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3.1 Introduction

De nombreuses incertitudes subsistent sur les sources de nutriments susceptibles de soutenir la production primaire des gyres subtropicaux océaniques. En effet, plusieurs processus pourraient être mis en œuvre (Charria et al., 2008b): 1) le transport de nutriments par l’activité mésoéchelle; 2) le transport d’Ekman de matière organique dissoute (DOM ; Dissolved Organic Matter) lentement reminéralisée depuis les bords du gyre enrichis; 3) la fixation biologique du diazote (N2) à l’interface océan-atmosphère; 4) le transport et dépôt atmosphérique d’azote réactif; 5) et le transport de nutriments et de matière organique (OM ; Organic Matter) depuis les zones côtières d’upwelling. Les EBUS pourraient être une importante source d’azote pour les gyres subtropicaux, en exportant les nutriments et la OM produite dans la zone côtière vers l’océan ouvert. Cependant, ces systèmes d’upwelling sont souvent associés à des zones de minimum d’oxygène (OMZ ; Oxygen Minimum Zone), principales zones de perte d’azote dans l’océan par dénitrification et anammox (e.g. Codispoti

et al., 2001; Paulmier and Ruiz-Pino, 2009), qui peuvent diminuer la source d’azote de ces

régions pour les gyres subtropicaux. De plus, les OMZ des EBUS, où se produisent les processus affectant le cycle du N2O (dénitrification et nitrification), sont généralement associées à des émissions de N2O vers l’atmosphère (Codispoti et al., 2001; Cornejo et al., 2006; Farias et al., 2007; Paulmier et al., 2008). Les émissions estimées pour les EBUS peuvent contribuer jusqu’à 50% des sources océaniques de N2O vers l’atmosphère (Bange, 2008), alors que la surface des EBUS ne représente que 0.5% de l’océan global (voir Tableau 2 de Nevision et al., 2004).

Comme les autres principaux EBUS, le système de l’upwelling du Benguela et plus spécialement la zone de l’upwelling de Namibie entre 20°S et 25°S, génère une intense production primaire dans la zone de surface et une production exportée associée qui alimente les processus de reminéralisation dans la colonne d’eau (Monteiro et al., 2006; Hutchings et

al., 2009). Cette intense activité microbienne consomme l’oxygène dissous et, un minimum

de concentration se forme régulièrement au niveau du plateau et du talus continental au large de la Namibie. Des concentrations inférieures à 0.5 mlO2.l-1 et même en dessous du niveau limite de détection sont mesurées à certaines périodes de l’année au large de Walvis Bay (Monteiro et al., 2006, 2008). En plus de la barrière respiratoire qui affecte la plupart des espèces marines (Ekau et al., 2010), des émissions de sulfures peuvent se produire durant ces épisodes anoxiques, entraînant une forte mortalité de la faune locale. Dans cette OMZ, les processus de dénitrification et anammox induisent une perte massive d’azote (Kuypers et al., 2005; Lavik et al., 2009), pouvant atteindre près de 1 TgN.yr-1 (Kuypers et al., 2005)et par conséquent, pouvant affecter le transfert d’azote vers la partie Est du Gyre Subtropical de l’Océan Atlantique Sud.

Dans ce chapitre, différentes questions sont posées : 1) Quelle est l’importance du transfert d’azote entre la côte et la partie Est du Gyre Subtropical de l’Océan Atlantique Sud comparée aux autres sources d’azote pour l’océan ouvert ? 2) Quelle est la perte d’azote par les processus anoxiques de dénitrification et anammox ? et 3) Quelle est la production océanique de N2O ?

Pour répondre à ces questions, un article récemment soumis au journal Biogeosciences a été inclus dans ce chapitre de thèse. Les sections 2 et 3 de l’article ci-dessous présentent le modèle couplé développé durant cette thèse ainsi que les données utilisées pour la validation de la simulation. Une description plus détaillée de ces deux sections est présentée dans le chapitre 2 de la thèse. Les performances du modèle sont évaluées dans la Section 4 de l’article, en utilisant différentes "métriques" ou paramètres statistiques (cœfficient de corrélation, déviation standard et moyenne quadratique ou RMS). L’analyse statistique de la comparaison modèle-données est présentée sous forme de diagramme de Taylor lorsque la quantité de données in-situ le permet. Les champs de température, salinité, densité, nitrates et oxygène sont analysés dans de tels diagrammes. Pour les autres variables, une simple comparaison entre modèle et données in-situ a été réalisée, afin de mettre en évidence les performances de notre modèle pour représenter les principales caractéristiques/structures spatiales et/ou temporelles des champs étudiés. Enfin, le bilan annuel d’azote a été étudié (section 5 de l’article) dans la zone de Walvis Bay afin mettre en évidence les principaux flux d’azote et de répondre aux questions posées ci-dessus.

3.2 Article : Nitrogen transfers and air-sea N2O fluxes in the Upwelling off Namibia

within the Oxygen Minimum Zone: a 3-D model approach (Gutknecht et al., 2011)

Abstract – Résumé

Les systèmes d’upwelling de bord Est (EBUS ; Eastern Boundary Upwelling Systems) sont des régions très productives souvent associées à des zones de minimum d’oxygène (OMZ ; Oxygen Minimum Zones), et représentent des zones clés pour le cycle océanique de l’azote. En effet, en exportant la matière organique (OM ; Organic Matter) produite dans la zone côtière vers l’océan ouvert, les EBUS jouent un rôle important dans le soutien de la

production primaire des gyres subtropicaux. Des pertes d’azote par dénitrification, anammox et émissions de protoxyde d’azote (N2O) vers l’atmosphère ont lieu dans les environnements pauvres en oxygène tels que les EBUS. Ces pertes d’azote peuvent réduire la source d’azote de ces régions pour les gyres subtropicaux. Dans notre étude, un modèle tridimensionnel couplé physique/biogéochimie (ROMS/BioEBUS) a été développé afin d’étudier le bilan d’azote complet dans le sous-système Namibien du système de l’upwelling du Benguela (BUS ; Benguela Upwelling System). Les différentes variables d’état d’une simulation climatologique ont été confrontées à différents jeux de données (observations satellites et in-

situ). Cette étude statistique montre que le modèle est capable de représenter la biogéochimie

de la région.

En utilisant ce modèle couplé, le transfert d’azote a été étudié dans le système de l’upwelling de Namibie, spécialement la zone située entre 22°S et 24°S où l’OMZ est bien développée (O2 < 0.5 mlO2.l-1). 10.5 1013 mmolN.yr-1 de OM sont exportés hors du plateau continental (entre 0 et 100 m de profondeur). 32.4% et 18.1% sont exportés par advection sous forme dissoute (DOM ; Dissolved Organic Matter) et particulaire (POM ; Particular Organic Matter), respectivement, mais la sédimentation verticale de POM dans la colonne d’eau représente le principal processus (49.5%) pour exporter la OM hors des 100 premiers mètres du plateau continental. Le talus continental représente également une perte d’azote (11.1 1013 mmolN.yr- 1

) pour les 100 premiers mètres de la colonne d’eau : les processus d’advection exportent 14.4% de DOM et 1.8% de POM, et la sédimentation verticale de POM contribue à hauteur de 83.8%. Entre 100 et 600 m de profondeur, les processus de dénitrification et anammox génèrent une perte d’azote de 2.2 1011 mmolN.yr-1 sur le plateau et le talus continental, ce qui est loin d’affecter le transfert d’azote entre la côte et l’océan ouvert. Au fond, une importante quantité de OM est séquestrée dans le sédiment superficiel du plateau Namibien. 78.8% de la sédimentation verticale de POM à 100 m de profondeur est séquestrée dans le sédiment du plateau, alors que sur le talus, seulement 14% du POM qui sédimente atteint le sédiment avant d’être reminéralisé.

A partir de notre estimation, le système de l’upwelling de Namibie peut être une source considérable d’azote pour la partie Est du gyre subtropical de l’Atlantique Sud. Un apport d’azote de 28.7 1013 mmolN.yr-1 peut être déduit du bilan d’azote à 10°E, entre 22°S et 24°S (0-100 m). En considérant la même surface pour le gyre subtropical Atlantique Sud que pour le gyre subtropical Atlantique Nord, cette estimation équivaut à 3.7 10-2 molN.m-2.yr-1, du même ordre de grandeur que les autres sources d’azote susceptibles de soutenir la production primaire des gyres subtropicaux.

Alors que la zone étudiée entre 22°S et 24°S dans le système de l’upwelling de Namibie (zone de Walvis Bay) ne représente pas plus de 1.2% des principales régions de bord Est au niveau global, ces émissions de N2O contribuent pour 4% des émissions des régions de bord Est, et représentent 0.2% des émissions de N2O de l’océan global. Au niveau du BUS entier, les émissions de N2O devraient être prises en compte dans le budget de N2O atmosphérique.