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Le programme Les lieux communs

Dans le document Un système dont vous êtes le héros (Page 28-32)

1.2 L’intervention des communs

1.2.1 Le programme Les lieux communs

Ce programme se réalise dans le cadre d’une candidature auprès de l’organisme TIGA24 (Territoire d’Innovation Grande Ambition) porté par la Région Île-de-France et un consortium de 120 partenaires sur le thème : Habiter le futur, construire au futur. Le programme Les lieux communs à été sélectionné le 13 septembre 2019 lauréat de l’appel à projet national Territoires d’innovation. Il vise à réaliser une ex-périmentation inter-territoriale au sein de trois villes pilotes et des partenaires régionaux à l’échelle de l’Île-de-France. Cette expéri-mentation a pour objectif de tester et d’accompagner des projets public-communs comme levier de réactivation et de convivialité des quartiers. Formaliser puis transférer et transmettre des modèles territoriaux de soutien aux communs. Cela s’inscrit dans l’idée d’inventer des nouvelles formes de coopérations entre habitants et acteurs publics locaux, en incluant aussi des acteurs associatifs et économiques.

La première ville pilote du programme Lieux communs se nomme Sevran, située au Nord-Est de Paris. Dans le cadre de ce terrain nous sommes en partenariat avec le bailleur social Vilogia, qui fait suite à sa candidature retenue auprès de l’appel à manifestation d’intérêt 2020 Tiers-lieu autono-mie dans mon quartier. Le département Seine-Saint-Denis, à l’origine de cet appel, définit le tiers-lieu comme «un lieu hybride entre espace personnel et espace ouvert, entre domicile et travail. Ce sont des structures collaboratives, dont l’offre de service et la programmation sont évolutives et pensées avec les usagers».25

Le bailleur Vilogia souhaite réhabiliter les locaux collectifs de sa résidence. Cette résidence, composée entièrement de logements sociaux, se nomme Masaryk et se situe dans le quartier Montceleux-Pont-Blanc. Pour contextualiser, les locaux collectifs de la résidence Masaryk se retrouvent inaccessibles depuis trois ans pour cause de trafic de drogue. La création de ce tiers-lieu permet de les rouvrir, de les investir et ainsi selon le

24 https://www.banquedesterritoires.fr/24-territoires-dinnovation-vont-beneficier-dune-enveloppe-de-450-millions-deuros-sur-dix-ans

25 https://ressources.seinesaintdenis.fr/IMG/pdf/ami_tiers-lieux_-_cd93-2.pdf (citation en page 4)

bailleur, accroître le bien-être du quartier. Aujourd’hui, cette résidence se trouve au cœur d’un environnement en pleine mutation. En effet, dans le cadre du plan de réhabilitation globale 2021 de l’ANRU (Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine), l’enjeu de ce tiers-lieu et de la résidence, est de réussir à s’intégrer dans un nouveau contexte urbain. Les principaux objectifs sont d’expérimenter des activités, des partenariats, impliquer les habitants et ainsi définir en commun la programmation du tiers-lieu. Dans le cadre des travaux de réhabilitation, le bailleur fait appel à quatres étudiantes en Master d’urbanisme situé à Paris. Elles enquêtent auprès des habitant.e.s, ciblent leurs besoins pour la résidence et leurs logements et évoquent l’ouverture du tiers-lieu. Elles réalisent une permanence de 5 semaines au sein de la résidence et effectuent 53 entretiens semi-directifs et de l’observation partici-pante. Elles restituent leurs différentes données via un webinaire organisé par le bailleur Vilogia. Cette première enquête permet de connaître la sociologie des habitant.e.s vivants dans la résidence, ainsi que les premières réactions face à la création du tiers-lieu.

Dans un deuxième temps, avec l’équipe de la 27ème Région et les partenaires du projet, nous réalisons une enquête sur le terrain et rencontrons les acteurs locaux (institutionnels, associatifs, économiques), pour identifier des dynamiques collaboratives et comprendre les logiques de coopération actuelles. Nous commençons par effectuer des entretiens en petit comité, une série de tête-à-tête avec des acteurs ciblés appartenant au secteur associatif et institutionnel. Cette première phase de rencontre nous permet d’entrevoir le premier cercle d’acteurs et les potentielles problématiques à résoudre pour la construction de la gouvernance.

Ce projet constitue les prémices de la question de recherche et mes premiers questionnements liés à la problématique des communs. En effet, l’un des objectifs de ce projet est de créer un partenariat public-communs, en instaurant une gouvernance partagée au sein du cercle d’acteurs. La 27e Région appuie le fait que des nouvelles formes de coopération entre la ville, les habitant.e.s, les associations et les commerçants pourraient réactiver la convivialité d’un quartier. Néanmoins, ces nouvelles coopérations sont inspirées du concept des communs. Elinor Ostrom, lauréat du prix

nobel d’économie en 2009, considère comme un commun «toutes ressources partagées par un groupe de gens» (Ostrom, 2010). Nous verrons dans un chapitre consacré à cette notion de commun, qu’elle défend l’idée d’une propriété collective. Du point de vue juridique, le bailleur est propriétaire exclusif des locaux collectifs, s’il décide un jour de fermer ou bien de privatiser, il le peut, car dans son droit de propriété, il possède le droit d’accès (Crétois, 2014). Nous pouvons nous rendre compte que cette volonté de com-mun pour le tiers-lieu Masaryk remet en question la propriété du bailleur. En effet, ceci pose la problématique de ce mémoire, la pratique des communs opère t-elle un changement de paradigme pour la notion de propriété indivi-duelle ?

Si nous récapitulons, la méthodologie de la 27e Région repose sur l’affirmation que l’acteur public est la clé pour préserver et soutenir la pratique des communs. Mais est-il nécessaire de l’inclure dans sa création ? Lorsque j’ai commencé à travailler sur ce projet, je me suis questionnée sur ce qui constitue un commun et comment celui-ci est initié. En effet, selon moi, un commun ne pourrait être créé de toute pièce et semble émerger d’une com-munauté existante. J’ai décidé pour ce stage professionnel, d’avoir une pos-ture d’entre-deux, c’est-à-dire de répondre à la demande de la 27e Région et de garder le point de vue de l’acteur public, mais aussi d’entreprendre un che-minement avec le point de vue des habitant.e.s. C’est dans cet esprit que cette recherche s’inscrit, cela m’a permis dans un premier temps d’étudier les dif-férentes notions qui englobe la création de ce tiers-lieu. Souvenons-nous, ce tiers-lieu se crée dans une résidence privée de logements sociaux, nous avons donc un contraste entre espace privé et espace public. La 27e région souhaite impulser une gouvernance partagée mais le bailleur reste seul propriétaire des locaux. C’est en partant de ces constats comme que j’ai réalisé un travail de recherche documentaire autour de sept notions : les communs, l’habitat, la gouvernance, la politique, la participation, la démocratie et la propriété.

Dans cette recherche, je suis allée chercher plusieurs références scientifiques par notion (un article, une vidéo, un livre, etc). Afin de comprendre comment celles-ci peuvent être mises en perspective, j’ai ensuite classé ces données sous forme de cartographie. (annexe 1)

Par exemple, pour l’habitat, je me suis intéressée au point de vue de la sociologue Marion Segaud dans son livre Anthropologie de l’espace (2010). «Habiter c’est, dans un espace et un temps donnés, tracer un rapport au territoire en lui attribuant des qualités qui permettent à chacun de s’y iden-tifier» (Segaud, 2010, p.70). Dans cette citation, elle associe le terme habiter à un territoire et non seulement à un logement. Cela m’a permis d’aller plus loin dans ma réflexion sur la création de ce tiers-lieu. En effet, celui-ci peut-il permettre aux habitant.e.s de s’approprier leur quartier et leur habitat et de s’identifier à eux ?

En ce qui concerne la propriété, je me suis davantage intéressée à son aspect juridique et notamment au point de vue du philosophe Pierre Crétois dans son article La propriété repensée par l’accès (2014). «Un droit d’administrer l’accès aux biens est, au fond, une traduction du droit que le propriétaire a de contrôler sa chose, droit vu comme une relation sociale plutôt que comme un simple droit de préserver son indépendance à l’égard des autres.» (Cretois, 2014, p.325). Cette idée de droit d’accès nous l’avons évoqué plus haut, notamment pour le bailleur qui souhaite une gouvernance collective mais qui possède néanmoins la propriété exclusive des locaux du futur tiers-lieu. Crétois parle du droit de propriété comme une relation sociale, le droit d’inclure ou d’exclure quiconque. Cette idée de relation sociale nous pouvons la retrouver dans la pratique des communs. Nous ver-rons dans un chapitre dédié aux communs, que cette relation sociale pour-rait-être pensée inclusive et du point de vue d’une ressource à préserver et non du pouvoir qu’elle pourrait offrir. Cela nous amène à nous demander si la pratique des communs bouleverse la manière dont le droit de proprié-té à éproprié-té conçu et ainsi s’inproprié-téresser davantage à cette notion avec un œil juridique. Ce questionnement nous permet d’aborder la suite de ce chapitre avec le programme exploratoire Juristes embarqué.e.s qui aborde la notion des communs et leurs rapport à la doctrine juridique française.

Dans le document Un système dont vous êtes le héros (Page 28-32)