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La pratique du droit comme moyen d’appropriation

Dans le document Un système dont vous êtes le héros (Page 119-122)

En deuxième partie de ce mémoire, nous avons cherché à comprendre comment la pratique du droit pouvait intégrer le processus de création d’un commun ou d’un projet d’intérêt général. Nous nous sommes intéressés au principe de créativité juridique révélé par l’enquête Juristes embarqué.e.s. À travers le récit du tiers-lieu l’Hermitage, nous avons réalisé un retour d’expérience de cette créativité. Peut-elle devenir un outil métho-dologique ? Comment le design peut-il se matérialiser dans cette approche ? Dans le cadre de Juristes embarqué.e.s, nous nous sommes intéres-sés de près au montage juridique du tiers-lieu l’Hermitage qui se constitue en trois pôles : une Société Civile Immobilière (SCI) qui possède et gère le foncier ; une association pour préfigurer le projet du lieu ; une Société par Action Simplifiée (SAS) pour les activités commerciales. Nous avons observé que l’Hermitage s’était placé comme un acteur indispensable sur son territoire. En effet, nous avons évoqué les multiples partenariats que les juristes ont nommés, molécule contractuelle. Ce procédé permet à l’Hermitage de garantir sa durabilité car comme nous l’avons abordé, les élu.e.s adoptent une posture plutôt hostile envers le tiers-lieu. Ici, se trouve une première manière de convoquer la créativité juridique. En formant un panora-ma de soutiens partenaires, le tiers-lieu se protège des éventuels changements politiques et assure son autonomie. Nous avons observé une seconde manière de faire appelle à la créativité juridique. En effet, l’un des objectifs de la structure est de créer une subsistance agricole pour l’alimentation animale et humaine. Dans cette optique, nous avons découvert le bail de fermage. Le statut de fermage est un ensemble de règles qui s’applique au bail rural et est

d’ordre public. Il neutralise la volonté des parties prenantes et s’oppose à la liberté contractuelle, c’est-à-dire que l’usage prime sur la propriété. Nous avons analysé que cette seconde manière de pratiquer la créativité juridique nous renvoie de façon significative au principe des biens communaux. Nous avons constaté que l’Hermitage propose une manière de repenser ces biens communaux comme des communs urbains (Juan, 2018), réduisant le pouvoir d’agir du propriétaire par la contractualisation.

Suite à cette expérience de créativité juridique, nous avons démon-tré qu’elle se caractérisait par la capacité des créateurs de commun à se saisir du droit et de le pratiquer avec une dimension exploratoire et frugale. En nous intéressant à la notion de créativité en elle-même, nous avons observé qu’elle faisait émerger une capacité individuelle et une aptitude à l’imagina-tion et à produire de la nouveauté (Mnisris, 2012). Ainsi, nous nous sommes questionnés sur la créativité juridique et sa capacité à faire évoluer la doctrine.

Le design est-il un moyen d’encapaciter la créativité juridique dans ce but ? Nous nous sommes donc intéressés à la pensée du design pour nous guider dans notre réflexion. En effet, celle-ci nous à permis d’établir un lien entre la créativité juridique et les mécanismes du jeu de rôle. L’un des objectifs de cette recherche est de comprendre comment expérimenter la créativité juridique pour la création du tiers-lieu Masaryk. Nous considérons dans notre approche le design comme une méthode et un état d’esprit (Gamba, 2017), nous avons analysé que la pensée du design nous permet d’adopter une posture centré usager et de prendre en compte l’écosystème ainsi que l’expérience. Nous constatons que la pensée design peut nous aider à incarner la créativité juridique et sortir la pratique du droit de son cadre normatif.

Nous nous sommes aussi appuyés sur deux principes du Manifeste pour le renouveau social et critique du design (2015). Nous retenons que le design participe à définir le vivre ensemble et qu’il doit en assumer la responsa-bilité, l’un de ses objectif est d’en assurer la visibilité et la transmission.

Nous constatons à travers le cheminement de la recherche, que le design nous permet de prendre en compte les relations et intéractions entre les humains, d’être sensible à l’environnement dans lequel ils évoluent et de garantir la conception du bien commun (Gauthier et al., 2015).

C’est en suivant cet état d’esprit de la pensée design, que nous avons choisi dans ce mémoire, de nous concentrer sur le point de vue des habitant.e.s de la Résidence Masaryk et du quartier. Nous avons analysé que dans la pratique des communs, la notion de communauté était importante. En effet, nous avons constaté que la volonté d’un commun émane le plus souvent d’une communauté existante. Dans le cadre du projet de tiers-lieu de la Résidence Masaryk, nous savons que cette communauté n’existe pas encore et qu’il faut la créer et ensuite la consolider. En partant de ces consta-tations, nous nous sommes fixés, dans le cadre de la recherche, d’impulser une forme de coopération au sein de cette future communauté avant même d’envisager que cela puisse devenir un commun. C’est dans cet objectif que nous avons ancré la création du jeu rôle et de la créativité juridique.

Nous avons observé lors de nos terrains d’enquête, que la population du quartier de la Résidence Masaryk était de nature conflictuelle. Nous avons pris conscience que cette population se retrouve dans une situation précaire et abandonnée par les services de la ville. Ainsi, nous percevons un environ-nement pessimiste et qui a peur de se projeter dans l’avenir. Cette analyse du contexte, nous conforte dans la posture entre-deux adoptée pour ce mémoire.

Certes nous tentons quand même de répondre à la question de projet de la 27e Région qui souhaite expérimenter des partenariats public-communs. Cette volonté place au cœur du projet l’acteur public. Néanmoins, nous constatons au travers de notre enquête terrain, que la dynamique collective au sein de la population est fragile et que la relation avec l’acteur public est confuse. C’est pour cela, que dans le cadre de la recherche, nous souhaitons tout d’abord penser à l’encapacitation des habitant.e.s sur les modalités de coopération et les méthodes de structuration d’une communauté.

Dans le document Un système dont vous êtes le héros (Page 119-122)