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Chapitre 4 : Analyse des trajectoires des participants avant l’obtention d’un emploi

4.3 Le projet d’intégration

4.3.2 Le projet à moyen et long terme

Les répondants ont évoqué de nouveaux projets maintenant qu’ils ont suivi une formation québécoise. Il s’agit de perspectives de carrière, de projets d’étude ou de perfectionnement et de mobilité.

Les perspectives de carrière

Tous les répondants cherchent un emploi à l’issue de cette formation et ils se sentent prêts à l’occuper. Ils visent un premier emploi qui leur permette d’acquérir une expérience pertinente dans le domaine des TI. Dans cette optique, leur prétention pour le premier emploi n’est pas élevée. Ce sont les propos de Dimitar, de Rami, de Karl, de Victor, d’Amadou et de Papa Mactar. Victor a dit :

Ici au Québec, c'est l'expérience qui compte. Il faut d'abord trouver l'expérience et quand tu as l'expérience, tu peux aller chercher l'entreprise que tu veux. Donc je cherche juste une porte d'entrée pour m'asseoir, faire mon expérience. Même si l'environnement n'est pas bon, c'est avoir mon expérience et puis on verra la suite. C'est ça le plus important (Victor, Afrique de l’Ouest).

Mais bien que l’objectif premier soit de trouver un travail, quel qu’il soit, les répondants ont d’autres projets. En effet, avec cette solide expérience qu’ils veulent acquérir, le projet à long terme est multiple dans les formes qu’il pourrait prendre. Certains immigrants comme Dimitar veulent intégrer une grande compagnie. Dimitar déclare :

Je voulais travailler dans une compagnie high-tech. La réalité me frappe présentement : je vois que je ne peux pas commencer tout de suite dans une telle compagnie. Parce que je n'ai pas l'expérience nécessaire (…). J'ai décidé qu'il fallait que j'aie un travail après cette formation, que j’acquiers de l'expérience pour pouvoir me développer plus tard (…). Je veux travailler dans une grande entreprise qui travaille dans la recherche et le développement. C'est mon plus grand objectif (Dimitar, Europe de l’Est).

Certains autres répondants veulent gravir les échelons pour atteindre des postes de direction ou d’enseignement. C’est le cas d’Aurélie, de José et de Jackie. Aurélie dit :

J'aimerais un poste puis grimper les échelons. Un poste de Chef de projet correspondrait bien à mon profil et mes attentes d’ici quelques années (Aurélie, Europe occidentale).

Quelques-uns visent à long terme le travail autonome et la création d’entreprises. C’est le cas de Rami, de Bilal et de Papa Mactar. Rami dit à ce sujet :

Je vais commencer, je ne suis pas un expert, mais je suis une personne qui veut apprendre et qui veut aller très loin (…). Et quand je vais avoir assez d'expérience, décrocher moi-même les contrats et pouvoir être un jour indépendant (Rami, Afrique du

113 Bilal surenchérit :

À long terme, je veux avoir quelque chose à moi-même, mais pour l'instant je veux travailler, avoir de l'expérience, toucher à quelques technologies. Puis quand j'aurai les moyens matériels, ouvrir mon entreprise à moi (Bilal, Afrique du Nord).

Papa Mactar dit également :

Je veux ouvrir ma propre société. Si c'est possible au Canada, je le ferai. Mais je préférerais dans mon pays parce que je sens que ce sera mieux. Ça ne m'empêchera pas de voyager entre les deux pays. Je sens, d’après l’expérience que j'ai, que ça va être plus facile dans mon pays, avec moins de contraintes, moins de comptes à rendre au gouvernement. On peut travailler même pour des pays qui ne sont pas chez nous, c'est ce que je faisais; j'ai un petit peu d'expérience dans ça. Il me manque juste de la crédibilité et ça c'est que je constitue dans mon CV en étant ici (Papa Mactar, Afrique de l’Ouest).

Enfin, d’autres répondants ont comme projet d’entrer dans la fonction publique. C’est le cas de Jackie, de Francesca, de Mamad, de Samira et de Blaise. Cette expérience qu’ils doivent acquérir ailleurs est essentielle pour mettre en place ce projet de travailler au gouvernement22. Mamad soutient :

Moi j'aimerais bien un poste dans le gouvernement, parce que j'ai eu la chance de travailler au gouvernement de mon pays. Mais avec l'AEC, je ne peux pas viser le gouvernement parce que le gouvernement, ils ont encore mis des verrous là-bas, ils demandent au minimum un DEC. Mais ils disent qu'après quatre ans d'expérience avec l'AEC, on peut postuler pour le gouvernement. Donc, après mes quatre années dans le privé, je postulerai pour le gouvernement (Mamad, Afrique orientale).

En résumé, bien que le souhait premier soit de trouver n’importe quel travail pour acquérir une expérience pertinente en TI, les répondants ont comme projet de travailler au gouvernement ou dans des entreprises de haute technologie. Ils visent des postes de direction ou d’enseignement. Quelques-uns projettent de créer leur entreprise ou d’être travailleur autonome.

Projets d’étude ou de perfectionnement

Les répondants ont aussi évoqué des projets d’étude ou de perfectionnement. Des immigrants comme Mamad, Samira, Francesca et Blaise ont évoqué la possibilité de faire les équivalences pour obtenir un DEC23. Cette décision est solide, d’autant plus qu’ils ont pour projet ultime de travailler dans la fonction

publique québécoise. Blaise dit :

22 Cette exigence vient de changer. À présent, d’après une directive adoptée en 2014 par le secrétariat du Conseil du

Trésor, les diplômes collégiaux DEC et AEC se valent pour postuler dans la fonction publique.

23 Les répondants sortent de la formation continue en milieu collégial avec une Attestation d’Études collégiales (AEC)

alors que les étudiants à majorité québécoise de la formation régulière sortent avec un Diplôme d’Études collégiales (DEC). Les immigrants doivent par la suite faire des cours de Français, d’Éducation physique, de Philosophie et d’Histoire

Quand j'ai décidé de faire cette formation en informatique, je visais le gouvernement. Je vais d’abord chercher un travail. Puis m'informer après sur ce qu’il faut pour avoir mon DEC. Maintenant, si je trouve que ça vaut la peine de faire ces cours-là pour avoir le DEC, je serais obligé de faire ces cours-là en parallèle, mais il faudrait que je travaille à côté [en même temps que je ferai mes études] (Blaise, Afrique centrale).

Quelques répondants ont évoqué l’apprentissage de l’anglais. Ils voient la nécessité de parler anglais dans leur nouvelle profession. C’est le cas de Mamad, de Blaise, de Jackie et de Francesca. Blaise dit :

L'unique chose que j'ai en tête c'est l'anglais. Ça, c'est obligatoire pour moi. Je ferais l'anglais après, parce que je ne m'en sortirais pas sans l'anglais. Les employeurs ici quand ils mettent l'offre d'emploi en informatique, à 90% du temps, l'anglais est obligatoire. Il faut connaitre l'anglais. Même quand on est à l'école et qu’on fait de la programmation, le code est en anglais (Blaise, Afrique centrale).

D’autres encore ont des projets d’étude universitaire ou prévoient de faire des certifications. C’est le cas de Rami, de Francesca, de Manuel, de Nadiia, de Samira, de José, de Sofian, de Victor et de Mamad. L’objectif à long terme est d’évoluer dans la profession et de ne pas se limiter à des postes de technicien. Victor soutient :

J’ai des projets d’étude et ça va dépendre de l'emploi que je vais avoir et s’il est avantageux. Parce qu'avec l'AEC, je ne pense pas que tu peux avoir grand-chose avec ça. Au fil du temps si tu veux plus, il va falloir compléter avec des certificats, des certifications et tout (Victor, Afrique de l’Ouest).

C’est aussi dans ce sens que Francesca confie :

Pour l'instant, j’ai besoin de travailler, j'ai besoin moi aussi d’amener de l'argent dans la maison. Mais je pense plus tard à faire une formation niveau universitaire en informatique. Deux ans à l'université. Pour être programmeur, mais à un niveau plus avancé que technicien (Francesca, Amérique du Sud).

En résumé, la majorité des répondants prévoient refaire des études ou suivre un programme de perfectionnement. D’aucuns en complétant les équivalences pour changer l’AEC en DEC. D’autres en poursuivant des études en informatique au niveau universitaire. D’autres encore en apprenant l’anglais. Dans tous les cas, les répondants qui ont suivi une formation au niveau collégial ont des perspectives d’évolution de carrière et ils envisagent ce premier emploi technique comme la porte d’entrée dans le secteur, mais pas comme un sommet de carrière. Ils projettent à long terme d’occuper des postes de direction et d’enseignement, autres que celui de technicien auquel ils sont destinés avec le diplôme collégial.

pour obtenir à la place de l’AEC un DEC. Cette situation est souvent décriée. Certains répondants jugent qu’on oublie qu’ils sont francophones et que ce sont des matières qu’ils ont étudiées dans leurs pays d’origine, hormis l’histoire

115 Projets de mobilité

La plupart des répondants évoquent qu’ils resteraient à Québec. C’est le cas de Dimitar, d’Aurélie, de Francesca, de Victor, de Manuel, de Bilal, de Karl, de Sham et de Mamad. Ce dernier dit :

S'il y avait une raison pour quitter Québec, ce serait pour aller apprendre l'anglais dans une province anglophone, et puis revenir. Parce qu'ici, je pense que socialement, on est bien, on paye le logement moins cher, l'électricité, l'eau. Je ne pense pas que ces avantages sociaux, on les a dans les autres provinces, anglophones en l'occurrence (Mamad, Afrique orientale).

Certains autres déclarent qu’ils iraient là où le travail se présentera. C’est le cas de Rémi, de José, de Mehdi et d’Olivia. Cette dernière soutient :

Pour moi, je planifie de rester à Québec au moins trois mois. Après je ne sais pas ce qui va se passer, parce que moi je suis bilingue, alors si j'aime quelque chose ici, je peux rester ici, mais pour le travail je suis ouverte à autre chose si cela se présentait (Olivia, Europe de l’Est).

Certains autres répondants envisagent la possibilité de partir dans les provinces anglophones canadiennes. Ils s’imaginent que les opportunités y sont meilleures. C’est le cas de Blaise et de Sofian. Sofian a confié :

Moi je cherche la stabilité. Je ne suis pas définitif pour le Québec. S'il y a quelque chose d'intéressant ici je reste. Sinon, si je trouve quelque chose de plus intéressant ailleurs ou bien si je trouve des difficultés pour avoir de la stabilité ici, je quitterais pour peut-être l’Ontario (Sofian, Afrique du Nord).

Enfin, quelques-uns n’excluent pas le fait de retourner dans le pays d’origine ou dans l’un de ceux où ils ont séjourné, si les opportunités y étaient meilleures. C’est le cas de Victor, de Firmin, de Mamad, de Mehdi, de Sofian et de Dimitar. Victor dit à ce propos :

Je me suis déjà dit, je viens et si ça ne va pas bien je retourne en France [pays où il aussi acquis la nationalité] parce qu'on ne m'a pas chassé de là-bas, donc j'ai encore cette possibilité-là. Je suis Français [j’ai obtenu la citoyenneté]. Donc ça veut dire qu'à tout moment, je peux encore me retrouver ailleurs. Je peux prendre le prochain avion et atterrir là-bas (Victor, Afrique de l’Ouest).

En résumé, les répondants projettent pour la plupart de rester à Québec. Mais certains envisagent de partir si les opportunités sont meilleures ailleurs, voire même de retourner dans le pays d’origine ou dans un autre si les portes leur sont ouvertes.

4.3.3

Représentations du milieu de l’emploi à la suite de la formation : obstacles à