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Productivité des mélanges multi-espèces de cultures de couverture

Chapitre 1 : Revue de la littérature

1.3 Productivité des mélanges multi-espèces de cultures de couverture

La capacité des espèces à fournir un service écologique est associée à la productivité des mélanges, autrement dit à leur biomasse aérienne (Tilman, 1999). En effet, plusieurs études ont associé la productivité des mélanges à leur service écologique : le contenu en N de la biomasse, l’approvisionnement en N de la culture commerciale subséquente, le rendement de la culture commerciale subséquente et le contrôle des plantes adventices (Finney et Kaye, 2017; Murrell et al., 2017; Blesh, 2018) (Fig. 1.2). Des études en milieu naturel (Hooper et al., 2005) ainsi qu’en milieu agricole, dans les systèmes de cultures intercalaires (Hauggaard-Nielsen et al., 2006; Bedoussac et Justes, 2011; Cannon et al., 2019), ont rapporté que la productivité des mélanges est augmentée par rapport aux espèces en cultures pures en raison des interactions positives entre les espèces du mélange. Il est ainsi important de comprendre l’effet de la diversité des espèces sur la productivité globale des mélanges.

Fig. 1.2 Diagramme conceptuel illustrant la relation entre les services écosystémiques associés

1.3.1 Évaluation de la productivité des mélanges

Le rapport équivalent de terres (RET) est un indice agronomique qui permet d’évaluer la productivité des mélanges en comparaison avec les espèces cultivées en culture pure. Cet indice a d’abord été élaboré pour comparer les cultures commerciales cultivées en intercalaire dans un modèle substitutif (Mead et Willey, 1980). Dans l’étude des mélanges de CC, il permet de mesurer la complémentarité et la compétition des espèces dans le mélange pour l’acquisition des ressources ainsi que leur performance en comparaison avec les espèces cultivées seules (Couëdel et al., 2018b; Khan et McVay, 2019; Smith et al., 2014). Le RET du mélange est calculé comme suit :

RET = pRET𝐴 + pRET𝐵= Y𝐴 S𝐴 +

Y𝐵 S𝐵

(Mead et Willey, 1980)

où pRETA et pRETB correspondent au rapport équivalent des terres de chacune des espèces du

mélange; YA et YB au rendement des espèces dans le mélange (kg ha-1); et SA et SB, au rendement

des espèces en culture pure (kg ha-1). Dans le cas des CC, le rendement correspond à la biomasse

aérienne de chacune des espèces.

Un RET supérieur à 1 indique que les mélanges sont performants et qu’ils produisent une plus grande biomasse que les espèces individuelles cultivées en culture pure. Le RET est donc un indice de sur-rendement. La comparaison entre les pRETs individuels des espèces d’un mélange a l’avantage de permettre d’évaluer la compétition dans le mélange en comparant leur performance à l’intérieur du mélange avec leur performance en culture pure. Un pRET supérieur à 1 indique que le mélange performe mieux qu’une culture pure et qu’il y a un mécanisme de synergie entre les espèces; alors qu’un pRET inférieur à 1 indique qu’il y a de la compétition entre les espèces et que les espèces sont moins performantes qu’en culture pure. Cependant, bien que les informations fournies par le RET et le pRET soient pertinentes au niveau de la recherche, leur utilisation est limitée d’un point de vue pratique. En effet, pour utiliser ces indicateurs, il est attendu que l’on doit connaître ou mesurer le rendement de chacune des espèces cultivées en culture pure dans les mêmes conditions de croissance (Mead et Willey, 1980). De plus, le RET le plus élevé ne semble pas toujours un indicateur fiable de la productivité des mélanges ni de leur capacité à fournir des services écologiques (Smith et al., 2014; Finney et al., 2016). En effet, puisque le RET est un

indicateur de sur-rendement, il ne permet pas toujours d’évaluer la capacité d’un mélange à produire une plus grande biomasse que la culture pure la mieux adaptée à un milieu donné (Wendling et al., 2017). À cet effet, Smith et al. (2014) ont constaté que la biomasse totale des mélanges constitués selon l’approche substitutive est inférieure à la biomasse de la culture pure la plus productive de l’étude, bien que le rapport équivalent de terres (RET) soit nettement supérieur. Ainsi, la mesure de la biomasse aérienne totale et de la biomasse des espèces constituantes peuvent être une approche à favoriser pour évaluer la performance des mélanges. Cette approche a l’avantage d’être facile à utiliser. De plus, elle ne requiert pas de cultiver en culture pure chacune des espèces constituant le mélange. Cette approche peut également être jumelée avec les indices de diversité des mélanges (Murrell et al., 2017) pour évaluer le développement dans le temps des espèces incluses dans le mélange. Ce qui permet d’avoir un aperçu de la compétition interspécifique. Cette approche ne permet pas, toutefois, l’utilisation de rendements de référence pour évaluer la performance de chacune des espèces du mélange.

1.3.2 Effet de la diversité et des espèces sur la productivité des mélanges

Plusieurs études se sont intéressées à la productivité des mélanges de CC en comparaison aux cultures pures. Cependant, bien qu’il y ait un grand intérêt depuis quelques années pour les mélanges multi-espèces dans la littérature scientifique, la majorité des études publiées s’attardent principalement aux mélanges de 2 espèces de CC avec une attention particulière pour les mélanges de légumineuses et non-légumineuses (Wendling et al., 2017; Couëdel et al., 2018b; Vann et al., 2019). Néanmoins, quelques études ont montré que les mélanges de CC, bien que souvent plus performants que la majorité des espèces en culture pure, étaient rarement plus performants que l’espèce la plus adaptée à un milieu donné (Wortman et al., 2012b; Smith et al., 2014; Holmes et al., 2017; Wendling et al., 2019). De plus, il ne semble pas y avoir consensus sur l’effet de la diversité des espèces sur la productivité des mélanges. Wortman et al. (2012b) n’ont pas observé un effet de la diversité sur la productivité des mélanges. Wortman et al. (2012a) ainsi que Finney et al. (2016) ont cependant observé une augmentation de la biomasse aérienne avec l’augmentation du nombre d’espèces. Anderson (2017) a observé, au contraire, une diminution marquée de la biomasse aérienne avec l’augmentation du nombre d’espèces. La productivité des mélanges dépendrait davantage des traits fonctionnels des espèces du mélange que de leur diversité (Appelgate et al., 2017; Holmes et al., 2017; Wendling et al., 2019). En effet, dans une étude conduite sur 11 sites au Nebraska et évaluant 40 traitements, dont 20 mélanges, Florence et al. (2019) ont observé que

l’augmentation de la richesse des espèces ne permettait pas d’augmenter la productivité des mélanges par rapport aux cultures seules. Ainsi, seuls les mélanges composés d’espèces ayant plus d’une fonction permettent une augmentation de la productivité des mélanges par rapport aux cultures seules. De plus, Appelgate et al. (2017) rapportent que pour qu’un mélange soit productif, il doit être composé d’au moins une espèce productive dans un milieu donné. Ainsi, bien que leurs résultats ne supportent pas que la diversité des espèces ait un impact marqué sur le rendement des mélanges, Wendling et al. (2019) préconisent l’utilisation de mélanges composés d’au moins deux espèces puisque la performance des espèces est dépendante des conditions de croissance qui peuvent être hautement variables d’une saison à une autre. En effet, l’augmentation du nombre d’espèces dans le mélange augmente la probabilité qu’une espèce soit mieux adaptée à un environnement donné et performe mieux.

1.3.3 Stabilité des mélanges

Complémentaire à la productivité des mélanges, la stabilité des mélanges donne une information additionnelle de leur performance. En effet, la stabilité des mélanges correspond à la capacité des mélanges à performer de manière soutenue sous différents climats. Ainsi, cette mesure correspond à la capacité à effectuer des services écologiques de manière constante dans le temps et dans l’espace (Wortman et al., 2012b; Smith et al., 2014; Wendling et al., 2019). La stabilité des mélanges est estimée en fonction du coefficient de variation de la productivité (CV). Ce paramètre correspond au rapport de l’écart-type de la biomasse aérienne et de la biomasse aérienne moyenne. Ainsi, plus le CV est élevé, moins grande est la stabilité d’un mélange. Toutefois, une grande stabilité des mélanges ne correspond pas nécessairement à une grande productivité (Wendling et al., 2019). Un mélange ayant une grande stabilité, mais une faible productivité ne serait pas à prioriser. Plusieurs études portant sur les mélanges de CC concluent que la stabilité des mélanges n’est pas associée à leur diversité, mais aux traits fonctionnels des espèces et à la composition des mélanges (Sanderson, 2010; Wortman et al., 2012b; Smith et al., 2014; Florence et al., 2019; Wendling et al., 2019). L’utilisation du CV sans présentation de la variance peut cependant mener à une interprétation erronée de la stabilité des mélanges. Il est ainsi recommandé de présenter l’écart-type avec le CV (Haughey et al., 2018).

1.3.4 Effet des mélanges sur la biomasse racinaire

Peu d’études se sont penchées sur l’effet de la diversité des espèces sur la biomasse racinaire. Zobel et Zobel (2002) argumentent sur l’importance d’évaluer la biomasse racinaire et aérienne pour évaluer l’interaction entre les différentes espèces d’un système. En effet, Belcher et al. (1995) suggèrent que la compétition entre les espèces d’un système est plus grande au niveau des racines que des tiges. Cette compétition affecterait ainsi la structure des communautés (Weiss et al., 2019). Or, l’évaluation de la biomasse racinaire est coûteuse en temps, surtout lorsque cette mesure est effectuée pour distinguer les espèces constituant le mélange. De plus, l’étude de la biomasse aérienne est souvent préférée à celle de la biomasse racinaire puisqu’elle est réputée pour être moins variable et demande donc moins de répétitions (Zobel et Zobel, 2002). Dans une méta- analyse portant sur la compétition des parties aériennes et racinaires, Kiær et al. (2013) concluent que les effets de la compétition des parties aériennes et racinaires sont additifs et que la compétition entre les parties racinaires serait le principal facteur limitant la performance des espèces. De récentes études utilisant des marqueurs moléculaires ont permis d’évaluer l’effet de la richesse des espèces sur la biomasse racinaire ainsi que sur la distribution des racines dans le profil de sol (Chen et al., 2017; Heuermann et al., 2019). Ces études établissent que la biomasse racinaire totale est diminuée et que le profil de distribution racinaire est modifié en comparaison aux cultures pures de chacune des espèces.

1.4 Effet des mélanges de cultures de couverture sur le contrôle