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D’IMMIGRATION: LES DÉFIS LIÉS À L’OFFRE DE SERVICES DANS LA RÉGION DE LA CAPITALE NATIONALE

2. Les défis socioculturels

2.1 Les différences dans les pratiques et les perceptions

Au-delà des facteurs communicationnels, les barrières socioculturelles contribuent, de façon plus ou moins importante selon l’écart de culture, à complexifier la prestation de soins et services. Les professionnels et intervenants témoignent, dans le cadre de leurs interactions avec les familles immigrantes, de fréquentes divergences dans les pratiques et les perceptions notamment sur les plans de l’alimentation pendant la grossesse, des soins au nouveau-né et de l’éducation de l’enfant. Ce constat mène les professionnels et

189 intervenants, dans une dynamique d’ouverture à l’autre dans sa différence, à considérer l’importance de baser les interventions sur les acquis et connaissances des familles. Tant que la santé périnatale n’est pas compromise, une telle approche contribuera, selon les répondants, à assurer l’acceptabilité des interventions et à bâtir une proximité relationnelle.

« Souvent les gens vont s’attacher, certaines communautés plus que d’autres, s’attacher à leurs façons de manger, leurs habitudes et ça il faut le respecter. Moi je pense à la nourriture halal entre autres. Dans des situations, ça pouvait être très compliqué, suite à des hospitalisations qui duraient, d’avoir une alimentation halal et d’avoir aussi une bonne alimentation, ça amenait la famille à être obligée d’aller porter la nourriture à l’hôpital, ça amenait toutes sortes de complexités » (Travailleur social).

2.2 L’expression du besoin

Dans le même ordre d’idée, l’interventionnisme caractérisant l’offre de services locale pour favoriser le développement optimal de l’enfant a été identifié comme un facteur à l’origine de certains défis. Par exemple, il est reconnu par plusieurs professionnels et intervenants que la clientèle immigrante n’est souvent pas en mesure d’identifier ou de nommer son besoin en termes de ressources sanitaires ou psychosociales. Ainsi, en période postnatale par exemple, les problématiques soulevées par les Centres de la petite enfance (CPE) ou les écoles convergent d’ordinaire peu avec les préoccupations des familles. Conséquemment, les interventions adressées à cette clientèle, développées sur la base de valeurs dominantes, sont souvent peu sensibles à leurs acquis, leurs connaissances et leurs préférences.

« Oui, la famille est capable de nommer son besoin, mais il est rarement celui que nous avions perçu. Le besoin est souvent concret, il est souvent dans une démarche : « peux-tu lire ce papier-là ? », « peux-tu m’aider avec telle démarche ? ». À mon niveau à moi, parce que mon domaine est plus dans le rôle parental en général ou le développement, la clientèle immigrante qu’on a présentement est moins préoccupée par ces composantes-là […] ils sont moins préoccupés par l’aspect comportemental. Ils ont vraiment plus besoin d’avoir leurs sous à chaque mois, de se trouver un logement, il y a beaucoup de besoins d’aide en termes d’organisation » (Psychoéducatrice).

2.3 Les problématiques financières

Autrement, les problématiques financières sont aussi à la base de défis touchant notamment les clientèles ne détenant pas de couverture assurantielle adéquate (ex. : nouveaux arrivants, étudiants non-inscrits, demandeurs d’asile en procédure d’appel).

190 Alors qu’on observe un durcissement des barrières administratives limitant la prestation de soins aux clientèles non assurées, parallèlement, les questions financières pourront avoir un effet sur les choix de la clientèle tout au long de la trajectoire de soins. Les préoccupations financières peuvent donc effectivement avoir un effet à la fois sur l’accès, sur l’expérience de soins et ultimement, sur la santé périnatale des mères et des enfants.

« […] des femmes qui pourraient choisir de ne pas nécessairement faire certains tests ou certains examens. Il y a des situations où ce n’est pas grave, mais il y a des situations où c’est vraiment indiqué, par exemple, si on n’est pas certains de la position du bébé […] » (Sage-femme).

2.4 Le transport

Le transport demeure aussi une préoccupation d’importance pour les professionnels et intervenants ayant à cœur l’accessibilité, la continuité et la globalité des services offerts à la clientèle présentant des barrières culturelles et linguistiques. En effet, puisque le territoire de desserte du CIUSS de la Capitale-Nationale couvre une importante superficie, les ressources peuvent s’avérer difficilement accessibles pour les femmes qui, souvent, n’ont pas accès à une voiture ou n’ont tout simplement pas de permis de conduire. Ainsi, alors que la distance à parcourir s’avère fréquemment trop importante pour un déplacement à pied, le transport en commun demeure une option peu privilégiée par les femmes. En effet, les intervenants et professionnels expliquent dans un premier temps que ce moyen de locomotion est peu adapté pour les mères socialement isolées ayant à leur charge, au quotidien, plusieurs enfants en bas âge. De plus, on constate que certaines mères craignent de ne pouvoir se débrouiller efficacement à travers le réseau de transport étant donné le peu de connaissance qu’elles en ont ou leur faible niveau de compétence en français.

« Il y a une géographie à tenir compte aussi puis il y a une culture organisationnelle à tenir compte, une culture sociale à tenir compte. C’est que […] les gens se déplacent habituellement en véhicule, en voiture, en autobus, mais pour le nouvel arrivant qui arrive qui ne connaît pas le réseau et qui a peu de ressources, c’est très difficile pour lui ou pour elle, pour la famille même souvent encore avec des enfants, de déplacer pour aller chercher des services par exemple sur une distance de 10-20 kilomètres, même des fois 30 kilomètres » (Travailleur social).

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