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La seconde série d’expérimentation visait à mettre en évidence une éventuelle influence de la biologie et plus particulièrement de la microbiologie sur la dénitrification en comparant l’évolution des concentrations en nitrates dans des flacons stérilisés (autoclavés) ou non. Dans les flacons non stérilisés, de la même manière que lors de la première série d’expérimentation, une baisse des concentrations en nitrates est observée (Figure 35). Au contraire dans les flacons stérilisés les concentrations en nitrates restent stables. Il semble donc que le processus de dénitrification mis en évidence lors des deux séries d’expérimentations soit un processus biologiquement catalysé. La baisse des concentrations en nitrates observée au bout de 48h pour des échantillons stérilisés avec du granite (GSs) et 96h pour un des flacons stérilisés contenant du schiste (Ss), est attribuée à une contamination des échantillons par le milieu extérieur lors du prélèvement (aiguille de prélèvement non changée ?) ou une étanchéité imparfaite du septum (bouchon du flacon) utilisé.

L’origine des bactéries permettant la dénitrification de l’eau n’a pu être établie. L’ensemble eau+roche a été stérilisé conjointement dans les flacons ne permettant pas de connaître le milieu de vie des bactéries dénitrifiantes du milieu. De plus la roche a été stockée et broyée sans précautions particulières. Les bactéries favorisant la dénitrification peuvent avoir colonisé les échantillons de roche lors de leur stockage. Bien qu’il soit possible que les bactéries présentes dans les flacons utilisés lors de l’expérimentation en batch ne soient pas identiques à celles présentes sur le site, l’importance de la médiation bactérienne est tout de même mise en évidence dans ce travail.

Figure 35 : Evolution des concentrations en nitrates dans les flacons de la seconde série d’expérimentation. L’explication des abréviations des échantillons est donnée Tableau 2.

Ces deux séries d’expérimentation en batch ont permis de réaliser une dénitrification en laboratoire avec des éléments du milieu naturel. Il est clairement établi que, contrairement à ce qui semble être observé sur le site de Ploemeur, ce soit une dénitrification autotrophe liée à l’oxydation du fer et catalysée par des bactéries qui permettent la diminution des concentrations en nitrates dans ces microcosmes.

4 – Relarguage d’éléments

L’observation sur le site de Ploemeur d’une augmentation forte des concentrations en sulfates et chlorures depuis la mise en exploitation du site nous a conduits à nous intéresser à l’évolution des concentrations de ces éléments dans les échantillons. D’une manière générale dans tous les batchs, les concentrations en chlorures et sulfates sont supérieures à celles des batchs témoins (eau seule) (Figure 36).

Figure 36 : Evolution au cours du temps des concentrations en Cl et SO4 dans les batchs réalisés avec F34 dans la première et la seconde série. La barre d’erreur dans les graphiques concernant l’évolution des chlorures correspond aux 5% d’erreur analytique. Cette barre d’erreur est confondue

avec les figurés dans le cas des sulfates.

Après un léger temps de mise à l’équilibre (aux alentours de 48h, non visible sur la seconde

série de par le décalage du t0), les concentrations de ces deux anions restent relativement

stables dans le temps (Figure 36). Les batchs réalisés avec les fractions grossières présentent des concentrations plus faibles que les fractions fines correspondantes. Les variations entre les eaux témoins et les batchs peuvent atteindre 10mg/L en sulfates (schiste fin première série) et 15mg/L en chlorures (schiste seconde série). Encore une fois la granulométrie semble jouer un rôle prépondérant dans ce processus. A l’inverse, il apparaît clairement que la stérilisation ou non des échantillons n’influe pas sur les concentrations, et donc que toute intervention biologique dans ce processus peut être négligée. De façon à augmenter les surfaces potentielles de réaction, les roches ont été concassées pour obtenir les deux granulométries utilisées. Cette préparation des roches peut aboutir à la mise en solution d’éléments composant les minéraux de la roche (inclusions fluides) ou de la microporosité.

Dans la première série d’expérimentations, ce relargage conduit à des concentrations en Cl et SO4 fortement corrélées (Figure 37). En effet, excepté pour le granite altéré, le rapport Cl/SO4

reste stable et est identique quelque soit la modalité (entre 0,4 et 0,6). L’homogénéité de ce rapport dans deux roches minéralogiquement différentes laisse supposer l’existence d’un contrôle externe sur le relargage. Lors de la circulation d’un fluide dans une roche, sa nature et sa porosité influent sur le nombre de pores connectés avec le milieu. Plus cette connexion est importante plus la quantité de fluide qui va pouvoir être emmagasiné sera importante. Ainsi la signature géochimique d’un fluide circulant dans le milieu peut être conservée dans la microporosité de la roche. Lorsque la roche ainsi broyée se retrouve en contact avec de l’eau, le fluide contenu dans la microporosité peut donc largement influencer la qualité chimique du milieu. Les plus fortes augmentations sont observées dans les batchs réalisés avec le schiste. La quantité globale de fluide pouvant être stocké dans la porosité liée à la foliation du schiste doit être plus importante que celle emmagasinée dans la structure grenue et jointive du granite (Banton and Bangoy, 1999).

Dans la première série d’expérimentation, le granite altéré ne montre pas de relargage important de chlorures (2-3mg/L) et pas d’augmentation significative de la concentration en sulfate par rapport à l’eau initiale. L’altération d’une roche est conjointe à la circulation d’eau au sein des fractures. Cette eau circulant dans les pores de la roche conduit au lessivage de la signature géochimique d’un fluide ayant pu circuler précédemment, la remplaçant par celle de l’eau en cours de circulation. C’est pourquoi les concentrations, et surtout les rapports entre éléments, dans le granite altéré sont proches de ceux de l’eau témoin.

Pour un des échantillons de schiste grossier (GSF) de cette première série, une oxydation de sulfure couplée à la dénitrification, semble exister (Figure 31 et Partie I -Chapitre IV -3.3) .

Figure 37 : Diagramme Cl/SO4 des échantillons de la première série

Pour la seconde série les échantillons des roches utilisées ont la même origine que lors de la première série d’expérimentations : même carotte pour le granite et schiste issu de cuttings (broyats de roche récupérés lors du forage du puits). Le relargage observé dans la première série de batchs est attribué à la circulation globale d’un fluide sur l’ensemble du site, la même

signature, et donc le même rapport Cl/SO4, devrait être observé lors de la seconde série

d’expérimentations. Alors que l’augmentation en chlorures reste du même ordre de grandeur (bien que légèrement supérieure) que dans la première série d’expérimentations (5-10mg/L) celle en sulfates est beaucoup plus réduite (3 à 5mg/L) (Figure 37 & Figure 38). Lors de la

première expérimentation le relarguage préférentiel de Cl par rapport au SO4 a été mis en

évidence dans les roches altérées. Les granites de cette seconde série dans les batchs présentent un relargage intermédiaire entre une roche saine et une roche altérée. Il semble donc que les échantillons de granites utilisés pour la seconde série soient en cours de lessivage par l’eau qui circule, ce qui conduit à une position intermédiaire entre une roche saine et une roche lessivée.

Le schiste de la seconde série présente une réactivité accrue envers les nitrates (Partie I -Chapitre IV -3.1). Le relargage observé en Cl et SO4 est proche de celui observé dans le cas d’une roche altérée. La réactivité forte et le comportement vis-à-vis du relargage de cet

échantillon laissent à penser que ce sont les cuttings d’un schiste altéré qui ont été utilisés (détermination visuelle difficile entre des cuttings d’un schiste sain et d’un schiste altéré). De même que lors de la première série un des échantillons (2GSy, granite sain stérilisé mais contaminé) présente une augmentation des concentrations en sulfates pouvant être attribuée à une oxydation de sulfures. L’augmentation des concentrations en sulfates se fait dans ce cas sans augmentation des concentrations en chlorures.

Figure 38 : Diagramme Cl/SO4 des échantillons de la seconde série. Les croix représentent les échantillons de la première série.

La mise en évidence de ce relargage peut permettre d’expliquer l’augmentation rapide des concentrations en chlorures lors de la mise en exploitation du site de Ploemeur : l’ouverture à la circulation de nouvelles fractures a provoqué le lessivage de la microporosité de la couche de transition et de la matrice où a pu séjourner un fluide ancien ou une eau ayant stagné dans cette microporosité suffisamment longtemps pour que sa géochimie soit modifiée par les interactions eau-roche.

Les résultats de ces expérimentations en batchs confirment l’importance de la surface disponible à l’interface eau/roche dans les réactions biogéochimiques. Dans les milieux fracturés, cette surface est maximisée lors d’une fissuration intense comme celle qui existe dans la couche de transition des fractures. Ainsi sur un site comme Ploemeur, la

sollicitation plus importante de la matrice et de la couche de transition par le pompage peut permettre d’expliquer l’apparition de processus géochimiques fortement dépendant de la surface d’interaction eau/roche. Ces expérimentations mettent aussi en évidence l’influence double de la roche sur la géochimie du fluide : l’altération de la roche favorise l’apparition de processus biogéochimiques tels que la dénitrification alors que les roches saines peuvent influencer la chimie des eaux par le relargage d’éléments précédemment stockés dans la porosité de la roche. Ainsi l’observation sur le site de Ploemeur de concentrations en nitrates significatives malgré la présence d’une dénitrification peut être expliquée :

• soit par la cinétique d’ordre 1 de la réaction

• soit par une origine double de l’eau exploitée avec une eau dénitrifiée dans la

matrice ou la couche de transition et une eau non dénitrifiée qui circule rapidement dans la fracture

Chapitre V – Isotopie du soufre et de l’oxygène des