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La présence de ces fissures, fractures et failles conduit à une hétérogénéité importante du milieu. L’évolution géologique conduit néanmoins à distinguer, de la surface vers la profondeur, 3 zones principales (Maréchal et al., 2003; Wyns et al., 2004; Van der Hoven et

al., 2005) selon leur type de porosité, leur perméabilité et leur profondeur (Figure 7) :

• la zone altérée sablo argileuse où se développe la nappe d’altérite (saprolites) • la zone fracturée ou de transition où peut exister une nappe de fissure

• la zone non altérée (roche saine)

La zone altérée sablo-argileuse s’étend généralement sur une épaisseur de quelques dizaines de mètres. La porosité et la perméabilité associée aux altérites sont très variables suivant la nature de la roche mère, le type d’altération et donc la proportion d’argiles. L’altération de la roche mère est le résultat de l’action combinée des conditions climatiques et de la circulation de l’eau dans le milieu. C’est une zone considérée comme capacitive : il s’y développe un aquifère continu mais de faible extension. Proche de la surface cette nappe peut réagir rapidement à un changement des conditions climatiques mais aussi aux apports naturels et /ou anthropiques de surface. Elle est donc naturellement sensible à toute forme de pollution de surface.

Plus en profondeur les premiers stades du processus d’altération et le changement de volume de certains minéraux qui y est associé, conduisent à une fissuration intense des roches sur une 50aine de mètres en moyenne. Ces fissures forment souvent un réseau sub-horizontal dans les granites mais sans direction préférentielle dans les roches plissées telles que le schiste. Au niveau hydraulique cette zone possède des capacités de stockage mais aussi de transfert des flux et est souvent celle où apparaissent les premiers débits significatifs. Les zones les plus densément fissurées peuvent être assimilées à un milieu poreux, les concentrations en solutés pouvant être considérées comme identiques dans la fracture et dans la matrice (fortement altérée dans cette zone) (Cook et al., 1996). Cette zone étant située plus en profondeur, les concentrations y sont souvent plus stables et des conditions physico-chimiques favorables à divers processus géochimiques peuvent s’y développer (Kelly, 1997). L’intensité de la fracturation est graduelle dans cette partie de l’aquifère et elle représente une transition entre la zone altérée et la roche saine sous-jacente.

Dans la partie non altérée du socle l’ensemble des échelles de discontinuités du milieu est présent. Ainsi les fissures liées à la schistosité, à l’assemblage des grains ou des cristaux peuvent avoir une influence non négligeable sur les propriétés hydrauliques du milieu mais aussi sur les caractéristiques hydrochimiques. Ces fissures de petite taille mais souvent plus densément réparties (dans la couche de transition d’une fracture d’échelle supérieure par exemple) induisent une surface de contact eau/roche importante. De plus, comme les flux dans ces zones profondes sont considérés comme lents, l’eau peut rester longtemps au contact de cette surface d’interaction et y être chimiquement fortement influencée. La roche dans cette zone profonde est aussi recoupée par des fractures d’origine tectonique. Certaines de ces structures peuvent être en contact direct avec la zone altérée et/ou fissurée et ainsi constituer des zones préférentielles d’écoulement et/ou de stockage d’eau. Ces fractures d’origine tectonique qui peuvent être considérées comme le réservoir principal d’eau de cette zone, sont accompagnées de larges zones densément fissurées jouant très probablement un rôle non négligeable dans la géochimie des eaux .

3 – Echantillonnage

Les piézomètres sont des systèmes de prélèvement verticaux, il est donc difficile d’échantillonner les fractures verticales ou subverticales par leur biais. Dans un milieu à forte anisotropie, les informations recueillies dans les piézomètres seront donc plutôt caractéristiques des flux horizontaux ou sub-horizontaux de l’aquifère (Cook et al., 2005). Bien que l’anisotropie d’un milieu puisse conduire à des caractéristiques hydrauliques différentes entre les deux directions préférentielles (Burton et al., 2002), la caractérisation des flux horizontaux dans les aquifères soumis à un pompage paraît suffisante, dans une première approche, car ce sont ces directions de flux qui semblent principalement sollicitées.

Dans les milieux fracturés la difficulté d’échantillonnage provient de la présence de fractures multiples dans un même forage (Figure 8). Dans un puits, les fractures intersectées peuvent toutes être issues du même réservoir hydrogéologique (Figure 8a). Dans ce cas, quelle que soit la profondeur de l’échantillon, la composition de l’eau prélevée sera identique. Au contraire si le réservoir, et a fortiori les propriétés chimiques, des fractures intersectées est différent, l’eau prélevée à une profondeur donnée peut être le résultat d’un mélange entre ces deux compartiments (Figure 8b). La proportion de mélange entre les eaux provenant des différentes fractures de l’échantillon dépendra de la charge hydraulique de chacune (charge pouvant d’ailleurs varier en fonction de la période d’échantillonnage).

Figure 8 : a) Schéma d’un puits intersectant deux fractures issues d’un même réservoir. b) Schéma d’un puits où deux fractures provenant de réservoirs différents sont intersectées.

Il est possible de limiter les incertitudes de l’échantillonnage liées à la présence de ces fractures multiples par une caractérisation fine de la géométrie du puits. Le nombre de

fractures productrices présentes dans chaque puits peut être déduit du débit au soufflage réalisé lors du forage au marteau fond de trou. Il s’agit de relever à intervalles réguliers le débit dans le puits : l’apparition d’un saut de débit est reliée à l’existence d’une zone fracturée. Ces données permettent d’obtenir une première idée de la structure de l’aquifère au voisinage du puits bien que, souvent, peu d’informations hydrochimiques y soient associées et que les profondeurs indiquées restent approximatives. Une vision plus détaillée des fractures ou zones fracturées, de leur profondeur et leur chimie peut être obtenue à l’aide d’études diagraphiques fines. La Figure 9 présente le résultat d’une diagraphie réalisée sur le puits F28 du site de Ploemeur. Le log diagraphique est la représentation graphique de la mesure en continu de différents paramètres dans un puits à l’aide d’une sonde multiparamètre (ici une

sonde Idronaut®). Les paramètres déterminés dans cet exemple sont : la conductivité, la

température, le pH, l’oxygène dissous, l’Eh et la pression (convertie en profondeur). Ces mesures permettant la caractérisation physico-chimique des eaux peuvent être couplées à des mesures hydrogéologiques telles que le débit (micro-moulinet) ou l’émission gamma des roches qui permet de distinguer différentes natures de roches.

La compartimentation chimique du puits F28 a été étudiée dans deux situations distinctes : absence de pompage aux alentours du puits (hormis le pompage principal continu) (noté sp sur la figure pour « sans pompage ») et pompage dans un puits adjacent directement relié à F28 par une fracture commune (noté ap sur la figure pour « avec pompage »). En conditions ambiantes (sans pompage autre que le pompage principal) ce sont les fractures les plus profondes qui semblent contrôler la chimie de l’eau échantillonnée quelque que soit la profondeur. Les fractures plus superficielles (30 et 60m) s’individualisent lorsque les flux sont forcés par l’existence d’un pompage à proximité. Ainsi à profondeur identique mais en conditions de pompage différentes, l’eau échantillonnée peut présenter une chimie très variable.

Le puits F28, exemple présenté ici, est le cas le plus complexe du site de Ploemeur, la majorité des autres puits échantillonnés présentent des caractéristiques chimiques identiques avec et sans pompage. Une étude diagraphique préliminaire permet de mieux contraindre la représentativité des échantillons prélevés par la suite. La réalisation de ces logs diagraphiques avant chaque prise d’échantillon serait idéale mais difficile à mettre en œuvre pour un suivi à grande échelle et fréquent. Par contre, la connaissance des gammes de conductivité associées

à chaque type de situations issues d’une première caractérisation complète du site permet, de manière simple, de contrôler la représentativité de l’échantillon prélevé.

Figure 9 : Résultats de la diagraphie chimique réalisée sur le puits F28 (Ploemeur). L’indice sp représente les données sans pompage, ap celles avec pompage.

La réalisation de ces diagraphies a aussi permis de mettre en évidence la possible influence de l’utilisation d’une pompe pour le prélèvement. Dans l’exemple de F28 le pompage permet d’individualiser des fractures auparavant masquées et favorise leur échantillonnage mais l’atteinte de l’état d’équilibre peut nécessiter une durée de pompage assez longue et il est difficile de vérifier l’atteinte de l’état d’équilibre sans diagraphies intermédiaires. Lors de la réalisation d’une purge (pompage à fort débit visant à renouveler l’eau du puits, recommandée dans les études hydrogéologiques en milieu poreux homogène) certains niveaux peuvent être plus sollicités que d’autres (de par leurs perméabilités différentielles) et ainsi provoquer un mélange dont les caractéristiques ne pourront pas être facilement établies. C’est pourquoi il a

été choisi, dans cette étude, de ne pas réaliser de purge préalable et de prélever sans pompage à l’aide d’un système de type « bouteille Niskin » utilisé en océanographie : tube ouvert aux deux extrémités descendu à la profondeur désirée et fermé par envoi

d’un messager (poids) avant la remontée (préleveur de la société ISMA® description Partie II -Chapitre II -1.2).

4 – Analyses chimiques

Les paramètres physico-chimiques ont été mesurés directement sur le terrain à l’aide de sondes portatives. L’eau a filtrée à 0,2µm puis stockée dans des flacons en polypropylène rincés à l’acide puis à l’eau ultrapure (milliQ - 18MΩ) et acidifiés pour l’analyse des cations et traces. Les anions ont été analysés en chromatographie ionique (Dionex DX 100), les cations et traces en ICP-MS (HP 4500 - Bouhnik-Le Coz et al., 2001) et le carbone organique dissous (COT) à l’aide d’un analyseur de carbone (Shimadzu 5050 A - Petitjean et al., 2004) au laboratoire Géosciences Rennes. Les isotopes des sulfates ont été analysés au laboratoire d’analyse du BRGM.

Les détails sur les méthodes d’analyses utilisés spécifiquement pour chaque site pourront être trouvés dans la partie « matériel et méthode » de l’article associé au site (Partie I -Chapitre III).

Chapitre II – Processus redox en milieu fracturé :