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PHILIPPINES AYANT IMMIGRÉ À MONTRÉAL EN TANT QU’AIDES FAMILIALES RÉSIDANTES

1.3 Programme des aides familiales résidantes

C’est en 1981 que fut instauré le Programme pour les employés de maison étrangers (PEME). LE PEME, qui est le premier programme d’immigration qui concernait directement le travail du care et le travail domestique, fut remplacé en 1992 par le Programme des aides familiaux résidants (PAFR), pour ensuite connaître une transformation majeure en novembre 2014 en devenant le programme d’aide familiale (PAF)2. Cette recherche, s’intéressera aux femmes ayant immigré sous le PAFR et le PEME.

Ces deux programmes d’immigration ont permis à des ménages canadiens d’embaucher des travailleuses migrantes pour effectuer, à domicile, le travail du « care » et à des travailleuses migrantes d’obtenir la résidence permanence après avoir complété ces programmes. Cependant, en contraste avec le programme précédent, le PAFR avait pour objectif de se concentrer davantage sur les tâches en lien avec le « care » tels que les soins aux enfants, aux personnes âgées et aux personnes handicapées. Les employeurs pouvaient également assigner des tâches domestiques légères (Citoyenneté et Immigration Canada, 2010 cité par Spitzer, 2011; Galerand et al., 2015), toutefois, dans la pratique, il n’y a généralement pas de distinction entre le travail de soin et les tâches de type « domestique » qui prennent souvent une partie importante du travail des aides familiales (Galerand et al., 2015; Oxman et al., 2004). Au Canada, en 2013, le nombre de personnes ayant immigré sous le PAFR était estimé à 23 000 et environ 15 % résident au Québec (CIC, 2013; Ciso, 2012). De ce nombre, 93% sont des femmes et 90 % de celles- ci sont originaires des Philippines (Hanley, Vaddapalli, 2011; Valbuena et al., 2014).

1.3.2 Critiques positives et négatives à l’égard de ces programmes

Concernant les critiques positives, si les démarches se déroulaient dans les temps, ces programmes permettaient aux travailleurs migrants d’arriver au Canada à l’intérieur d’un

2 Plusieurs changements ont été apportés au programme PAFR en devenant le PAF. Cependant, puisque notre

étude s’attardera exclusivement aux femmes ayant immigré avec le PAFR ou le PEME, ces modifications législatives ne seront pas exposées plus explicitement dans ce texte.

64 délai de six mois après avoir appliqué à celui-ci. Cette voie d’immigration était donc beaucoup plus rapide en comparaison aux autres voies d’immigration qui pouvaient prendre un minimum de deux ans et auxquels elles ne se qualifieraient généralement pas malgré leur niveau de scolarité élevé (Choudry et al., 2009; Perras St-jean, 2014). Il est important de mentionner que le Canada est un des rares pays dans le monde qui permet aux femmes de migrer en tant que travailleuses domestiques et d’avoir la possibilité d’obtenir la citoyenneté par la suite (Parreñas, 2001). De plus, le PAFR est le seul programme fédéral de migration temporaire peu qualifié qui permet de demander la résidence permanente3 sous certaines conditions et d’inclure leur conjoint et enfants dans leur demande (Brickner, Straehle, 2010; Spitzer, 2011). Parmi les conditions, celles-ci doivent avoir complété 24 mois ou 3900 heures de travail sur une période de 48 mois (Ciso, 2012)4. Une fois ces conditions complétées, l’obtention de la résidence permanente était, en théorie, presque garantie (Pinay, 2008). Toutefois, pour atteindre l’objectif d’obtenir la résidence permanente, des travailleuses peuvent tolérer des abus tels que des mauvaises conditions de travail ou de logement afin de ne pas perdre cette possibilité (Gesualdi-Fecteau, 2014).

Ces programmes contenaient toutefois plusieurs facteurs qui contribuaient à rendre ces femmes vulnérables à différentes formes d’exploitation, et ce, même si plusieurs batailles ont été gagnées5 dans les dernières années pour améliorer l’accès aux droits et les conditions de travail des travailleuses domestiques (Hanley et Vaddapalli, 2011).

Dans les écrits sur le PEME et le PAFR, les contraintes qui ressortent le plus et qui contribuent à déséquilibrer le rapport de force entre la travailleuse migrante et son employeur sont : le statut migratoire précaire, le permis de travail nominatif, les longs délais pour obtenir la résidence et l’obligation de résider chez l’employeur. De plus, la déqualification systémique à laquelle elles sont confrontées, ainsi que la non-protection contre les accidents de travail, constituent également des contraintes importantes. Selon

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Cependant, dans certaines provinces canadiennes, tel que le Manitoba, les personnes ayant immigré sous le PTAS peuvent faire une demande de résidence selon certaines conditions telles que d’être parrainé par son employeur. Toutefois, ce n’est pas encore le cas au Québec.

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Avant le 1er avril 2010, elles devaient avoir complété 24 mois de travail sur une période de 36 mois (FDNS, 2010).

5 Parmi celles-ci l’on retrouve l’application du salaire minimum pour les travailleuses domestiques

65 Brickne, Straehle, 2010; Dépatie-Pelletier, Dumont Robillard, 2013 et Moffette, 2010, l’accumulation de ces contraintes augmente leur vulnérabilité et impose des restrictions significatives quant aux libertés personnelles de ces femmes qui proviennent majoritairement des Philippines.

1.4 Le cas des Philippines : une politique « d’exportation » de la main-d’œuvre ?

Les programmes de migrations temporaires peuvent être bénéfiques autant pour les pays d’accueil, tel que le Canada, qui peuvent régler leurs problèmes de pénurie de main- d’œuvre en versant de bas salaires aux travailleurs migrants, que pour les pays d’origine des travailleurs qui peuvent s’en servir notamment pour abaisser leur taux de chômage. Le gouvernement philippin utilise ces programmes à cet effet et encourage la migration de masse des Philippins en misant sur la demande de pays en manque de main-d’œuvre non qualifiée tel que le Canada (Valbuena et al., 2014).

À partir des années 1970, des programmes d’ajustements structurels ont été imposés aux Philippines par le Fonds monétaire international et la Banque mondiale afin de lutter contre son importante dette extérieure (Bals, 1999; Parreñas, 2001). Ces mesures d’austérité ont eu pour conséquences d’entrainer une diminution significative du filet de protection sociale et une hausse importante du chômage (Ciso, 2012; Oxman et al., 2004; Parreñas 2001; Spitzer, 2011). Pour faire face au taux de chômage important et aux graves problèmes économiques du pays, le gouvernement philippin s’est doté d’une politique d’exportation de la main-d’œuvre. De nos jours, les Philippines sont un des plus grands exportateurs de travailleurs migrants au monde (Bals, 1999; Boti et Guy, 2012; Choudry et al., 2009; Sassen, 2003; Spitzer, 2011) et en 2008, environ 10% de la population, hommes et femmes confondus, travaillaient à l'étranger dans près de 200 pays différents (Valbuena et al., 2014). En ce qui concerne les femmes philippines, il était estimé en 2014 qu’entre 6 et 8 millions de celles-ci travailleraient à l’étranger majoritairement en tant que travailleuses domestiques (Valbuena et al., 2014). Les travailleurs expatriés sont des acteurs économiques très importants pour ce pays : en 2015, les transferts d’argent des migrants philippins sont désormais estimés à 18% du PIB de ce pays et 30 à 50 % de la population des Philippines serait dépendante des envois d’argent de l'étranger (Valbuena et al., 2014; Parreñas, 2003; Sassen, 2003).

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