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3. OBJECTIFS ET CHOIX METHODOLOGIQUES

3.1 PROJET INITIAL ET METHODES MISES EN PLACE

Initialement, la thèse avait pour objectif d’apporter les connaissances nécessaires à la

caractérisation de la dynamique de la population de triton marbré présente sur le site de Notre

Dame des Landes, afin de pouvoir évaluer, après leur mise en œuvre et sur un temps long, les

mesures de compensation et d’accompagnement mises en place. Il s’agissait donc d’une part de nourrir les connaissances fondamentales sur l’espèce, mais aussi de mettre en place les

méthodologies les plus aptes à caractériser de manière quantitative le fonctionnement de ces populations. Trois axes de travail avaient été définis :

(1) la caractérisation de la dynamique de population de triton marbré sur l’ensemble des sites prévus pour la destruction d’habitat et la compensation. Il s’agissait d’obtenir les éléments permettant de caractériser la dynamique de population avant impact afin de

constituer un état initial quantifié pouvant permettre d’évaluer ensuite l’impact de la

construction et des mesures de compensation. Les effectifs, les déplacements, le pourcentage

d’individus qui se reproduisent chaque année sont des exemples de données pour lesquelles nous n’avions pas de références et sans lesquelles l’évaluation des mesures est rendue difficile. Pour répondre à cet objectif, jusqu’à 60 mares ont été étudiées via Capture Marquage Recapture (CMR) en 2013, 2014 et 2015 avec une pression de capture élevée (jusqu’à 18 passages par an sur certaines mares). Il s’agissait avec cette méthode qui prend en compte le faible taux de détection de l’espèce, de suivre des mares aux effectifs variés. En effet, la

densité d’individus est susceptible, en modifiant le niveau de compétition, de créer des conditions particulières à très petite échelle et variables selon les sites qu’il est important de

quantifier. Les mares prévues pour accueillir les individus issus de transferts avaient également été étudiées en amont de ces transferts afin de constituer un « état initial » de la dynamique sur ces sites. Cet état initial devait servir de point de comparaison à la situation après transfert. Les mares prévues pour accueillir les transferts ont donc été étudiées, de

même que l’ensemble des mares présentes dans un rayon de 250 mètres autour de celle-ci,

afin de pouvoir également suivre les possibles déplacements d’individus entre des sites proches. Des prélèvements génétiques ont aussi été effectués en 2013 et 2014 permettant la

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caractérisation de la diversité génétique (proxy de l’état de santé d’une population) aux échelles locale, régionale et inter régionale. Des prélèvements d’eau pour détecter la présence de l’espèce via l’utilisation de la méthode de l’ADN environnemental (ADNe) qui avaient été

réalisés chaque année depuis 2013 sur 100 mares avaient pour but de pouvoir caractériser la

dynamique plus globale d’occupation des sites et constituer un état initial à comparer avec les

expertises prévues durant la totalité de la concession aéroportuaire.

(2) l’étude comportementale d’individus transférés provenant de mares détruites et d’individus résidents des mares d’accueil. Il s’agissait de marquer puis d’inclure dans les

dispositifs de suivi de CMR déjà mis en place des individus issus de mares détruites, pour lesquels nous disposions d’un état initial d’au moins une année. Le dispositif permettait de

suivre des individus transférés dans des mares accueillant ou non une population résidente (le cas échéant les individus résidents étaient donc suivis depuis au moins un an), dans des mares

anciennes ou récemment creusées. Les transferts d’amphibiens sont une méthode de plus en plus appliquée dans le cas de destruction d’habitats (Germano & Bishop, 2009). Même si elle

ne constitue pas une méthode de compensation à proprement parler, elle a pour but, non

seulement d’éviter la destruction directe des individus se trouvant sur l’emprise d’un projet,

mais aussi de permettre aux individus transférés de pouvoir se reproduire sur un site non impacté, et participer à la dynamique globale de métapopulation existante. Cependant, les

effets des transferts d’individus sur la dynamique globale de population sont relativement peu

documentés, et les suivis à long terme de cette approche rares. Germano & Bishop en 2009 ont étudié la littérature publiée entre 1991 et 2006 sur 38 projets de transferts d’amphibiens. En ressortent des facteurs de succès tels que le nombre d’individus transférés, les projets avec

un déplacement de plus 1000 individus sur un site étant plus souvent des succès, les transferts de moins de 100 individus étaient en revanche systématiquement des échecs (Germano & Bishop 2009). Les facteurs d’échec les plus récurrents quand ils étaient identifiés étaient

l’insuffisance de la taille et de la qualité de l’habitat d’accueil, la faible disponibilité en

refuges de l’habitat terrestre, la présence de poissons (McNeill, 2010), ainsi que le comportement de « homing » qui consiste pour un individu à tenter de retourner sur son site

d’origine. Le nombre d’échecs reste cependant vraisemblablement minimisé par le biais de

publication favorisant les retours d’expérience réussis. L’une des solutions évoquée pour

pallier à ces échecs serait le transfert non pas des adultes mais principalement des œufs. Cette

méthode semble difficilement transposable aux urodèles dont les œufs sont pondus non pas en

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collectables à grande échelle. Les auteurs soulignent la nécessité absolue de suivre sur le long terme les effets des transferts, sans quoi il est impossible de pouvoir déterminer son efficacité.

Aux vues de l’intérêt potentiel de cette pratique, il est donc nécessaire d’augmenter le nombre de retours d’expérience, prenant en compte la situation avant transfert, le suivi non seulement des individus transférés, de leur comportement, mais également celui des individus résidents

de la mare d’accueil le cas échéant, mais également la participation des individus transférés à la dynamique de population. Un lot d’individus transféré devait aussi être équipé de radios émetteurs permettant l’étude par télémétrie, dans le but d’étudier leur comportement, leurs

migrations, d’éventuelles sorties précoces de la mare ou des tentatives de retour sur leur site

d’origine. Cette technique est relativement couteuse financièrement par l’achat des émetteurs

nécessaires mais aussi parce que chaque individu est alors relocalisé individuellement tous les jours au minimum. Des compétences chirurgicales sont également nécessaires afin de pouvoir poser les émetteurs dans la cavité abdominale des individus. Le protocole de pose d’émetteurs

intra-abdominal chez les tritons étant peu documenté, le protocole chirurgical a été mis en

place, testé en 2013 et validé en 2014. Il a fait l’objet d’une publication en collaboration avec

l’université de Toulouse (Le Chevalier et al., 2017).

(3) la caractérisation des habitats utilisés par l’espèce tout au long de son cycle annuel.

La probabilité de présence connue sur 100 mares situées dans les enveloppes prévues pour

accueillir les mesures de compensation grâce à l’ADNe aurait dû permettre, couplée à une

caractérisation fine des habitats autour de ces mares, de pouvoir préciser les facteurs terrestres

et aquatiques favorables à la présence de l’espèce. L’objectif était d’apporter des éléments permettant d’améliorer les pratiques de restauration et de création de sites ciblées sur le triton marbré et particulièrement adaptées aux exigences locales de l’espèce. Du fait du faible

niveau de connaissances concernant la partie terrestre du cycle du triton marbré (Marty et al.,

2005), les critères de sélection d’habitat sont inconnus précisément, même s’il a été montré que la présence de boisements et de prairies favorise la présence de l’espèce (Boissinot &

Grillet, 2010). Ces boisements doivent-ils être continus et à proximité directe de la mare, ou

une haie située à 100 mètres de la mare est elle aussi favorable à l’espèce ? La caractérisation des possibilités de déplacement du triton marbré grâce à la télémétrie évoquée au point précédent aurait aussi pu constituer un bon indicateur du dimensionnement nécessaire lors des

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L’investissement pour répondre à ces trois questions a été important financièrement

mais également dans le temps passé à tester et valider les protocoles. Depuis le début de

l’étude en 2013, puis pendant la première année de thèse comprenant la saison de reproduction 2014 et ensuite en 2015, 250 mares ont été échantillonnées grâce à l’ADN

environnemental, environ 3300 transpondeurs ont été posés pour le suivi de CMR pour un nombre total de capture de 7575 individus), 20 individus ont été équipés de radio émetteurs afin de valider les protocoles nécessaires à la chirurgie. Le budget engagé pour l’ensemble du matériel lié au terrain (hors salaires et déplacements) est d’environ 50 000€ sur cette période

(dont 29 000 euros dédiés aux prélèvements d’eau pour l’ADN environnemental). 14 stagiaires ont également participé à l’étude sur cette période et nous ont aidés à récolter les données nécessaires, pour un total de plus de 200 jours de terrain.