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En France, même si la loi impose aux aménageurs l’évaluation des impacts prévisibles, la mise en place de mesures d’évitement, de réduction et de compensation en dernier recours, la méthodologie permettant la mise en œuvre efficace de ces étapes est encore peu décrite. Le faible nombre de retours d’expérience est également préjudiciable à la synthèse des informations nécessaires à la généralisation des bonnes pratiques. Les mesures

de compensation en France sont de la responsabilité du maître d’ouvrage, tant financièrement que dans leur mise en œuvre. Elles correspondent pour la plupart à la compensation d’un

éventuel impact résiduel via des actions écologiques (création, restauration de milieux)

opérées par les maîtres d’ouvrage ou leurs sous-traitants, ou par des agriculteurs volontaires

qui s’engagent contre rémunération à entretenir ou recréer des milieux d’intérêt écologique

tels que des mares, des haies, ou des prairies permanentes. Les propositions de

dimensionnement des mesures de compensation sont à la discrétion des maîtres d’ouvrages, et

peuvent être basées sur des ratios surfaciques, ou correspondre à des équivalences fonctionnelles entre site impacté et mesure de compensation. Les objectifs d’absence de perte

nette ou de gain de biodiversité après mise en place des mesures de compensation sont peu évalués, et ce principalement parce que les connaissances fondamentales et les méthodologies

pour ces évaluations sont mal définies pour beaucoup d’espèces concernées. Même dans le cas de figure où les maîtres d’ouvrage font preuve d’une réelle volonté dans la mise en place et l’évaluation de leurs mesures compensatoire, l’obstacle principal reste le manque de

connaissances fondamentales et la méthodologie qui entrainent des situations où l’on ne sait

ni où regarder ni quoi regarder. La commission d’enquête sénatoriale à propos de la mise en œuvre des mesures de compensation sur des grands projets d’infrastructure dont le rapport

N°517 a été rendu en 2017 avait pour objectif de « déterminer les difficultés de mise en œuvre

des mesures de compensation, et (de) formuler des propositions facilitant la conduite de la séquence éviter, réduire, compenser (ERC) ». La commission émet dans ce rapport plusieurs

propositions dans cet objectif d’améliorer la mise en place et le suivi des mesures de

compensation, parmi lesquelles :

- « Une meilleure connaissance de la biodiversité et une précision des phénomènes de

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- « Une plus grande anticipation et une meilleure application de la séquence ERC » - « Des méthodologies à améliorer pour une mise en œuvre souple et efficace de la

compensation » notamment en développant « les éléments de méthodologie permettant

de disposer d’une approche plus fine du fonctionnement des écosystèmes (…) » - « Améliorer la qualité des inventaires initiaux par une harmonisation des méthodes

applicables »

- « Une amélioration du suivi dans le temps des mesures de compensation » et « harmoniser les méthodes de suivi »

Par différents aspects, notre travail s’inscrit dans cette démarche d’amélioration des

suivis grâce à une meilleure connaissance de la biologie de l’espèce mais aussi par une

évaluation des méthodes qui sont capables de fournir les résultats les plus pertinents pour cet objectif. Nous avons montré comment l’utilisation de la modélisation permettait de caractériser plus finement la phénologie de l’espèce. La modélisation du temps passé sur la

mare de reproduction pour le triton marbré, bien que fondamentale dans son approche, a

permis dans une certaine mesure de préciser les conditions favorables au transfert d’individus,

et de déterminer plus précisément la saisonnalité à privilégier pour des interventions sur les

sites de reproduction de l’espèce. L’utilisation de méthodes de modélisation, trop souvent

uniquement utilisées dans le cadre de recherches universitaires, a donc non seulement des implications fondamentales (par exemple le suivi des effets du changement climatique ou

l’étude des processus évolutifs liés à la compétition) mais a également des implications

directes dans la conservation et la gestion des espèces.

Nos résultats montrent que la plupart des techniques de comptage utilisées seules et mises en place dans le cadre d’études ayant pour objectif d’évaluer l’état d’une population ne

permettaient ni de déterminer les effectifs d’individus, ni d’en obtenir un ordre de grandeur. Ces études ne permettent pas non plus de comparer l’évolution de populations au cours du temps en raison de la variabilité des taux de détection pour les techniques utilisés.

L’utilisationde méthodes d’analyse statistiques telle que la CMR est donc indispensable pour cet objectif. Les suivis d’occurrence, on l’a vu, peuvent être effectués grâce à des techniques de détection simples sous réserve d’un nombre de passage suffisant, ou par la technique de

l’ADNe qui se révèle très efficace et ne nécessite qu’un seul passage sur le terrain (pour un taux de détection élevé mais néanmoins imparfait). Enfin, dans un souci d’harmonisation des

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l’ADNe pour déterminer des effectifs de population, ou des classes d’effectifs dans un premier temps est particulièrement intéressante et pourrait déboucher sur une réelle solution pour les aménageurs et gestionnaires dans les suivis à grande échelle des dynamiques de population. La mise en place et le suivi des mesures de compensation bénéficieraient probablement de ce type de techniques fiable, nécessitant peu d’intervention de terrain, et

permettant des comparaisons temporelles efficaces. Cependant le travail nécessaire à la

validation de cette méthode est encore très important à l’heure actuelle.

L’amélioration de la qualité des suivis est indispensable à la conservation des espèces et

la mise en place de techniques adaptées en est la première étape. Ces conclusions sont particulièrement valables pour les espèces discrètes au taux de détection faible et variable telles que les amphibiens mais sont également adaptées à l’étude de la plupart des taxons (rares sont ceux, s’ils existent, dont le taux de détection est parfait et constant dans le temps et dans l’espace) dans le cadre de l’évaluation de suivis des mesures de gestion, de conservation ou de compensation d’une part mais aussi plus largement dans l’étude des grandes tendances

démographiques permettant le classement des espèces en déclin au niveau mondial. La mise à disposition large de méthodes de récolte de données et d’analyses pertinentes dans ce cadre

apporte une réelle plus-value à la compréhension des facteurs de réussite ou d’échec des

mesures conservatoires mises en place. Cela devrait donc être l’une des priorités dans un

contexte de déclin global de la biodiversité mondiale. Des efforts sont faits dans ce sens,

notamment par la diffusion de logiciels d’analyse libres et gratuits, par la formation statistique

des futurs gestionnaires d’espaces naturels à l’utilisation de ces outils, et par l’augmentation

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