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1.3 Caractéristiques physiques

1.3.5 Activité mésoéchelle

Les processus physiques à mésoéchelle jouent un rôle important dans les EBUS. Ils sont principalement forcés par les instabilités dues à la circulation grande échelle, les interactions entre les courants et la bathymétrie ou l’effet du vent. Dans l’océan, l’intensité (en vitesse et en signature thermohaline) des processus à mésoéchelle dépasse généralement le flux moyen d’un ordre de grandeur ou plus. Une grande partie de l’énergie cinétique tourbillonnaire (EKE: Eddy Kinetic Energy) est générée par les instabilités du flux moyen, mais les vents fluctuants peuvent également fournir un mécanisme de forçage direct dans les zones de faible énergie tourbillonnaire. Les tourbillons fournissent en retour de l’énergie et du mouvement au flux moyen et contribue à la circulation océanique profonde (Wunsch and Ferrari, 2004). Les tourbillons et filaments transportent aussi chaleur, salinité, carbone, nutriments, phytoplancton, polluants,… durant leur propagation dans l’océan (Danabasoglu et al., 1994). Ils sont également associés à une forte signature hydrodynamique, spécialement les vitesses verticales, importantes pour le développement de la vie planctonique dans l’océan. Ainsi, les processus à mésoéchelle (10-1000 km) et à submésoéchelle (1-10 km) pourraient jouer un rôle significatif dans les budgets globaux des traceurs physiques et biogéochimiques, et avoir un fort impact sur l’écosystème.

Tourbillons et filaments

Dans les EBUS, l’activité mésoéchelle et submésoéchelle se caractérise par un champ de tourbillons et de filaments en interaction. Les tourbillons se traduisent sur l’élévation de la surface libre par des anomalies positives ou négatives plus ou moins circulaires. La source principale pour la formation et le maintien de ce champ de tourbillons est l’instabilité barocline des courants de bord (Marchesiello et al., 2003). A chaque apport d’énergie par un coup de vent, celle-ci est d’abord communiquée aux structures de petite taille, avant de migrer vers les structures plus grandes (Durski and Allen, 2005). Plusieurs mécanismes ont été proposés pour expliquer le déplacement progressif de l’énergie vers les grandes échelles. Comme ce sont les modes les plus instables qui se développent le plus vite, on ne voit apparaître les modes de plus grandes longueurs d’ondes que plus tard (McCreary et al., 1991). Une autre hypothèse est que les interactions non linéaires entre les perturbations induisent une augmentation de la taille des perturbations (McCreary et al., 1991).

Lorsqu’un courant, orienté de la côte vers le large, transporte des eaux froides d’upwelling, on parle de filament d’upwelling. Plusieurs concepts de filaments ont été avancés (Strub et al., 1991). Dans un certain nombre de cas, il s’agit d’une déformation du jet côtier formant un méandre de la taille d’environ 100-300km (Flament et al., 1985). Les filaments constituent alors la partie du méandre allant vers le large. Les filaments peuvent également être générés par le champ de tourbillons à mésoéchelle, dans les régions où le champ de vitesse est dirigé

vers le large. Ce concept diffère du précédent par la différence d’intensité entre le jet côtier et les tourbillons, par la continuité du jet dans le cas du méandre. Les filaments se présentent sous la forme d’une langue d’eau froide plutôt mince (~30km) pouvant être quasi rectiligne ou fortement déformée par des instabilités (Flament et al., 1985). Les filaments contribuent de façon très significative au transport vers le large. Flament et al. (1985) estiment cette contribution supérieure au transport d’Ekman le long de la côte californienne. Kostianoy and

Zatsepin (1996) estiment que la moitié du transport vers le large se passe dans les filaments. La localisation des filaments est généralement déterminée par la topographie. Ils se situent souvent au niveau des caps (Marchesiello et al., 2003). Les accidents topographiques facilitent le décollement du jet côtier de la côte et de la rupture de pente entre le plateau et le talus continental (Dale and Barth, 2001; Castelao and Barth, 2006). De plus, la localisation des fronts de SST est pour une large partie contrôlée par la topographie (Castelao et al., 2005).

Dans la zone de l’upwelling du Benguela, des filaments sont régulièrement advectés vers le large, au-delà du front océanique. Ces filaments, ou jets quasi-géostrophiques, sont générés par l´activité intense du système d´upwelling du Benguela, ils sont contraints par la topographie de fond (Campillo-Campbell and Gordoa, 2004). Des filaments de longueur exceptionnelle sont produits par leur interaction avec des anneaux anticycloniques libérés par le courant des Aiguilles lors de sa rétroflexion ou l’effet de vents très intenses (Lutjeharms et

al., 1991). Ainsi, cette zone de mélange peut atteindre jusqu’à 625-1000 km au large (Lutjeharms et Meeuwis, 1987 ; Lutjeharms and Stockton, 1987 ; Lutjeharms et al., 1991) et 100 m de profondeur (Lutjeharms et al., 1991). Les filaments peuvent être observés durant plusieurs semaines et peuvent transporter un volume de 106 m3.s-1 (Lutjeharms et al., 1991). Des méandres (longueur d’onde ~250 km) de chaque côté des filaments modulent la trajectoire de l’eau froide vers le large. Les courants de surface dans les filaments sont d’environ 40 cm.s-1 près de la zone d’upwelling (Lutjeharms et al., 1991). Dans le sous- système Nord du Benguela, les plus longs filaments se développent en hiver (de Juillet à Septembre) et début printemps (Octobre et Novembre), au large des cellules d’upwelling les plus intenses (Shannon, 1985 ; Lutjeharms and Meeuwis, 1987).

Turbulence et concentrations en chlorophylle-a

Rossi et al. (2008, 2009) ont réalisé une analyse comparative entre le mélange horizontal de surface (par l’intermédiaire des FSLE ; Finite-Size Lyapunov Exponents) et l’activité biologique associée (concentrations en chlorophylle-a) dans les quatre principaux EBUS. Cette étude a mis en évidence des niveaux de turbulence bien distincts entre le sous-système Nord et Sud du Benguela (Figure 1.15) ; la zone la plus riche en chlorophylle-a étant associée au sous-système qui présente les FSLEs les plus faibles (sous-système Nord). Une corrélation négative est ainsi mise en évidence entre le mélange horizontal de surface et les concentrations en chlorophylle-a. Cette relation est fortement négative dans la bande côtière ; elle diminue en s’éloignant de la côte, jusqu’à devenir nulle voire positive dans le gyre oligotrophe. En effet, dans l’océan ouvert où la production biologique de surface est fortement limitée par les nutriments, ces processus mésoéchelle et leurs vitesses verticales

associées augmentent significativement l’apport de nutriments en surface et favorisent ainsi la croissance du phytoplancton.

Figure 1.15: Moyenne temporelle (Juin 2000 - Juin 2005) des FSLEs déterminés à partir des courants horizontaux issus de produits satellites pour le système de l’upwelling du Benguela. Les boites délimitent les deux sous-systèmes. D’après Rossi et al. (2008).

Sur la base d’observations satellites et d’un modèle résolvant les tourbillons, Gruber et al. (2011) confirment que les processus à mésoéchelle tendent à réduire la production biologique dans les EBUS. Les tourbillons et autres processus à mésoéchelle induisent un transport latéral qui apporte des eaux à flottabilité positive vers la côte, augmentant ainsi la stratification et la subduction les eaux récemment advectées par upwelling. Ce processus contraint la zone très productive près de la côte. Les eaux subductées, enrichies en nutriments, sont alors advectées vers le large par les tourbillons (Figure 1.16). Il en résulte une perte de nutriments pour le système de l’upwelling.

Figure 1.16: Diagramme illustrant le rôle des tourbillons à mésoéchelle sur la circulation côtière, le transport des nutriments, la production et l’export de matière organique. Les lignes épaisses indiquent le transport d’azote total, les lignes fines représentent la circulation. Les transports et circulations dues à Ekman sont indiqués en bleu. Les flèches rouges montrent les transports et vitesses dus aux tourbillons. Les flèches vertes représentent l’export de matière organique. D’après Gruber et al. (2011).