embauchent soient capables de délivrer une prestation conforme aux attentes de leur clientèle en matière de qualité de service, de standing, de style, etc.

Ancien Directeur du CFA de Tulle impliqué dans l’expérimentation sous l’égide de la DGEFP, Frédéric Aubreton, a créé le cabinet Pro Sapiens et accompagne régulièrement le Fafih dans le développement du dispositif Afest au sein des entreprises au niveau national. Ce partenariat a commencé par une action destinée à des demandeurs d’emploi en région Nouvelle Aquitaine. Il se poursuit en 2019 par le projet d’Arras, qui inclut à la fois des demandeurs d’emploi en POEC et des salariés en poste dans des petits établissement, sur les métiers de serveur et de commis de cuisine.

Le projet d’Arras est développé avec un organisme de formation spécialisé dans la restauration, « A l’école des chefs », créé par Stéphane Delrue en 2015. Le public de « A l’école des chefs » est composé à 50% de personnes en reconversion et à 50% de personnes en insertion, sachant qu’un organisme « jumeau », s’occupe de la formation des salariés. Professionnel du secteur, Stéphane Delrue connaît bien les restaurateurs d’Arras ainsi que le système de la formation professionnelle. Il a sélectionné 16 entreprises qu’il estime bien armées pour assurer une formation en situation de travail sur les métiers visés. Celles-ci sont rémunérées par le Fafih pour la mission de formation qu’elles réalisent, sur un forfait d’environ 2000 euros pour trois mois de formation.

o Le principal objectif du projet Afest-POEC d’Arras : susciter un sentiment d’appartenance professionnelle

Pour Frédéric Aubreton, il est clair que le dispositif développé à Arras ne vise pas la formation de professionnels aguerris. Il s’agit surtout de susciter l’adhésion pour attirer des personnes motivées dans le secteur, de leur « mettre le pied à l’étrier ». De fait, la formation réalisée en POEC ne vise pas nécessairement l’acquisition complète d’un CQP. Les deux CQP Serveur et Commis de cuisine ont récemment été redéfinis en blocs de compétences, ce qui permet une validation partielle dans une optique d’individualisation des parcours. Pour les demandeurs d’emploi en particulier, il s’agit de valider les blocs de compétences incontournables pour s’insérer professionnellement.

Les techniques professionnelles sont principalement acquises à travers des situations de formation qui se déroulent en entreprise, et sont complétées par un temps de présentiel au centre de formation de la Citadelle d’Arras. La formation réalisée en entreprise repose sur

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l’explicitation de situations de travail, avec l’appui du consultant qui accompagne le tuteur

et l’apprenant dans cette démarche.

Les objectifs d’acquisition de compétences s’appuient sur le référentiel de chacun des deux CQP, qui est retranscrit au regard des situations de travail rencontrées dans l’entreprise. Ce travail spécifique est conduit par le restaurateur et/ou le tuteur, accompagné(s) par l’expert métier externe. Il vise à définir des situations de travail formatrices, sur lesquelles repose le dispositif pédagogique. Le positionnement des compétences de l’apprenant est réalisé par rapport à ce référentiel, afin de prendre en compte son expérience et de cibler l’apprentissage uniquement sur les domaines non acquis.

Une formation en centre est réalisée en complément de la formation en situation de travail. Elle est animée par un ancien chef étoilé, sur une durée de 105 heures, Elle porte notamment sur ce qui ne peut pas être acquis en entreprise – l’hygiène et la sécurité alimentaire (HACCP), la sécurité et la santé au travail (SST)… –, mais aussi sur les savoir-être professionnels – respect des horaires, travail en équipe, etc. Elle comporte aussi un projet de réception à organiser au sein du restaurant d’application du centre de formation d’Arras.

o La vidéo, vecteur d’apprentissage, de reconnaissance et de motivation

Le dispositif Afest développé par le cabinet Pro Sapiens privilégie la vidéo comme outil pédagogique adapté à des métiers où la compétence repose sur des gestes professionnels. Certaines séquences sont en effet filmées intégralement pour pouvoir être visionnées et commentées ensuite, avant de rejouer et de filmer à nouveau la séquence pour l’améliorer… Lorsqu’il s’agit de mettre en œuvre non pas un geste mais un process, l’apprenant est filmé en train d’expliquer la manière dont il a procédé.

Outre cette dimension pédagogique, la vidéo est utilisée pour la mise en œuvre de l’évaluation à distance par des pairs, qui sont en réalité des « stars du milieu », ce qui contribue à une forte valorisation de l’apprenant, motivante pour l’exercice du métier, explique Frédéric Aubreton :

« La vidéo permet de créer de l’identité professionnelle : le film montre ce qu’on sait faire, est validé par des personnes autorisées de la profession, c’est une vraie valorisation ; or, le sentiment d’appartenance professionnelle est un levier très fort ».

Dans l’exemple de la formation d’Arras, l’Afest s’avère être un dispositif capacitant prometteur pour le recrutement de personnes peu qualifiées sur des postes d’entrée dans un métier. L’apprentissage des comportements et des gestes métiers en situation de travail réelle avec des pairs, mais aussi la validation par un cercle plus large de professionnels autorisés, remportent un réel succès auprès de publics fragilisés qui apparaissent remobilisés pour une activité professionnelle. De ce point de vue, cette méthode pédagogique très articulée avec l’activité, mobilisant l’apprenant dans l’analyse et la valorisation de son travail, n’est pas sans rappeler la mission Nouvelle qualification dirigée par Bertrand Schwartz dans les années 1990 et son ouvrage « Moderniser sans exclure » (1994). Elle s’enrichit aussi d’innovations : il est intéressant d’observer la valeur ajoutée par les technologies numériques à ce type d’approche, en particulier le potentiel accru d’évaluation / valorisation des compétences à distance via une plateforme pédagogique internet dédiée.

Dans un objectif de modernisation plutôt que d’insertion, l’exemple suivant relatif à la transition énergétique dans les métiers du bâtiment est également un terrain prometteur de développement de la formation en situation de travail.

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