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Naissance et objectifs

C’est à l’initiative de Richard HEMI, professeur de cadastre et de topographie à l’Université d’Otago en Nouvelle-Zélande, que fut créé le projet LiDARRAS33 en 2015. En effet, après avoir rencontré un descendant de soldat Maori ayant combattu sur les terres arrageoises, ce passionné d’histoire a rapidement émis le souhait d’effectuer des relevés des carrières d’Arras. Le but était de pouvoir modéliser en trois dimensions les lieux aménagés par les soldats Néo-Zélandais en 1917, pour les rendre « accessibles » virtuellement. La modélisation virtuelle est, en effet, un excellent moyen de conserver une trace très réaliste et moderne de notre passé. Exactement à l’image de ce que fait l’organisme CyArk à travers le monde en acquérant des nuages de points des plus grands lieux remarquables, le projet LiDARRAS vise à modéliser les carrières de Wellington, Nelson, Blenheim et Auckland afin d’en sauvegarder la mémoire. Le projet tire son nom de l’assemblage des mots « LIDAR » et « Arras », le LIDAR étant la technologie d’acquisition de mesures par télémétrie laser. En effet, l’utilisation d’un scanner laser 3D permet de représenter finement l’environnement en couleur, l’objectif final étant de créer une visite virtuelle qui puisse être diffusée sur un site internet ou sur une autre plateforme d’accueil. Le slogan « Digging into our history, surveying our heritage » (fouiller dans notre histoire, mesurer notre patrimoine) atteste de cette volonté de mettre les nouvelles technologies de modélisation tridimensionnelle au service du patrimoine.

Dans le cadre du projet LiDARRAS, si l’immersion virtuelle est tout d’abord destinée aux descendants des « kiwis », la finalité est de s’adresser à un très large public. En effet, elle peut s’avérer très intéressante pour le tourisme, l’enseignement et peut même servir aux géologues, aux historiens ou encore aux anthropologues. Cette visite peut donc permettre à divers corps de métiers de se rendre compte de l’ampleur du réseau souterrain et de pouvoir l’étudier à distance. Cent ans après que les soldats des dominions britanniques aient quitté les lieux, le site est toujours préservé mais la craie est amenée à subir les effets du temps. Etant donné que seule une petite partie de cet immense réseau souterrain est ouverte à la visite du public et donc sécurisée, le défi repose alors sur la volonté de figer l’ensemble des carrières dans le temps afin de partager et de promouvoir ces richesses patrimoniales dans le

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futur. Le développement de ce type de ressources s’inscrit alors également dans la prévention d’éventuelles dégradations du temps.

Le projet LiDARRAS a donc été l’occasion de créer un partenariat entre l’Université d’Otago et l’ESGT, par son laboratoire de recherches GeF34 pour une première collaboration. De ce partenariat est née une équipe constituée de cinq professeurs et de deux étudiants, Christopher PAGE et moi-même. La participation d’étudiants, spécialistes de la mesure, à la sauvegarde du patrimoine culturel et historique de la ville d’Arras, fut également un bon moyen de mettre en valeur les compétences des géomètres dans ce domaine. De plus, ce travail d’envergure mené à 20 mètres de profondeur a permis de renforcer les liens entre la Nouvelle-Zélande et la France puisque c’était avant tout une belle opportunité de collaboration entre deux écoles de géomètres, l’une néo-zélandaise et l’autre française.

L'acquisition des données (Level 0)

C’est à partir de novembre 2015 que débutèrent les premiers travaux de terrain, avec notamment une phase d’étude de faisabilité. L’objectif était alors d’élaborer un protocole de mesures efficace pour « scanner » toutes les carrières. Pour parvenir à des conditions similaires, les tests d’acquisition des données eurent lieu au sein même des cavités souterraines. C’est ainsi que Christopher PAGE a pu, avec l’aide de trois étudiants de l’ESGT, avoir un premier aperçu des lieux et déterminer la méthode la plus adaptée aux relevés des galeries souterraines. En effet, il fallait choisir en premier lieu quelle stratégie adopter et avec quel matériel la mettre en œuvre. L’équipe en a profité pour relever un maximum de données au sein de la carrière Wellington, d’habitude ouverte au public mais fermée pour restauration. Peu après, Christopher s’est intéressé à la propagation d’erreurs lors de l’assemblage de scans d’un espace restreint. Une analyse grandeur nature a été réalisée dans le couloir d’un bâtiment pour étudier les facilités d’assemblage des scans. Des cibles sont habituellement positionnées comme points de liaison entre deux scans différents pour faciliter l’assemblage même si un recouvrement de 30% peut suffire. Il a alors été montré que la géométrie du positionnement des cibles influe beaucoup plus que le nombre de cibles visibles entre deux stations. Une géométrie adéquate prend en compte des positions

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de cibles bien réparties sur l’ensemble de la zone levée. Enfin, la phase de mesures a eu lieu pendant quatre semaines en juillet 201635.

Tout d’abord, la configuration des lieux a permis d’entrevoir la possibilité d’effectuer un cheminement polygonal encadré au sein des carrières en entrant d’un côté par un escalier de secours et en sortant de l’autre par un puits. En réalisant des mesures GNSS aux deux extrémités du cheminement, il a alors été possible, à l’aide de mesures topographiques, de positionner des points connus en coordonnées RGF93- projection CC50 (système légal) au sein des souterrains avec une précision centimétrique. Posséder un tel canevas était fortement recommandé pour la phase d’acquisition des scans puisque cela a permis de disposer des cibles sur ces points de référence, connus en coordonnées XYZ. Ces cibles-là ont alors eu pour double fonctionnalité d’aider à l’assemblage des scans en relatif (entre eux), et, de leur fixer une position absolue grâce au géoréférencement. Au-delà de l’assemblage des données, de telles cibles permettent de contrôler et compenser tout le réseau.

Concernant le matériel, suite à des tests de qualité de rendus et de maniabilité, le choix s’est orienté sur une acquisition des nuages de points avec le laser scanner TX8, couplé à l’utilisation d’un appareil photographique disjoint pour la couleur. En effet, capable de modéliser son environnement avec un pas de balayage de 11.3 mm à 30 mètres en seulement trois minutes (pour 128 millions de points acquis), le TX8 fut le meilleur compromis entre un rendu rapide et un rendu de qualité. Cependant, cet appareil ne permettant pas d’acquérir les photographies nécessaires à l’application de la couleur sur les points, il a été choisi d’utiliser en parallèle un appareil photographique NikonD7100 avec objectif fish-eye (acquisition sur 180 degrés). Par ailleurs, le TX5 a été utilisé pour acquérir des nuages de points dans les espaces restreints (tunnels de liaison principalement) nécessitant de placer l’appareil à moins de 60 cm des parois.

Le mode opératoire choisi a été de multiplier les stations de scan pour obtenir une forte superposition entre deux scans pour faciliter leur assemblage. En effet, positionner au minimum trois cibles pour chaque station aurait été beaucoup plus chronophage sans pour autant s’avérer un gain en précision. De plus, effectuer des stations de l’appareil tous les deux à trois mètres en moyenne a permis de modéliser chaque recoin de la roche et donc éviter d’obtenir des endroits sans données (trous). Chaque station comportait les mêmes

35 Cf. article FIG : Terrestrial Laser Scanning for the Documentation of Heritage Tunnels : An Error Analysis, par Chris PAGE et. al

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étapes : scanner l’endroit puis disposer des spots lumineux afin de prendre les photographies. La prise de photographies se faisait selon quatre angles pour chaque station en pivotant l‘appareil de 90 degrés dans le but de créer des panoramiques. Afin d’augmenter la plage dynamique des photographies et donc accentuer le contraste, trois photographies avec des expositions différentes ont été prises à chaque angle dans le but de créer des images HDR36.

Durant ces quatre semaines passées sous terre, plus de 700 scans ont été acquis, portant le nombre total de stations à 967 et le nombre de photographies a environ 12 000. En cumulant toutes les données des deux phases de mesures, cela représente au total 3 To de données et une centaine de milliards de points, acquis dans les carrières et dans les rues situées au- dessus.

Figure 15 : Deux étudiants mesurant un tunnel à l’aide d’un scanner laser37

La première phase de traitement (Levels 1 et 2)

Le but de la première phase de traitement consistait à obtenir un nuage de points unique, géoréférencé et sans artefacts. Pour ce faire, tout d’abord, le traitement des données GNSS et de tachéométrie fut effectué via le logiciel Covadis afin de calculer les coordonnées de tous les points du canevas. A partir de là, Christopher PAGE a pu procéder au traitement des nuages de points entre juillet 2016 et février 2017 à l’aide du logiciel Trimble RealWorks v10.1.

36 « High Dynamic Range » image à grande gamme dynamique 37 Credit : Ian ALDERMAN

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Les points ont tout d’abord été colorisés avec les panoramiques HDR créés via le logiciel Kolor Autopano Giga. L’assemblage de chaque nuage fut réalisé grâce à la technique surface à surface nécessitant 30% de recouvrement entre chaque scan. En premier lieu, cet assemblage fut réalisé pour chaque carrière séparément. Puis, les carrières ont été rattachées ensemble. Par ailleurs, la position de l’ensemble des carrières a ensuite été compensée grâce aux 22 cibles positionnées sur les points du canevas. La précision de l’assemblage des 967 scans obtenue fut acceptable. En effet, l’écart moyen quadratique calculé fut de 0.017 mètre avec une incertitude a priori de 95%38.

A l’issue de ce traitement plutôt chronophage du fait du poids des données, l’entièreté du nuage de points a été nettoyée. En effet, environ 150 millions de points faux provenant principalement des scans effectués à l’extérieur ont été supprimés. Enfin, afin d’en faciliter la manipulation, le nuage de points final a été échantillonné à deux millimètres. Ce sous- échantillonnage a été choisi dans un premier temps pour alléger le poids des données tout en conservant la géométrie des lieux. Ce nouveau jeu de données de 24 milliards de points a été segmenté en 21 fichiers LAS pour un poids total d’environ 675 Go. Chaque fichier LAS fait en moyenne 30 Go et contient près d’un milliard de points. C’est à partir de ces nuages de points que débute le travail décrit dans ce mémoire avec comme outil principal un ordinateur très puissant possédant deux processeurs de 2.4 GHz, une carte graphique de 8 Go de mémoire GPU39 et une mémoire RAM40 de 128 Go.

38 D’après un document interne au projet : LiDARRAS Terrestrial Laser Scanning, Christopher PAGE, 2017 39 Graphics Processing Unit, processeur graphique

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Annexe 3