III.2 Les projets expérimentaux et numériques
Nous souhaitons accompagner dans le futur tous nos développements expérimentaux par des
simu-lations numériques directes : comme exposé dans la PartieIII.1 des Perspectives, nous avons pour
objectif de réaliser des expériences avec des mesures haute-résolution qui ne seront
quantitative-ment exploitées que si elles sont elle-mêmes confrontées à des simulations numériques fidèles aux
expériences. Ce sont ces aller-retours entre données géophysiques expérimentales et modélisations
numériques qui permettront de progresser dans la compréhension de la physique de la propagation
d’ondes en milieux poreux et d’exporter ainsi les progrès vers l’exploration géophysique de proche
surface, à terme.
III.2.1 Projets en cours
C’est dans cet optique que nous collaborons avec l’équipe Magique 3D, en particulier avec Hélène
Barucq (responsable du groupe) et Julien Diaz, cette équipe étant intégrée au Laboratoire de
Ma-thématiques et de leurs Applications de Pau (LMAP, UMR CNRS 5142). Cette équipe a en effet
une grande expérience dans la modélisation de propagation d’ondes mécaniques ou
électromagné-tiques, et ce, dans différents types de milieux (cf rapport d’activité Magique 3D). Dans le cadre
de la thèse de C. Shen (2016-2019), le code utilisé pour l’instant pour reproduire les expériences
est Hou10ni. C’est un code numérique écrit en FORTRAN90 et qui simule la propagation d’ondes
dans des milieux élastodynamiques. Hou10ni est un code basé sur la méthode des éléments finis
et utilise une méthode basée sur l’Interior Penalty Discontinuous Galerkin Method (IPDGM)
Bal-dassari (2009). Les simulations peuvent être réalisées en 2D ou en 3D.
La figureIII.9montre par exemple une comparaison entre une simulation 2D élastique réalisée avec
Hou10ni et les mesures acquises sur les 3 faces du cube d’aluminium (voir Figure III.3). L’accord
entre les données et la simulation 2D est remarquable : la cinématique des ondes est parfaitement
simulée, les seules ondes non retrouvées numériquement étant d’origines 3D (rebonds sur les faces
supérieures et inférieures du cube). Dans le cas des mesures dans le cylindre d’aluminium exposées
en figure III.4, nous procédons à nouveau à une simulation 2D avec Hou10ni et montrons la
com-paraison entre expérience et calcul sur la FigureIII.10: l’accord est à nouveau quasi-parfait. Dans
les deux géométries, nous observons les ondes P, S et ondes de surfaces ainsi que les converties
sur les bords du domaine investigué (Shen,2016). Du point de vue des comparaisons quantitatives
d’amplitude entre expériences et simulations, que ce soit dans le cas cubique (FigureIII.9) ou
cy-lindrique (Figure III.10), les simulations 2D ne sont pas suffisantes. Nous travaillons actuellement
en ce sens (thèse de C. Shen) à la simulation 3D ; il semble cependant pour l’instant hors d’atteinte
(pour des raison de tailles de mailles principalement) de pouvoir calculer en 3D l’exacte réplique
des expériences avec la bonne fréquence de la source sismique et la bonne taille d’échantillons ; il
s’agira de mener un calcul ou le bon compromis devra être trouvée entre fréquence d’excitation de
la source sismique et taille du domaine.
Dans le cadre du projet HPMSCA, nous avons commencé à travailler avec des échantillons naturels,
i.e. des carottes carbonatées d’environ 10 cm de diamètre (voir FigureIII.1) extraites de la Galerie
Anti-Souffle (GAS) du Laboratoire souterrain à bas bruit LSBB, UMS3538 de Rustrel. L’objectif
est de travailler en transmission avec une source sismique piézoélectrique et des mesures autours
de la carotte avec le vibromètre, comme dans le cas du cylindre d’aluminium (FigureIII.10).
La FigureIII.11montre ainsi le résultat d’une tomographie de vitesse obtenue avec le programme
d’inversion TomoTV (Jean Virieux, communication personnelle, Latorre et coll. (2004)), un code
d’inversion basé la résolution de l’équation eikonale en différences finies (Podvin & Lecomte,1991).
Cette tomographie visible sur la Figure III.11 est donc obtenue à partir du pointé en temps de
III.2. Les projets expérimentaux et numériques 153/173
a)
b)
Figure III.9 : a) Simulation numérique 2D de la propagation d’ondes dans un cube d’aluminium de
28 cm de côté où l’excitation sismique provient d’un pulse à 1 MHz émis sur le centre d’une des faces.
b) Données expérimentales acquises par interférométrie laser sur les 3 faces du cube d’aluminium.
Les ondes manquantes en b) par rapport à la simulation en a) sont dues à des rebonds en haut et
en bas du cube, non pris en compte par la simulation 2D. Tiré de (Shen,2016).
III.2. Les projets expérimentaux et numériques 154/173
a) b)
Figure III.10 : a) Données expérimentales acquises par interférométrie laser sur la périphérie
d’un cylindre d’aluminium de 10 cm de diamètre, θ = 0 correspondant à la position de la source
sismique. b) Simulation numérique 2D réalisée avec Hou10ni de la propagation d’ondes dans un
cylindre d’aluminium de 10 cm de rayon.
III.2. Les projets expérimentaux et numériques 155/173
a)
b)
X− ray tomographyFigure III.11 : a) Tomographie de vitesse basée sur une inversion du temps des premières arrivées
en ondes P dans une carotte carbonatée. Tomographie réalisée avec TomoTV (J. Virieux,
commu-nication personnelle). Les six sources utilisées pour réaliser cette image sont localisées avec des
carrés bleus à la périphérie de la carotte, alors que les points rouges sont situés au niveau des
points de mesures effectués par vibrométrie laser. b) Tomographie aux rayons X obtenue sur la
même carotte qu’en a), précisément sur la même tranche horizontale. Tomographie réalisée avec le
scanner médical du CSTF à Pau.
parcours des premières arrivées d’ondes P se propageant dans une carotte issue du site de Rustrel ;
cette tomographie a été obtenue à partir d’expériences réalisées avec 6 positions angulaires
diffé-rentes de la source sismique, toutes à la même hauteur relative sur la carotte puisqu’il s’agissait
de réaliser une tomographie d’une tranche horizontale 2D de la carotte. La comparaison de cette
tomographie en vitesse Vp (Figure III.11a) avec une tomographie aux rayons X (Figure III.11b)
obtenue par le scanner médical du Centre Scientifique et Technique Jean Féger de Total à Pau
indique une bonne corrélation entre les zones rapides/lentes et les zones claires/foncées. Il semble
cependant assez clair sur la Figure III.11a) que le nombre de sources pris en compte pour l’image
tomographique est probablement insuffisant conduisant à des artefacts lors de l’inversion, visible
notamment avec des hétérogénéités de vitesse suivant la géométrie de rais droits.
Une fois la distribution des vitesses obtenue dans une tranche horizontale de la carotte (Figure
III.11a), nous injectons cette distribution de vitesses hétérogènes dans Hou10ni et relançons les
simulations directes. Nous pouvons alors comparer les synthétiques obtenus avec les mesures du
déplacement réalisées en chaque point de la périphérie de la carotte. La Figure III.12 représente
ainsi les synthétiques comparés aux mesures obtenues pour 4 positions distinctes θ de la source
piezoélectrique ; pour les 4 angles, on constate que les premières arrivées en temps sont correctement
reproduites par les simulations. La complexité au niveau des formes d’ondes qui suit les premières
arrivées n’est par contre pas très bien reproduite par les simulations réalisées dans un milieu
purement élastique.
Dans le cadre de la thèse de C. Shen, nous souhaitons poursuivre ces comparaisons expériences /
tomographie (ondes mécaniques et rayons X) / simulations dans des carottes carbonatées
relati-vement homogènes, puis dans des carottes de plus en plus fracturées. L’objectif est d’imager les
III.2. Les projets expérimentaux et numériques 156/173
Figure III.12 : Comparaison entre les mesures (gauche) et les simulations directes
élastodyna-miques (droite) de la propagation d’ondes dans une carotte carbonatée. Les figures a), b), c) et
d) sont obtenues pour 4 positions distinctes de la source sismique, respectivement θ = 0, θ = 60
◦,
θ = 120
◦et θ = 180
◦.
carottes avec des tomographies en ondes P, en ondes S (basés sur les temps de parcours) mais
aussi de travailler sur les amplitudes des premières arrivées et d’en déduire ainsi des images des
facteurs de qualité Qp et Qs. Obtenir des cartographies de l’atténuation en supplément des
car-tographies des champs de vitesse est un enjeu important qui pourrait permettre des avancées au
niveau de la caractérisation des milieux poreux et de leurs factures (Amoroso et coll., 2017). Ce
travail d’imagerie des vitesses et atténuations dans les échantillons devra également s’accompagner
du développement dans le code numérique de la prise en compte d’hétérogénéités (micro-fractures
etc.) dans un milieu élastique ou alors de se tourner vers une modélisation numérique plus complète
type poroélastique (Rubino et coll.,2016;Caspari et coll., 2016) avec par exemple des milieux à
double porosité (Pride & Berryman,2003a,b).
III.2.2 Les orientations futures : FWI, changement d’échelles
Je présente dans cette partie les orientations que l’on pourrait suivre à court et moyen terme vers
des domaines où l’on n’a pas encore aujourd’hui de compétences particulières. Cependant, que ce
soit l’inversion de formes d’ondes complètes ou le changement d’échelle, ce sont des thématiques
qu’il semble assez naturel et logique de vouloir developper dans l’optique de notre laboratoire de
« Géophysique Experimentale » haute-résolution.
III.2.2.1 FWI
Comme nous l’avons énoncé dans cette partie Perspectives, notre laboratoire expérimental se prête
bien à des acquisitions sismiques et radar (très prochainement) haute-résolution. Nous avons vu
également les limites de résolution que donnent les tomographies basées uniquement sur les temps
de parcours. Une évolution naturelle de nos méthodes de traitement serait de passer à la Full
Waveform Inversion (FWI), une méthode désormais très largement utilisé dans l’industrie pétrolière
(Virieux & Operto,2009). C’est une méthode d’imagerie quantitative multiparamètres qui se prête
bien au traitement du champ d’onde complet. Les méthodes d’optimisation de la FWI utilisent très
Dans le document
Couplages entre les champs de vitesse et électromagnétique : applications au noyau terrestre et à la prospection géophysique
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