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Présentation générale de l’approche expérimentale de la dynamique du noyau

I.5 Activités et tâches administratives en enseignement

II.1.1 Présentation générale de l’approche expérimentale de la dynamique du noyau

Le noyau terrestre au cœur de la machine thermique Terre

5000 K 4000 K + ... R = 1220 km

R = 3485 km Fe liquide M SOLIDE G GRAINE solide CROÛTE MANTEAU R = 6371 km

A) B)

T N NOYAU ±1000 K ±1000 K 2265 km NOYAU LIQUIDE + 10-20% éléments légers 330 GPa 130 GPa Fe

Figure II.1 : A) Coupe transversale de la Terre. La Terre se divise en 3 couches principales : la

croûte, le manteau et le noyau. B) Propriétés physiques du noyau liquide et de la graine solide.

(tiré deBrito (1998))

Le noyau de la Terre, schématisé sur la figure II.1, siège de l’auto-entretien du champ magnétique

ou dynamo est un grand océan de métal liquide en mouvement avec en son centre une graine solide

composée très majoritairement de fer (Badro et coll.,2007). Le refroidissement de la Terre (et donc

du noyau) depuis sa formation entraîne un flux de chaleur du noyau vers les couches externes

(man-teau puis croûte terrestre) (Labrosse, 2003). Ce dégagement de chaleur au sein du noyau liquide

se produit sous forme de convection, qu’elle soit d’origine thermique ou compositionnelle (Cardin

& Olson,1994). C’est ainsi que la graine solide au centre de la Terre croît au cours du temps (dès

lors que la température du fluide au voisinage de la frontière noyau liquide–graine passe en dessous

du point de solidification de l’alliage de Fer, (Deguen et coll.,2007;Deguen,2012)) et participe à

II.1. Dynamique du noyau terrestre 32/173

la dynamique globale de la Terre profonde.

Ce grande océan d’alliage de fer liquide à haute pression et haute température se retrouve donc en

mouvement due à la convection. La vitesse moyenne du fluide du noyau est de l’ordre de 5 × 10

−4

m/s (on obtient cette vitesse par exemple via les cartes globale du champ magnétique terrestre

ob-tenues par mesures satellitaires,Hulot et coll.(2002)), ce qui est une vitesse extrêmement rapide à

l’échelle des temps géologiques par rapport aux vitesses caractéristiques de la dynamique terrestre,

comme par exemple la vitesse des plaques lithosphériques (de l’ordre du cm/an).

La magnétohydrodynamique du noyau terrestre et la dynamo terrestre

La magnétohydrodynamique (MHD) est la discipline traitant de l’évolution d’un fluide conducteur

d’électricité en mouvement au sein d’un champ magnétique. C’est bien dans ces conditions qu’évolue

le fer du noyau en convection sous l’influence du champ magnétique terrestre : c’est précisément

ce couplage entre champ de vitesse du fluide et champ magnétique qui donne naissance au champ

magnétique auto-entretenu au cours du temps, le champ dynamo (Gubbins & Roberts,1987).

Comment a été initiée la dynamo terrestre et pourquoi est-elle auto-entretenue depuis 3,5 milliards

d’années (au moins, Tarduno et coll. (2010)) ? Quels types de mouvements se développent dans

le noyau liquide ? Quel est le rôle de la graine dans cette dynamique ? Quelle est l’amplitude du

champ magnétique à l’intérieur du noyau liquide ? Voici une liste de questions (non-exhaustives

. . .) animant la communauté scientifique travaillant sur le noyau terrestre. Ce sont quelques-unes

de ces questions ouvertes qui ont motivées les études lors de ma thèse et de la première partie de

ma carrière à Grenoble.

Les équations qui régissent la MHD du noyau sont l’équation de l’énergie (température), l’équation

du mouvement (Navier-Stokes) et l’équation d’induction (champ magnétique). Je reviens

rapide-ment sur ces deux dernières en guise d’introduction aux études qui suivent dans la première partie

de ce mémoire.

Équation du mouvement, équation de Navier-Stokes dans un référentiel en rotation

L’équation générale du mouvement dans un référentiel en rotation à la vitesse angulaire ⃗Ω s’écrit

ρ

(∂⃗u

∂t + ⃗u ·

−−→

grad ⃗u)

+ 2ρ⃗× ⃗u + ρ⃗Ω × ⃗Ω × ⃗r + ρd⃗

dtr = ⃗F (II.1)

où ρ est la masse volumique du fluide (supposée homogène ici), ⃗u est le vecteur vitesse écrit dans le

référentiel en rotation, ⃗r est le vecteur position et ⃗F est la somme des forces s’appliquant sur une

parcelle volumique du fluide. Le terme 2ρ⃗× ⃗u est la force de Coriolis, le terme ρd⃗Ω/dt⃗r n’existe

que si le référentiel n’est pas en rotation uniforme (par exemple, lorsque l’on étudie la précession

du noyau) et enfin le terme ρ⃗× ⃗Ω ∧ ⃗r est la force centrifuge.

Réécrivons maintenant cette équation dans un référentiel en rotation uniforme dans le cadre d’un

fluide visqueux newtonien simple dans l’approximation de Boussinesq (Turcotte & Schubert,2014) :

ρ

(∂⃗u

∂t + ⃗u ·

−−→

grad ⃗u)

+ 2ρ⃗× ⃗u = µ∆⃗u −−−→gradP − αρ⃗g(T − T

0

) + ⃗J× ⃗B (II.2)

où ρ est maintenant la masse volumique du fluide à la température T

0

, α le coefficient de

dila-tation thermique, µ la viscosité dynamique, T le champ de température, P un scalaire défini par

P = p +

12

2

r

2

où p est la pression et le second terme la contribution de la force centrifuge, ⃗J le

vecteur densité de courant au sein du noyau et ⃗B le champ magnétique. C’est donc cette équation

simplifiée qui est traditionnellement utilisée pour la dynamique du noyau liquide terrestre.

II.1. Dynamique du noyau terrestre 33/173

Lorsque l’on adimensionne cette équation (II.2) en prenant :

✓ U comme vitesse caractéristique du noyau (obtenue à partir des modèles d’inversion du champ

de vitesse du noyau),

✓ D une longueur caractéristique (rayon du noyau),

✓ ∆T une différence de température caractéristique du système (l’écart de température moyen

par rapport au profil adiabatique de température du noyau, par exemple),

✓ B

0

un champ magnétique caractéristique du noyau (la composante poloïdale à l’interface

Noyau-Manteau),

et que l’on compare les différents termes de l’équation (II.2), avec la force de Coriolis, on fait

apparaître les 4 nombres sans dimension suivant :

Nombre de Rossby, Ro = U

ΩD,

Nombre d’Ekman, E = ν

ΩD

2

,

Nombre de Busse, Bu = αg∆T

ΩU ,

Nombre d’Elsasser, Λ = σB

2 0

ρΩ .

Après application numérique, on s’aperçoit que Ro, E, Bu, Λ sont tous inférieurs à 1, voire très

inférieurs à 1 (Cardin,1992). Or le théorème de Proudman-Taylor énonce que dans un un système

stationnaire en rotation rapide ou la force de Coriolis est dominante, le système est dit géostrophique

(Pedlosky,1979) et la conséquence est qu’il n’y a pas de variation du champ de vitesse parallèlement

à l’axe de rotation. On en conclut (Busse, 1970) que le noyau liquide terrestre est probablement

dans un état géostrophique et qu’il est peuplé de structures allongées parallèle à l’axe de rotation

comme schématisé sur la FigureII.2; c’est ce type d’écoulement dominé par la rotation d’ensemble

avec des structures tourbillonnaires qui a largement influencé notre démarche dans les expériences

qui sont présentées dans la suite de ce mémoire.

@́Equation d’induction du champ magnétique

Afin d’établir l’équation d’induction régissant l’intensité du champ magnétique dans l’écoulement

fluide, on part des équations de Maxwell suivantes :

∇ × ⃗E =∂ ⃗B

∂t , loi de Faraday

∇ × ⃗B = µ

0

J , loi d’Ampère

où ⃗E est le champ électrique, ⃗B le champ magnétique et ⃗J la densité de courant électrique.

On utilise alors la loi d’Ohm pour un conducteur d’électricité en mouvement

J = σ( ⃗E + ⃗u× ⃗B)

où ⃗u est le champ de vitesse et σ la conductivité électrique du fluide en mouvement (Pérez et coll.,

1997).

Combinant ces 3 équations, on en déduit l’équation d’induction qui s’applique au noyau terrestre :

∂ ⃗B

∂t = ⃗∇ × (⃗u × ⃗B) + λ∆ ⃗B. (II.3)

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Figure II.2 : Figure originale tirée deBusse (1970) ; cellule de convection géostrophique au seuil

de convection thermique dans une sphère en rotation rapide.

Cette équation nous montre que la variation temporelle du champ magnétique au cours du temps

dans un écoulement magnétohydrodynamique résulte d’une somme entre un terme inducteur ⃗∇ ×

(⃗u× ⃗B) et un terme diffusif λ∆ ⃗B controlé par la diffusivité magnétique λ = 1/(µ

0

σ).

En adimensionnant cette équation (en prenant les mêmes échelles caractéristiques que pour

l’équa-tion du mouvement, soient U , D et B

0

), on obtient directement

∂ ⃗B

∂t

= ⃗∇ × ( ⃗u

× ⃗B

) + 1

Remλ∆ ⃗B

. (II.4)

où les grandeurs étoilées sont sans dimension et Rem = UD/λ est le nombre de Reynolds

magné-tique.

Une condition nécessaire (mais pas suffisante) pour l’obtention d’une dynamo (i.e. un terme

induc-teur grand devant le terme diffusif et un champ magnétique induit possédant la bonne géométrie

pour renforcer le champ inducteur) est Rem≥ 50 (Gubbins & Roberts,1987).

Puisque l’on peut écrire

Rem = ν

λ

U D

ν = PmRe

où d’une part ν est la viscosité cinématique du fluide et Pm le nombre de Prandtl magnétique, et

que d’autre part Pm≤ 10

−6

pour les métaux liquides classiques tel l’alliage de fer du noyau, cela

implique en supposant que Rem > 50 pour le noyau que le nombre de Reynolds hydrodynamique

Re est supérieur à 10

6

et que l’écoulement dynamo du noyau est nécessairement turbulent au sens

hydrodynamique (Cardin & Brito,2007).

II.1. Dynamique du noyau terrestre 35/173

Nous concluons de cette approche dimensionnelle que l’écoulement du noyau, turbulent, est très

fortement influencé par la rotation terrestre via la force de Coriolis et que son nombre de Reynolds

magnétique est très largement supérieur à 1.

Pourquoi et comment s’intéresser à la magnétohydrodynamique du noyau via une

ap-proche expérimentale ?

Les équations de la magnétohydrodynamique du noyau de la Terre sont connues ; nous en avons

vu quelques-unes (équations (II.2) et (II.3) ) sous des formes simplifiées. La modélisation

numé-rique directe réussit même depuis deux décennies à reproduire les caractéristiques majeures de

la dynamo terrestre (Christensen & Aubert, 2006), comme par exemple les inversions du champ

magnétique terrestre (Glatzmaier & Roberts,1995;Kuang & Bloxham,1997). Cependant de

nom-breuses questions subsistent quant à la compréhension des résultats de ces simulations car les

paramètres physiques des fluides utilisés dans les calculs, par exemple, sont très éloignés des

pa-ramètres de l’alliage de fer du noyau. On a par exemple des difficultés numériquement à calculer

avec des viscosités cinématiques et des diffusivité thermiques (ou magnétiques) dont les valeurs

sont très différentes ; ainsi, alors que les nombre de Prandtl P= ν/κ = 10

−1

ou Prandtl magnétique

Pm = ν/λ ≈ 10

−5

dans le noyau, les simulations directes sont plutôt réalisés à P=Pm ≈ 1. La

conséquence est que les champ de vitesse, champ de température, champ magnétique dans les

cal-culs numériques ne vont pas évolués avec la bonne dynamique vis-à-vis de la dynamique du noyau

terrestre.

A l’inverse, les expériences de magnétohydrodynamique en laboratoire (Cardin & Brito,2007;

Ol-son,2011), bien que difficiles la plupart du temps à mettre en oeuvre à cause de la manipulation de

métaux liquides, présentent l’avantage d’être réalisées avec des fluides dont les propriétés

physico-chimiques sont relativement proches de celles de l’alliage de fer du noyau. C’est là que les approches

numérique et expérimentale sont parfaitement complémentaires : le numérique présente l’avantage

d’avoir une grande variabilité et flexibilité au niveau de la géométrie, des conditions au limites,

du rapport entres forces par exemple, tout en étant dans une gamme de propriétés physiques du

fluide éloignée du fluide du noyau ; les expériences, elles, sont réalisées dans la bonne gamme de

paramètre physique du fluide mais souvent éloignées de la gamme réaliste des équilibres entre force.

L’enjeu consiste donc à réduire le « gap » entre les expériences numériques et les expériences de

laboratoire et à tirer des enseignements de chaque approche. Un exemple qui illustre bien la

diffi-culté à aller chercher et le bon rapport de force et le régime dynamo en laboratoire est la necessité

d’avoir un nombre de Reynolds magnétique élevé Rem = UD/λ : il faut 1) un fluide excellent

conducteur d’électricité (faible diffusivité λ), puis 2) un rapport U D très grand, c’est à dire soit

impliquant des moteurs avec une puissance de plusieurs dizaines voire centaines de kW, soit une

taille caractéristique pour l’expérience de plusieurs mètres (Cardin & Brito,2007).

Lorsque j’ai commencé ma thèse en 1994, c’était cette volonté d’aller vers la modélisation

ex-périmentale de la dynamique du noyau terrestre en utilisant des métaux liquides qui animait le

groupe « noyau » dans l’équipe de « Géophysique » de l’ENS. L’idée était de commencer par des

expériences simples, et aller vers des expériences de plus en plus proches de la situation du noyau

terrestre, à moyen terme. Dans la suite de cette première partie de la synthèse des travaux

consa-crée à la dynamique du noyau terrestre, c’est justement cet itinéraire expérimental entre 1994 et

2010 environ qui est exposé avec des expériences de MHD gagnant en complexité au fur et à mesure

du temps.

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II.1.2 Travail de thèse