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La baisse des concentrations en nitrates dans une eau naturelle peut être attribuée à plusieurs processus (Partie I -Chapitre II -2.2). La période de forte baisse des concentrations en nitrates (100-150 premières heures) est associée à de fortes concentrations en nitrites (jusqu’à 5mg/L dans les échantillons de granulométrie fine) (Annexe 1), l’origine de cette baisse a donc plutôt été recherchée au niveau des processus de dénitrification dissimilatrice de type bactérien que du côté de l’assimilation ou de la réduction dissimilatrice des nitrates en ammonium (DNRA). En milieu naturel les conditions anaérobiques favorisent l’existence de la dénitrification hétérotrophe (oxydation de la matière organique) (Équation 2). Lors de cette réaction une

mole de CH2O est oxydée pour la transformation de 4/5 de moles de NO3 en N2. Or les

analyses en carbone organique dissous (non discutées) montrent des concentrations inférieures à 2mg/L insuffisantes pour le soutien de la dénitrification d’une eau à 30mg/L (exemple dans le granite altéré fin). La diminution des concentrations en nitrates associée à la quasi-absence de matière organique indique le caractère autotrophe de la réaction.

Le processus autotrophe permettant une perte de nitrates classiquement mis en évidence dans les milieux cristallins est la dénitrification couplée à l’oxydation de sulfures tels que la pyrite. Dans ce cas la diminution de la concentration en nitrates s’accompagne d’une augmentation des teneurs en sulfates dans les proportions définies par la stoechiométrie de la réaction mise en jeu. Ainsi dans le cas de l’oxydation du soufre des sulfures selon les termes de l’équation 2, le rapport entre la concentration (massique) en nitrates initiale et en sulfate finale est de 0,9. Lors de l’oxydation du fer de la pyrite le rapport reste dans le même ordre de grandeur avec une valeur de 1. Ainsi dans un graphique NO3 vs SO4 l’évolution des points au cours de la dénitrification autotrophe couplée à une oxydation des sulfures suit donc une droite de pente proche de 0,9 ou 1. Dans les batchs étudiés la diminution des concentrations en nitrates ne s’accompagne que d’une légère, voire d’aucune, augmentation de la concentration en sulfate (excepté pour les échantillons GSF) (Figure 31). Cette absence d’augmentation pourrait être expliquée par une précipitation des sulfates mais aucune diminution d’un cation qui pourrait co-précipiter (Ca ou Ba par exemple) n’a été observée, ne permettant pas de soutenir cette hypothèse. Il ne semble donc pas possible d’attribuer la perte de nitrates à ce processus d’oxydation des sulfures à l’exception des échantillons GSF qui peuvent être liés à la présence d’un grain de pyrite dans l’échantillon de roche utilisé.

Figure 31 : Diagramme NO3/SO4 des batchs de la première série avec l’eau F34. La flèche pointillée représente la droite suivie dans le cas d’une dénitrification autotrophe couplée à une oxydation des sulfures de l’eau initiale (témoin).L’augmentation des concentrations en sulfates discutées Partie I -Chapitre IV -4 peut donner une fausse impression. Il faut ici regarder l’évolution des concentrations

modalité par modalité et pas dans son ensemble. L’explication des abréviations des échantillons est donnée Tableau 1

Le fer, potentiellement oxydable par les nitrates, peut être présent dans le milieu sous forme d’oxy-hydroxides mais aussi dans la structure minéralogique même de la roche (micas par exemple). Ce fer présent dans le milieu peut donc réagir avec les nitrates selon les termes de l’Équation 7 s’il s’agit de Fe2+ ou selon d’autres stoechiométries non encore définies (sujet de recherche actuel - Weber et al., 2001) s’il s’agit de Fe0. Le fer ferrique (Fe3+) produit de ces réactions d’oxydation du fer est très peu soluble et précipite donc rapidement dans le milieu. La réaction est donc difficile à mettre en évidence par le suivi des concentrations en fer dans la solution. Lors de la seconde expérimentation une tendance à l’augmentation de la concentration en fer en solution avec la diminution des concentrations en nitrates pour le granite altéré et le granite sain peut être mise en évidence (Figure 32). Lors de l’oxydation du fer, quelle que soit la réaction prise en compte, des protons sont libérés dans le milieu pouvant provoquer une acidification du milieu. La calcite est un minéral, bien que typique des roches carbonatées, qui peut être trouvé dans les granitoïdes en concentration permettant le contrôle par ce minéral des concentrations en calcium et de l’alcalinité du milieu (White et al., 2005). Le suivi de l’alcalinité en fonction du temps et plus particulièrement en fonction des concentrations en nitrates montre une anticorrélation claire entre ces deux éléments (Figure 33). Cette augmentation de l’alcalinité du milieu doit pouvoir être reliée à la dissolution de minéraux de calcite par une acidification liée à l’oxydation du fer.

Figure 32 : Relation fer/nitrate dans les échantillons de la seconde série. La flèche pointillée représente la tendance pour les échantillons GA. L’explication des abréviations des échantillons est

donnée Tableau 2

Figure 33 : Diagramme NO3/alcalinité pour les échantillons de la seconde série. Les droites de corrélation linéaire des modalités GA, GS et S sont indiquées. L’explication des abréviations des

Le couplage de la dénitrification avec l’oxydation du fer semble donc le processus le plus probable pour expliquer l’évolution des concentrations en nitrates dans les expérimentations. Sur le site de Ploemeur, une oxydation des sulfures a été mise en évidence en s’appuyant principalement sur l’augmentation des concentrations en sulfates. Les analyses isotopiques permettent de mettre en évidence la possibilité d’un mélange avec un pôle ancien riche en chlorures, il est possible qu’une part des sulfates observés soit liée à ce mélange (sur le site de Betton la forte concentration en chlorure est associée à une concentration en sulfate élevée) . Dans ce cas il est possible que la réaction autotrophe de dénitrification liée à la présence des sulfures ne soit pas le seul processus mis en jeu au niveau du site permettant l’atteinte des faibles concentrations en nitrates observées, la roche en elle-même pouvant soutenir une dénitrification par oxydation du fer.

3.4 – Particularité de PE

Sur le site de Ploemeur, malgré la mise en évidence d’une dénitrification, l’eau pompée ne présente jamais de concentrations nulles en nitrates mais plutôt de l’ordre de quelques mg/L. La mise en évidence de la cinétique d’ordre 1 permet de mieux comprendre cette concentration en nitrates non nulle. Lors de la réalisation de la première série d’expérimentation (avant la mise en évidence de la cinétique d’ordre 1), des expérimentations ont été réalisées avec l’eau pompée sur le site (PE) de façon à en suivre les concentrations en nitrates. De même que pour les batchs réalisés avec l’eau de F34, après les 48h de mise à l’équilibre, les concentrations en nitrates diminuent, passant même sous la limite de détection pour la modalité avec le schiste fin (Figure 34). Bien que de faible amplitude (de l’ordre du mg/L), la baisse de la concentration en nitrates observée pour la granulométrie plus grossière semble indiquer un processus de dénitrification. Cette légère baisse est aussi observée dans les flacons de la première série, indiquant la généralité du processus (Figure 26). Cette réaction avec la fraction grossière, significative mais de moindre ampleur, renforce, si nécessaire, l’importance de la surface d’interaction eau/roche dans la cinétique de la réaction. La présence de concentrations en nitrates dans les flacons à granulométrie grossière supérieures à celles du témoin en fin d’expérimentation n’est pas expliquée (ré-oxydation des nitrites du milieu ?).

Figure 34 : Evolution des concentrations en nitrates dans les batchs de la série 1 avec l’eau pauvre en nitrates. L’explication des abréviations des échantillons est donnée Tableau 1

Sur le site de Ploemeur, les nitrates au niveau du puits exploité ne disparaissent que rarement, leur concentration est relativement stable autour de 5mg/L. La dénitrification complète dans la modalité schiste fin et PE de ces expérimentations en batch indique la potentialité de réaction complète entre l’eau et la roche du site. La mise en évidence de la loi cinétique d’ordre 1 pour la réaction de dénitrification dans l’expérience avec l’eau de F34 peut être transposée à cette modalité. Une cinétique d’ordre 1 implique que le temps nécessaire à la disparition complète des nitrates dans le milieu peut être extrêmement long. Le temps disponible aux interactions eau/roche/bactéries pour dénitrifier l’eau qui circule, est imposé sur le site par le pompage et son débit. Si la vitesse de circulation est rapide alors la dénitrification peut ne pas être complète. La relative stabilité des concentrations en nitrates au niveau du puits pompé semble indiquer que les variations de débit de pompage été/hiver sur le site ne permettent pas de modifier le temps de contact de façon significative pour le processus de dénitrification.

La relative stabilité des concentrations en nitrates et leurs concentrations non-nulles peuvent aussi être expliquées par l’existence d’un mélange. En effet le pompage peut imposer un mélange à rapport constant entre l’eau provenant de différentes fractures (certaines ne permettant pas de dénitrification d’autre avec une possible dénitrification par oxydation des sulfures) ou entre de l’eau des fractures et de la matrice environnante (dénitrifiée principalement par oxydation du fer).