• Aucun résultat trouvé

1.4 Caractéristiques biogéochimiques

1.4.6 Emissions de gaz à effet de serre

Le protoxyde d’azote

Les concentrations en N2O, dont le pouvoir réchauffant vaut 300 fois celui du CO2 (Jain et al., 2000; Ramaswamy et al., 2001), sont actuellement en augmentation dans l’atmosphère. Le N2O n’est détruit que dans la stratosphère, où il peut donner des oxydes d’azote qui interviennent ensuite dans les cycles catalytiques de destruction de l’ozone. Il joue par conséquent un rôle clé dans l’ozone stratosphérique et le budget de chaleur troposphérique (Bange, 2006 ; IPCC - Denman et al., 2007). Cette constatation a stimulé l’étude des processus océaniques de production de N2O. La contribution océanique peut atteindre 30% des sources de N2O atmosphériques (Bange, 2006; Denman et al., 2007), les régions d’upwellings côtiers représentant une grande part de cette contribution (jusqu’à 50% des sources océaniques ; Nevison et al., 2003). La plupart de ces régions sont associées à des OMZs, les processus impliqués dans le cycle du N2O étant la nitrification et la dénitrification (Gallegos and Farias, 2008 ; Kock et al., 2008).

Les EBUS apparaissent ainsi comme étant des sources particulièrement importantes de protoxyde d’azote (N2O) (Codispoti et al., 2001; Cornejo et al., 2006; Farias et al., 2007 ;

Paulmier et al., 2008) pour l’atmosphère. En effet, le N2O océanique est produit durant les processus de nitrification et dénitrification microbiennes dans les eaux de sub-surface et au niveau du sédiment (Section 1.4.5). Le N2O produit est ensuite advecté par upwelling (Horrigan et al., 1981 ; Ward, 1986). De plus, les zones d’upwellings étant caractérisées par une forte production primaire, l’importante quantité de matière organique dans la colonne d’eau créée des conditions favorables pour augmenter la production microbienne de N2O (Epply and Peterson, 1979 ; Capone, 1991 ; Codispoti et al., 1992 ; Bange, 2008).

Une récente étude de Gallegos and Farias (2008) au large du Chili a montré que la principale accumulation de N2O se situe au niveau de l’oxycline. Le fort gradient d’O2 semble être le site idéal pour les bactéries nitrifiantes et dénitrifiantes produisant du N2O, ce qui constitue une importante source de N2O pour l’atmosphère. Les flux de N2O les plus importants ont été observés durant la période active d’upwelling au large du Chili, confirmant l’importance de l’upwelling comme mécanisme de dégazage (Farias et al., 2008). Différentes études menées au large du Chili (Paulmier et al., 2008), de la Mauritanie (Wittke et al., 2010) et de la

Californie (Lueker et al., 2003) confirment l’importance des zones d’upwelling comme source de N2O pour l’atmosphère. La saisonnalité des flux de N2O à l’interface océan-atmosphère reflètent la saisonnalité des vents d’upwelling (Wittke et al., 2010). Le manque d’étude dans la zone de l’upwelling du Benguela n’a jusqu’à très récemment pas permis de documenter la production et le dégazage de N2O (Naqvi et al., 2010). Pour la première fois dans le système de l’upwelling de Namibie, des prélèvements ont été réalisés au large de Walvis Bay (23°S) pour la détermination des concentrations en N2O durant la campagne FRS Africana, en Décembre 2009, dans le cadre du projet Allemand GENUS (Geochemistry and Ecology of the Namibian Upwelling System ; voir le rapport de campagne de Verheye and

Ekau, 2009). Une collaboration avec Tim Rixen du Leibniz Center for Tropical Marine Ecology (Bremen, Allemagne) m’a permis d’avoir accès aux données collectées durant cette campagne, en Décembre 2009. L’analyse de ces données est effectuée plus en détail dans la Section 2.2.4 du chapitre suivant, et ont fait l’objet d’un article récemment publié dans le journal Biogeosciences Discussion (Gutknecht et al., 2011 ; voir Chapitre 3 de la thèse).

A partir d’un modèle d’upwelling, Nevison et al. (2004) ont estimé les émissions de N2O dans la zone Sud-Ouest de l’Atlantique Sud, le long des côtes Africaines (5°S – 30°S: 1.9 105 km2 soit 10.9% de la surface globale des zones d’upwelling). Les émissions annuelles de N2O sont estimées à +16 Gg N, soit 8% des émissions globales de N2O des zones d’upwelling. En divisant par la surface considérée, cette zone émet +8.4 10-2 g N m-2 yr-1. Les autres systèmes d’upwelling côtiers étudiés par Nevison et al. (2004) émettent entre +6.3 et +16.4 10-2 g N m-2 yr-1. Cette étude montre que les émissions dans la zone de l’upwelling du Benguela ne sont pas négligeables et contribuent aux émissions de N2O océaniques.

Le dioxyde de carbone

L’importance des flux de CO2 à l’interface océan-atmosphère reste mal connue dans les EBUS, alors qu’elle est essentielle pour comprendre le rôle de ces régions très productives dans le cycle du carbone global. Les zones d’upwellings sont le siège de processus physiques et biogéochimiques très actifs. Dans la région Sud-Est Atlantique, la variabilité du flux de CO2 à l’interface océan-atmosphère est importante en raison de l’upwelling du Benguela et des structures à mésoéchelle comme les tourbillons et filaments. Durant un évènement d’upwelling, les eaux profondes riches en carbone inorganique dissous (TCO2) sont advectées vers la surface. La température de ces eaux augmentant, le coefficient de solubilité du CO2 diminue, entraînant une augmentation de la pression partielle océanique de CO2 (pCO2). De très fortes valeurs de pCO2 dans l’océan de surface (jusqu’à 800 μatm) ont été mesurées dans cette zone durant la campagne Galathéa, avec une importante émission de CO2 vers l’atmosphère (jusqu’à 2.4 gCO2.m-2.d-1) (Sørensen et al., 2008 ; voir Section 2.2.3 du chapitre suivant). Lors d’un épisode d’upwelling, les effets de remontée d’eaux riches en TCO2 et le dégazage de CO2 sont plus importants que la consommation de CO2 par la photosynthèse. Cependant, en s’éloignant de la zone d’upwelling, la photosynthèse est le principal processus qui permet une diminution de la pCO2 océanique. L’océan agit alors comme un puits de CO2 atmosphérique.

La campagne FRS Africana (en Décembre 2009), dans le cadre du projet GENUS, a déjà permis de quantifier les flux de CO2 à l’interface océan-atmosphère le long des côtes Namibiennes et d’Afrique du Sud (Figure 1.29). Les estimations présentées dans le rapport de campagne (Verheye and Ekau, 2009) montrent un faible flux de CO2 vers l’océan dans la partie Sud du Benguela (de 27.5°S à 33°S), un faible dégazage entre 23°S et 27.5°S, et un important dégazage de CO2 estimé à 11.2 TgC.yr-1 entre 17°S et 23°S. Cependant, la variabilité spatiale et temporelle dans le système de l’upwelling du Benguela est importante.

Santana-Casiano et al. (2008) et Gonzalez-Davila et al. (2009) ont étudié la variabilité du flux océan-atmosphère de CO2 au large de la zone de l’upwelling du Benguela en 2005 et 2006. Cette zone présente un flux négatif, agissant principalement comme un puits de CO2. D’après ces deux études et les observations faites durant la campagne Galathéa, l’océan se comporte comme une source de CO2 pour l’atmosphère au niveau de l’upwelling et un puits de CO2 atmosphérique au large de la zone d’upwelling. Le bilan net du flux de CO2 à l’interface océan-atmosphère dans le système complet n’est pas connu actuellement, ce système pouvant être une source ou un puits de CO2 pour l’atmosphère.

Figure 1.29: Flux de CO2 moyennés

pour trois sections du transect (convention atmosphérique : positif : dégazage vers l’atmosphère, négatif : flux dirigé vers l’océan). Pour la détermination des flux de CO2, la zone

du plateau et talus continental (< 500 m) a été considérée (zone en bleu). La ligne bleue foncée représente la trajectoire du navire durant la campagne FRS Africana, en Décembre 2009, dans le cadre du projet GENUS. D’après le rapport de campagne de Verheye and Ekau (2009).