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Du profil des fondateurs : la composition de la communauté des bienfaiteurs

Chapitre 2. La communauté des bienfaiteurs

2.1. Du profil des fondateurs : la composition de la communauté des bienfaiteurs

Sexe et statut

Nous avons relevé la mention de cinquante fondateurs différents parmi les 68 actes que contient le Livre des fondations141. En règle générale, un fondateur n’est à l’origine que d’un acte. Six des cinquante donateurs furent plus prolifiques : Jehan Poitreault, Pierre Lemas, Maria de Lévis et Colette Rolin font chacun l’objet de deux actes, Jehan Drouhot de six et Étienne Genevoix de neuf. Ceux-ci s’avérant davantage l’exception que la norme, nous ne les compterons chacun qu’une seule fois nonobstant leur nombre de fondations.

L’identification de leur sexe respectif ne pose pas de réelles difficultés : la mention du prénom, qui n’est omis que dans un cas, suffit pour trancher la question142. On repère ainsi aisément que sur 50 fondateurs, 34 sont des hommes et 16 des femmes, soit une proportion d’environ deux tiers pour un tiers respectivement. La chose est plus complexe en ce qui a trait au statut social des fondateurs. Dans le Livre des fondations, à l’instar de ce que l’on constate dans les obituaires en général, les clercs font immanquablement et précisément état de leur qualité. En revanche, il n’est pas toujours évident de déceler l’appartenance sociale des donateurs laïcs au sujet desquels, souvent, bien peu est dit143.

141 Le seul acte dont nous ne connaissons pas le nom du fondateur est le 67e (f. 63), qui est tronqué.

142 Ce n’est cependant pas un problème, car si l’acte 4 (f. 11) ne nous donne pas le prénom du fondateur, il nous instruit en revanche sur sa qualité de « damoiselle de la Villeneuve ». Cette demoiselle est en fait Philipotte Rolin, fille du chancelier de Bourgogne.

143 Jean-Loup Lemaître, « Nécrologes et obituaires : Une source privilégiée pour l’histoire des institutions ecclésiastiques et de la société au Moyen Âge ? », Memoria. Ricordare e dimenticare nella cultura del

medioevo / Memoria. Erinnern und Vergessen in der Kultur des Mittelalters, éd. Michael Borgolte, Cosimo

Damiano Fonseca et Hubert Houben, Bologne / Berlin, Societa editrice il Mulino / Duncker et Humbolt, 2005, p. 201-217.

Des chanoines…

L’identification du statut social des fondateurs de sexe masculin n’est pas un problème, car dans le cas présent 32 donateurs sur 34 appartiennent au clergé. Parmi ces 32 fondateurs, nous découvrons la présence de 24 chanoines de Notre-Dame d’Autun, dont deux occupèrent la charge de prévôt144. Ils représentent à eux seuls 71% des fondateurs de sexe masculin et 49% du total des fondateurs. Il n’est guère surprenant de trouver un nombre considérable de chanoines parmi les donateurs ; ils agissaient après tout en faveur de leur propre communauté et lui faisaient confiance pour assurer la perpétuité des suffrages. Le Livre des fondations lui-même faisait partie des donations du chanoine Jehan Drouhot à son collège. Ce ne sont cependant pas tous les chanoines de Notre-Dame, loin s’en faut, qui figurent dans le manuscrit autunois. C’est que la célébration de l’anniversaire ne se faisait plus comme au temps des nécrologes, où tous les membres d’une communauté ainsi que ses grands bienfaiteurs étaient automatiquement et gratuitement inscrits. À partir du XIIIe siècle, seuls ceux qui fondaient un anniversaire étaient commémorés145. Or, comme fonder un anniversaire est une question personnelle, des chanoines de Notre-Dame ont très bien pu préférer à leur chapitre celui de la cathédrale, voire la paroisse de Notre- Dame ou la confrérie du Saint-Sacrement qui partageaient toutes deux l’église Sainte-Marie avec le collège146. On peut en revanche s’étonner du nombre imposant de chanoines relativement à celui, plus faible, des donateurs laïcs, la majorité des fondations contenues dans un document nécrologique étant à l’époque habituellement effectuées par ces derniers147.

144 Il s’agit des deux premiers prévôts de Notre-Dame, Pierre Nonnel et de Jean Charvot (actes 20 et 22, f. 30 et 31).

145 Nicolas Huyghebaert, Les documents nécrologiques, Turnhout, Brepols, 1972, p. 36. À consulter avec le supplément de Jean-Louis Lemaître, fait en 1985 et paru dans la même collection.

146 Jehan Drouhot avait fondé cinq anniversaires à la cathédrale Saint-Lazare. La cure de Notre-Dame pouvait, selon ce qui était prévu lors de l’érection de l’église paroissiale Notre-Dame de la collégiale en 1450, accepter des fondations distinctes de celles du chapitre. Voir ASE, D3. Enfin, la confrérie du Saint-Sacrement, qui comptait quelques chanoines de Notre-Dame dans ses rangs (Pierre Pouchin, Pierre Lavisiez, Martin Boisson et Jehan Charvot), disposait d’un autel dans la collégiale et célébrait des messes pour les trépassés, recevait régulièrement des offrandes en échange des suffrages de ses membres. Au sujet de cette confrérie du Saint- Sacrement d’Autun, consulter M. Pellechet, « La confrérie du Saint-Sacrement d’Autun : 1416-1655 »,

Mémoires de la Société éduenne des lettres, sciences et des arts, Tome XII, 1883, p. 337-379.

Des huit autres fondateurs appartenant au clergé, trois étaient rattachés au chapitre de Notre-Dame où ils occupaient la charge de « prêtres choriaux »148. La présence de ces choriaux s’explique de la même façon que celle des chanoines.

Cinq donateurs provenaient de l’extérieur du collège de Notre-Dame. Deux d’entre eux faisaient partie du chapitre de la cathédrale Saint-Lazare, située à quelques mètres de la collégiale. Le maigre nombre – deux seulement – de membres du chapitre cathédral dans le

codex laisse entrevoir que ces deux donateurs constituent l’exception plutôt que la règle. Ils

semblent avoir tous deux connu une carrière brillante. Le premier, Étienne Boulet (acte 59, f. 51), était un proche de Mgr de Marcilly (1557-1572), évêque d’Autun. Docteur en droit, il occupa la fonction de secrétaire de l’évêque avant de devenir son grand vicaire, puis il reçut une prébende de chanoine en 1561. Il se distingua notamment en 1561, au beau milieu de la première guerre de religion, en officiant comme procureur de l’évêque dans un procès contre deux chanoines de Saint-Lazare accusés d’hérésie149. Le second, Lazare Goujon (acte 63, f. 53), était docteur en théologie, grand archidiacre d’Autun et devint en 1598 chanoine théologal150. Les deux dignitaires ont sans doute noué des liens avec les chanoines de Notre-Dame dans le cadre de leurs fonctions, ce qui pourrait expliquer les deux fondations151. Un troisième bienfaiteur, Aulbin de la Crote (acte 48, f. 45) provenait lui aussi de Saint-Lazare, main non de son chapitre. Il est désigné comme prêtre bénéficiaire de la cathédrale.

On dénombre parmi les deux derniers fondateurs appartenant au clergé un prêtre habitué, c’est-à-dire un prêtre attaché au service d’une paroisse sans en avoir ni charge ni dignité particulière, et un curé de l’église Saint-Quentin d’Autun152. En sa qualité d’habitué, Claude Regnault était attaché au service de la paroisse de Notre-Dame d’Autun et côtoyait

148 Le collège de Notre-Dame d’Autun, dirigé par un prévôt, comptait douze chanoines, douze prêtres choriaux et quatre enfants de chœur.

149 Hipollyte Abord, Histoire de la Réforme et de la Ligue dans la ville d’Autun, Tome 1, Dejussieu, 1855- 1886, p. 167.

150 Selon le CNRTL, il s’agit d’un chanoine d’un chapitre cathédral ou collégial chargé d’enseigner la théologie et de prêcher en certaines occasions. Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales, « Théologal », http://www.cnrtl.fr/definition/théologal., consulté le 23 juin 2014.

151 Jean-Loup Lemaître a d’ailleurs souligné l’utilité des documents nécrologiques pour étudier les relations entre les dignitaires et les institutions ecclésiales, par exemple entre un évêque et son chapitre. « Nécrologes et obituaires », op. cit., p. 211-217.

régulièrement le chapitre, la cure des âmes de cette paroisse relevant du prévôt du chapitre en personne ou de son vicaire153. Il semble avoir préféré les suffrages du chapitre à ceux de la cure, les deux étant des entités distinctes cohabitant dans Notre-Dame154. L’anniversaire fondé par Pierre Ducray s’explique quant à lui par les liens instaurés entre le curé de Saint- Quentin et le collège grâce aux fondations anniversaires de Jehan Drouhot. En effet, Drouhot avait demandé que le curé de Saint-Quentin reçoive une somme d’argent à chacun de ses anniversaires, à condition d’être présent155. On peut supposer que cette raison a motivé la fondation de Ducray.

Enfin, deux donateurs laïcs figurent au sein du Livre des fondations. Le premier, Claude Perreau (acte 65, f. 57), était médecin à Autun. Le second, Pierre Ravier (acte 66, f. 58) fut cordonnier de son état. Le fait que leur acte de fondation ne se trouve pas dans le manuscrit primitif mais dans le cahier 10, un des ajouts du XVIIe siècle, explique vraisemblablement leurs présences déconcertantes aux côtés des 32 bienfaiteurs ecclésiastiques.

… et des dames

Cette haute concentration d’ecclésiastiques parmi les fondateurs de sexe masculin tranche franchement lorsqu’on la compare au statut social des fondatrices. Le titre que l’on recense le plus souvent est celui de « domicella » ou « damoyselle » qui désignait, selon J. F. Niermeyer, une demoiselle noble156. Six des seize fondatrices sont ainsi qualifiées. Si on se penche attentivement sur l’identité des six demoiselles, à savoir Philipotte de la Villeneuve (acte 4, f.11), Jehanne de Gouy (acte 17, f. 28), Maria de Lévis (actes 16 et 25, f. 27 et 32), Colette Rolin (actes 30 et 33, f. 34 et 36), Suzanne Rolin (acte 27, f. 32) et Marie Poisson (acte 68, f. 64), on remarque que les cinq premières sont toutes des femmes appartenant à la famille Rolin. Cela relève de l’évidence au sujet de Colette et Suzanne

153 C’est dans l’acte de fondation de la collégiale, datant de 1450, que sont énoncées les obligations du prévôt de Notre-Dame d’Autun, dont celle de la cure des âmes de la paroisse. ASE, D3.

154 Cette distinction entre le chapitre et la cure se trouve elle aussi énoncée dans l’acte de fondation de 1450. ASE, D3.

155 Voir les actes 3 et 5 à 9, folios 9 à 22.

156 J. F. Niermeyer et C. Van de Kieft, « domicella », Mediae Latinitatis Lexicon Minus, Leiden / Boston, Brill, 2002 [1976], p. 458.

Rolin. Philipotte de la Villeneuve était la fille du chancelier bourguignon Nicolas Rolin et la sœur de Guillaume de Beauchamps, qui fut patron de Notre-Dame à la suite de Nicolas Rolin. Maria de Lévis était la femme du même Guillaume de Beauchamps. Jehanne de Gouy était la maîtresse et la mère des deux enfants bâtards du cardinal Jean Rolin, fils de Nicolas Rolin et demi-frère du sieur de Beauchamps157. Ces cinq demoiselles étaient donc bien des nobles, ainsi que leur titre de demoiselle le laissait entendre. Par ailleurs, on ne trouve dans le Livre des fondations aucun homme de la famille Rolin, alors que des documents d’archives attestent que certains firent des fondations auprès du chapitre de Notre-Dame. On conserve en effet un acte de fondation d’anniversaire pour Guillaume de Beauchamps à la Société éduenne158. Il semblerait donc qu’on ait pour une raison ou pour une autre privilégié à dessein la préservation de la mémoire des femmes de la famille Rolin. Il faut ajouter à ce groupe de demoiselles Marie Poisson, femme de François de Moroges, dont une inscription épigraphique figurant sur un pilier de Notre-Dame d’Autun donnait la qualité : DAMOYSELLE.MARIE.POISSON.VEFVE.DE.NOBLE. FRANCOIS.DE.MOROGES.AVOCAT.A.FONDE.EN. LESGLISE.DE.CEANS.DEUX.ANNI VERSAIRES.SOLENNELS.ET.ANNUELS.LE.24. Dre. 1649159.

Parmi les dix autres fondatrices, on en trouve encore une dont nous connaissons le titre. Il s’agit d’Anne Poilblanc (acte 12, f. 24), qualifiée de « domina ». Elle appartenait peut-être au clergé, le titre domina pouvant désigner en latin médiéval une moniale160. En

157 Les travaux de Jean-Bernard de Vaivre sur la généalogie des Rolin se sont montré fort utiles pour identifier ces trois demoiselles. Jean-Bernard de Vaivre, « La famille de Nicolas Rolin », La splendeur des Rolin : Un

mécénat privé à la cour de Bourgogne, Paris, Picard, 1999, p. 19-35.

158 ASE, D3.

159 À ce sujet, voir Société d’histoire, d’Archéologie et de littérature de l’arrondissement de Beaune, « Les capitaines du château de Beaune », Mémoires, Beaune, 1883, p. 137-138.

160 J. F. Niermeyer et C. Van de Kieft, « domina », Mediae Latinitatis Lexicon Minus, Leiden / Boston, Brill, 2002 [1976], p. 458.

revanche, comme elle était la veuve d’un dénommé Jean Dessoubz161, il est plus probable qu’il s’agissait d’une bourgeoise. Elle avait d’ailleurs sa sépulture à l’intérieur de la collégiale.

Des neuf autres fondatrices, on ne sait que le nom162. Il est passablement ardu de découvrir leur statut social et de retracer leurs liens avec le chapitre à l’aide du seul Livre des fondations, à l’exception d’un unique cas, celui de Marguerite Borceret (acte 54, f. 50), dont l’acte stipule qu’elle était « sœur de maistre Anthoine Borceret chanoine de Notre- Dame Dostun ». Nous avons cependant découvert dans le cahier de recensement des fondations de 1694 des informations concernant une autre fondatrice, Françoise Robert (acte 56, f. 50) : celle-ci, soumise au droit de mainmorte, était très probablement une serve attachée aux terres de Chappey, dont les chanoines étaient les seigneurs163. La liste des membres de la confrérie du Saint-Sacrement nous indique en outre que la dénommée Jehanne de Poul (acte 23, f. 31) aussi écrit de Poullan ou de Poullain, était une noble demoiselle164. Du reste, l’absence de titres des sept autres fondatrices nous fait avancer l’hypothèse qu’il ne s’agissait pas de femmes faisant partie de la noblesse, mais qu’il devait s’agir, étant donné le caractère onéreux de la fondation d’anniversaire, de riches bourgeoises liées au chapitre.

Au total, 7 des fondatrices étaient issues de la noblesse, 1 de la bourgeoisie et 1 du peuple. Le statut social de 7 d’entre elles nous reste inconnu, bien qu’elles appartenaient vraisemblablement elles aussi à la bourgeoisie. Jean-Loup Lemaître s’est penché sur le récurrent manque d’information au sujet des femmes apparaissant au sein des documents

161 Ces précisions ne sont pas issues du Livre des fondations, mais d’un cahier recensant les actes du notaire Edme Goujon l’aîné concernant Notre-Dame d’Autun. ADCO, G 2391.

162 Il est beaucoup plus ardu de rassembler des informations concernant le statut social des femmes, les actes du Livre des fondations étant passablement sibyllins au sujet de plusieurs d’entre elles. Ce n’est pas un problème lorsqu’on dispose du titre, du prénom et du nom de famille, à l’instar des actes de Colette Rolin précédés d’un sous-titre rubriqué indiquant : Sequitur fundacio pro potente domina Coleta Rolin. La chose se complexifie quelque peu quand on ne connaît que le titre et le nom de famille, comme dans le cas de la « domicellam de la Ville neufve ». Le réel défi se pose toutefois lorsque le titre d’une femme est inconnu. Ainsi, un sous-titre rubriqué notant simplement « Sequitur anniversarium feriale pro Johanna Lautouzot » précédant un acte plutôt court ne fournit aucune information quant au statut social de la fondatrice.

163 Elle n’est pas qualifiée explicitement de serve, mais nous avons déduit sa condition de son obligation à payer le droit de mainmorte. Il est écrit : « […] Francoise Robert de Chappey, la quelle donna, tant pour

l’honoraire de ladite fondation que pour le droit de sepulture et pour etre affranchie du lien de mainmorte, la somme de deux cent quatrevingt livres… ». ADSL, 10 G liasse non classée.

nécrologiques. En l’absence de testament justifiant un choix plutôt qu’un autre, avec les noms comme seule piste, leur présence dans ces documents reste malheureusement énigmatique. L’étude de l’obituaire du chapitre d’Aquileia, où les femmes sont nombreuses et les rubriques assez détaillées, a cependant montré qu’il s’agissait souvent de veuves apparaissant aussi bien en tant que fondatrice d’anniversaire pour leur mari que comme bénéficiaire165. Ce constat s’applique dans une certaine mesure au chapitre autunois, Jeanne l’Allemand fondant un anniversaire pour son défunt mari le médecin Claude Perreault, la demoiselle Marie Poisson faisant de même pour son mari et elle-même.

Voici le résumé, sous forme tabulaire selon le sexe et le statut social, de la distribution des donateurs dont le Livre des fondations a gardé le nom :

Figure 30. Distribution des fondateurs selon leur sexe et leur statut social

Hommes 34 68% Chanoines 24 48%

Choriaux 3 6%

Chanoines de Saint-Lazare 2 4% Prêtre bénéficiaire de Saint-Lazare 1 2%

Prêtre habitué 1 2%

Curé de Saint-Quentin 1 2%

Médecin 1 2%

Cordonnier 1 2%

Femmes 16 32% Demoiselles (nobles) 7 14%

Domina (bourgeoise) 1 2%

Serve 1 2%

Inconnues (bourgeoises ?) 7 14%

Total 50 100% 50 100%

165 Jean-Loup Lemaître, « Nécrologes et obituaires : Une source privilégiée pour l’histoire des institutions ecclésiastiques et de la société au Moyen Âge ? », op. cit., p. 201-217.

Fondateurs et bénéficiaires

En règle générale, les fondateurs des anniversaires en étaient également les bénéficiaires. Ils sont parfois explicitement mentionnés dans les sous-titres des actes : « Sequitur anniversarius pro domicella Johanna de Gouy » (acte 17, fol. 28), « Sequitur

anniversarium panis et vini pro bene viro magistro Stephano Sebille quondam canonico ecclesie » (acte 19, fol 21).

Dans l’absence de sous-titres, le bénéficiaire est parfois clairement stipulé dans le texte des actes, comme par exemple dans ceux de Drouhot (actes 2 et 3, f. 8-9, et 5 à 9, f. 8 à 22) ou Lemas (acte 15, f. 25) qui contiennent des formules usitées telles que « ob

remedium et salutem anime » (acte 3, f. 9) ou encore « devocione motus pro salute anime sue ». Ce genre de formules visait rarement le seul fondateur. Ce dernier demandait aussi

des suffrages pour le salut de ses proches. Cela fut systématiquement réclamé par le chanoine Drouhot, qui voulût que chacune de ses fondations servent « ob remedium et

salutem anime sue, omnibus quorum parentum, amicorum et benefactorum suorum » (acte

5, f. 11). C’est aussi le cas de Suzanne Rolin, dont l’anniversaire était célébré « pour le remede des ames delles, de ses predecesseurs, pere, mere et successeurs, parents et amis » (acte 27, f. 32). Moins ambitieuse dans ses demandes de suffrage, la veuve Marie Poisson (acte 68, f. 64) préféra fonder deux anniversaires de son vivant pour elle et son défunt mari. Même lorsque le bénéficiaire n’est pas identifié comme tel, il est sous-entendu qu’il s’agit du fondateur, à l’image de l’acte 40 (f. 42) : « Fundavit preterea dictus vir venerabilis

dominis Stephanus Genevoys canonicus hujus ecclesie responsorium Libera me, celebrandum die vicesima sexta mensis decembris ad instar ipsius superioris in crastino natalis domini die sancti Stephani. »

Les fondations d’anniversaires étaient habituellement créées du vivant de leurs fondateurs. Tant que ceux-ci étaient en vie, elles donnaient lieu à des messes du Saint- Esprit célébrées à leur intention, qui devenaient des messes anniversaires au moment de leur mort166. Mais il arrivait aussi que des fondateurs demandent dans leur testament que

166 Jacques-Gabriel Bulliot, « Jean Drouhot, curé de Saint-Quentin, chanoine de la collégiale Notre-Dame-du- Châtel d’Autun et ses fondations », Mémoires de la Société éduenne des lettres, sciences et arts, Tome VIII, 1881, p. 301-360.

l’on célèbre un anniversaire en leur faveur. Il revenait alors aux exécuteurs testamentaires d’exaucer leurs dernières volontés. Dans le codex, c’est le cas de Claude Perreau, dont la veuve Jeanne Lalemand se chargea de fonder l’anniversaire prévu dans son testament (acte 55, f. 67)167. Le cahier de recensement des fondations de 1694 nous apprend que l’acte 50 (f. 46), un anniversaire pour l’âme du chanoine Étienne Genevois, est lui aussi le fait de ses exécuteurs testamentaires, la notice recensant : « Le contrat de fondation faite par les sieurs Bouchard et Blanchot, chanoines et executeurs testamentaires de dudit sieur Genevois, suivant son intention d’un anniversaire le jour de st Vincent 22 janvier […] »168.

Le prix des suffrages

Faire célébrer une messe perpétuelle pour le remède de son âme n’était pas à la portée de tous. Au contraire, les fondations anniversaires, très coûteuses, grevaient considérablement les avoirs des donateurs169. Comme nous venons de le voir, seules les personnes d’un certain statut possédaient les moyens de s’offrir l’obit perpétuel. On concluait les fondations par un acte notarié, ce qu’atteste en partie le codex étudié. Les actes notariés garantissaient légalement les fondations, mais étaient aussi un élément du