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1.4 Caractéristiques biogéochimiques

1.4.4 Productions biologiques primaire et secondaire

La productivité primaire traduit la vitesse à laquelle se forme par unité de temps, une quantité donnée de matière organique à partir de matière minérale et d'un apport d'énergie. Cette production de matière organique s'effectue par les producteurs primaires (autotrophes) principalement grâce à la photosynthèse. On appelle production primaire l'énergie qui est accumulée par la productivité primaire. La production nouvelle correspond à un apport extérieur de sels nutritifs (nitrate) par opposition à la production régénérée qui correspond à la consommation des sels nutritifs régénérés (ammonium). Une mesure généralement utilisée par les océanographes est le rapport entre production nouvelle et production primaire, appelé

f-ratio.

Le système de l’upwelling du Benguela est le plus productif en terme de production primaire des quatre principaux EBUS (Barber and Smith, 1981 ; Brink et al., 1995 ; Chávez and

Toggweiler, 1995 ; Summerhayes et al., 1995 ; Shannon and Nelson, 1996 ; Carr, 2002 ;

Field and Shillington, 2006 ; Shillington et al., 2006), avec 2.49 gC.m-2.d-1 (Tableau 1.2, selon l’estimation de Carr, 2002). Toutefois, une étude plus récente de Chavez and Messie (2009) place le système de l’upwelling du Benguela en deuxième position en terme de production primaire avec 2.67 gC.m-2.d-1, derrière le système des Canaries. Quoi qu’il en soit, ces systèmes hautement productifs ont stimulé de nombreuses études dans le but d’estimer le flux de carbone exporté par le biais de différentes méthodologies: observations directes (Brown et al., 1991 ; Chávez and Toggweiler, 1995), données satellites (Ware, 1992 ;

Waldron et al., 1998 ; Carr, 2002), et modélisation (Monteiro, 2010). La production totale nette de l’océan global est estimée à 40-50 GtC.yr-1 (Beherenfeld and Falkowski, 1997). Les quatre principaux EBUS contribuent à hauteur de ~0.95 GtC.yr−1 soit ~2% (Carr, 2002), alors que leur surface totale ne dépasse pas 0.3% de l’océan global. Certains des facteurs contrôlant la productivité des EBUS ne sont pas encore totalement compris, comme le rôle du fer et autres éléments traces (e.g. Hutchins, 1998 ; Hutchins et al., 2002 ; Franck et al., 2005) et celui de la variabilité physique à mésoéchelle (e.g. eddies, jets, meanders; Henson and

Thomas, 2007 ; Morales et al., 2007 ; Alvarez-Salgado et al., 2007).

Tableau 1.2: Synthèse des données de production primaire pour les quatre principaux EBUS. Cette synthèse met en évidence que les différences de flux de production primaire nette ne se traduisent pas avec les mêmes différences sur les flux de carbone exporté. Le f-ratio global moyen est de 0.2-0.4. D’après Monteiro (2010).

Dans le système de l’upwelling du Benguela, les taux annuels de production nette du phytoplancton ont été estimés à 0.27 GtC.yr−1 par Cushing (1969), en se basant sur des observations in-situ éparses de productivité. La plus récente estimation, basée sur un modèle de production estimée à partir des données satellites, est de 0.37 GtC.yr−1 (Carr, 2002) (Tableau 1.3). Etant donné la variabilité saisonnière et interannuelle qui caractérise les EBUS, il est remarquable que ces deux méthodes aussi différentes donnent des résultats aussi proches. Cette estimation de la production nette totale dans le système de l’upwelling du Benguela correspond à environ 0.5% de la production annuelle océanique totale estimée à 40- 50 GtC.yr−1 (Beherenfeld and Falkowski, 1997).

Cependant, alors que les taux de production phytoplanctonique nette dans le sous-système Nord du Benguela sont comparables à ceux du sous-système Sud (0.077 et 0.076 GtC.yr−1, respectivement), la biomasse dans la partie Nord du Benguela est quatre fois plus importante que celle dans la partie Sud (2.6 106 et 0.67 106 tons C, respectivement ; Brown et al., 1991). Cette observation suggère des différences entre production primaire nette et production nouvelle, comme étant un élément clé pour quantifier les flux de carbone exporté (Monteiro, 2010). Le résultat le plus significatif sur la production nouvelle fut la découverte inattendue que le f-ratio moyen dans le Benguela était l’un des plus faibles comparé aux autres systèmes d’upwelling côtiers (Probyn, 1988, 1992 ; Hutchings et al, 1995). Les f-ratios moyens dans les sous-systèmes Nord (0.3) et Sud (0.2 en été et 0.3 en automne) du Benguela sont faibles comparés aux valeurs (0.5 à 1) pour les systèmes de Californie (Eppley and Peterson, 1979 ;

Olivieri and Chávez, 2000) et du Pérou (MacIsaac et al., 1985 ; Chávez et al., 1996). Ces valeurs de f-ratio ont été utilisées pour calculer les flux de carbone exporté à partir des flux de production nette pour le Benguela (Tableau 1.2). La valeur moyenne dérivée des flux de production nouvelle est de 0.06 GtC. yr−1 pour le système de l’upwelling du Benguela. Cette valeur représente approximativement 16% de la production nouvelle estimée pour les EBUS (Tableau 1.3).

Tableau 1.3: Synthèse des flux de production primaire nette et nouvelle calculés dans le système de l’upwelling du Benguela. Le Benguela explique 10-20% des flux de production

nouvelle totale comparé aux ~40% des flux de production primaire nette. D’après Monteiro (2010).

Figure 1.21: Distribution des concentrations en chlorophylle issue de la climatologie mensuelle SeaWiFS (Septembre 1997 – Septembre 2007) dans les quatre EBUS. Le diagramme inséré dans chaque sous-figure présente la production primaire moyenne (PP ; estimée à partir des données satellite de chlorophylle et le modèle de Behrenfeld and Falkowski, 1997) et les prises de pêche (entre la côte et 100 km au large) pour les années 1998-2005. Les prises de pêche au Pérou sont supérieures d’un ordre de grandeur à celles des autres EBUS bien que les niveaux de PP soient comparables. D’après Chavez and Messié, 2009).

La production primaire du système de l’upwelling du Benguela a été estimée à 2gC.m-2.d-1 par Ware (1992), 2.49gC.m-2.d-1 par Carr (2002), 1.4  0.16 gC.m-2.d-1 basée sur les données AMT par Tilstone et al. (2009), et entre 1 et 2.5 gC.m-2.d-1 à partir d’un modèle de production primaire utilisant les données satellites (Tilstone et al., 2009). Pour la partie Nord du Benguela, Brown et al. (1991) ont estimé une production primaire à 1.1gC.m-2.d-1 entre la côte et la ligne bathymétrie 500 m. Les études récentes menées dans le cadre du programme régional BENEFIT révèlent également que la production primaire est très variable au large de la Namibie et de l’Afrique du Sud: de moins de 1 à 8.8 gC.m-2.d-1 dans les stations échantillonnées entre 1999 et 2007. Barlow et al. (2009) ont estimé que la production primaire totale le long des côtes Namibiennes, à partir des données de 1999 et 2002 collectées dans le cadre du programme BENEFIT, se situait entre 0.39 et 8.83 gC.m-2.d-1 durant Févier- Mars 2002, et entre 0.14 et 2.26 gC.m-2.d-1 durant Juin-Juillet 1999, avec d’importantes variations spatiales. Durant la campagne AMT 6 en Mai 1998 (Aiken, 1998; Aiken and Bale, 2000; Aiken et al., 2000), la production primaire totale a été estimée à différentes stations dans notre domaine d’étude. La production in-situ est estimée entre 1.6 et 3.3 gC.m-2.d-1 selon les stations. D’autres mesures de production primaire (au 14C) ont été effectuées dans le Benguela Sud (29°S-34.5°S) en Octobre 2006 et Mai 2007. La production primaire était généralement plus importante au printemps 2006 (0.85 à 8.6 gC.m-2.d-1) qu’en automne 2007 (0.7 à 3.3 gC.m-2.d-1), avec une prédominance des diatomées en Octobre 2006 et un mélange de petits flagellés et diatomées en Mai 2007 (Barlow et al., 2008).

Toutefois, bien que le système de l’upwelling du Benguela soit le plus productif (ou l’un des plus productifs, selon la méthodologie utilisée) des quatre principaux EBUS, ses prises de pêche sont les plus faibles (<0.5 gC.m-2.d-1 ; Figure 1.21 ; Chavez and Messié, 2009).

Monteiro (2010) a estimé le flux de carbone vers le zooplankton à 0.26 gC.m-2.d-1 pour le sous-système Nord du Benguela et 0.18 gC.m-2.d-1 pour le sous-système Sud. Une part importante de la production primaire n’est pas broutée par le zooplancton mais sédimente sur le plateau et talus continental, formant un tapis de sédiments riche en matière organique, et caractéristique des systèmes d’upwelling. Une même discordance se produit entre le zooplancton et les petits poissons pélagiques, réduisant l’efficacité du transfert d’énergie dans la chaîne trophique. Ces disparités expliquent le paradoxe du système du Benguela qui est très productif en terme de production primaire (Carr, 2002 ; Chavez and Messié, 2009), alors que les prises de pêche sont plus faibles comparées à des zones d’upwelling de même niveau de production primaire (Hutchings, 1992).

L’évolution temporelle de l’abondance des copépodes (mésozooplancton ; en nombre d’individu.m-2: no.m-2) au large de Walvis Bay, intégrée sur 200 m entre 2000 et 2007, met en évidence une importante variabilité interannuelle (Figure 1.22 ; Kreiner and Ayon, 2008). Toutefois, le maximum d’abondance est généralement observé durant la première partie de l’année (été et début d’automne, avec 1.105 to 7.105 no m-2) et se situe entre 10 (14.2°E) et 50 miles nautiques (13.5°E) au large de la côte (Kreiner and Ayon, 2008), et le minimum d’abondance correspond au maximum d’intensité de l’upwelling (Septembre) (Hansen et al., 2005). Durant la campagne AMT 6 en Mai 1998, la biomasse du zooplancton a été estimée dans le sous-système Nord du Benguela, selon différentes classes de taille (200-500 μm, 500- 1000 μm, 1000-2000 μm et >2000 μm), et intégrée sur 200 m. La fraction comprise entre 200

et 2000 μm, généralement considérée comme le mésozooplancton, varie entre 360 et 2200 mgN.m-2.

Figure 1.22: Abondance de copépodes (nombre d’individu.m-2) au large de Walvis Bay (23°S), d’après Kreiner and Ayon (2008).