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LA PRODUCTION DE REFERENCE : LES VERRES CONTEMPORAINS DE LA COMPAGNIE ORSONI

Chapitre 4 Les productions de verre opaque étudiées

I. LA PRODUCTION DE REFERENCE : LES VERRES CONTEMPORAINS DE LA COMPAGNIE ORSONI

La production de référence étudiée est celle des tesselles de mosaïque contemporaines de couleur blanche, bleue et turquoise, fabriquées par l'usine Orsoni basée à Venise. Cette entreprise familiale est une des rares compagnies à encore utiliser de l’antimoine pour opacifier une partie de ses verres. C’est pourquoi elle a servi de référence à notre étude.

Elle utilise un procédé ingénieux d’opacification des verres, hérité des recettes de verriers de Murano du 19ème et 20ème s., basé sur l’ajout d’un verre blanc très riche en cristaux, appelé « corpo », dans un verre translucide coloré ou non (chap.3-II.3).

La compagnie Orsoni fut fondée à Venise au 19ème s., sous l’impulsion d’Angelo Orsoni. Né dans une famille de l’île de Murano, Angelo Orsoni passa ses jeunes années à travailler dans les fabriques de verre. Il fut remarqué par le mosaïste Giandomenico Facchina qui, après avoir reçu une importante commission de France, ouvrit une fabrique de tesselles de mosaïque à Venise, et offrit à Orsoni d’y produire des verres opaques. Quand Facchina déménagea pour la France, le jeune Angelo pris en main l’atelier de Venise. En 1889, il présenta son travail de tableau mosaïqué à la Grande Exposition de Paris, et eut un grand succès. Cette oeuvre lui conféra alors un statut d’artiste reconnu (Figure 16a).

Au début du 20ème s., Angelo Orsoni transféra son entreprise à la Fondamenta di Cannaregio, où elle est toujours actuellement située. Le nom d’Orsoni devint rapidement connu et lié à des projets d’envergure dans le monde entier. L’entreprise familiale a perduré de générations en générations et elle produit aujourd’hui plus de 2000 teintes de verre différentes (Figure 16b). Les mosaïques de la fabrique Orsoni peuvent être admirées aux quatre coins du globe, de l’abbaye de Westminster à Londres, aux bouddhas de Bangkok, en passant par la Sagrada Familia de Barcelone.

Un «corpo» et sept tesselles de mosaïque (3 tesselles blanches, 3 tesselles bleues et 1 tesselle turquoise) ont été choisis de manière à couvrir le maximum de teintes de verre opaque. (Annexe 2).

II. LES VERRES EGYPTIENS DE LA XVIII

EME

DYNASTIE

(1570-1292 AV. J.C)

Les objets en verre opaque de la XVIIIème dynastie égyptienne (1570-1292 av. J.C), comptent parmi les plus belles pièces anciennes, et constituent la toute première « production » de verre de l’Antiquité (chap.1-I.1).

Les premiers verres, ou verriers, auraient été introduits en Egypte après une campagne de Thoutmosis III (1479-1425 av. J.C.) en Syrie-Palestine (Nicholson, 1995). Les conditions précises de l’émergence de cette production de verre sont inconnues, mais, au milieu du 14ème s. av. J.C., il semblerait que des objets en verre aient commencé à être produits dans de nombreux sites en Egypte et au Proche-Orient, dont les plus connus sont Malkata, près de Thèbes, et Amarna en moyenne Egypte.

La XVIIIème dynastie (1570-1292 av. J.C) marque une période d’apogée dans tous les domaines de l’art et celui du verre ne fait pas exception. Les objets en verre sont réservés à la famille royale et aux hauts dignitaires, auxquels ils sont distribués par le souverain pour les honorer ou les récompenser. On a retrouvé ce précieux matériau dans des tombes royales ou princières, ou dans celles de nobles ou de personnes importantes.

Les objets de l’époque peuvent avoir de nombreuses formes et fonctions mais sont toujours des objets de très grande qualité (Figure 17). Perles, amulettes, sculptures et vaisselle en verre ont les mêmes fonctions que les objets en pierre et céramique. Ils sont utilisés comme bijoux, récipients à parfums ou cosmétiques, et peuvent également servir pour exécuter des portraits royaux comme sous le règne d’Amenhotep II (1427-1401 av. J.C.). Certains types et couleurs de pierres étaient plus utilisées dans certains contextes ou rites, et le verre opaque de même couleur semble avoir été crédité des mêmes rôles et effets.

A partir de la mort de Toutankhamon (1326 av. J.C.), le verre est surtout utilisé comme élément d’incrustation. Malgré un regain de production sous Ramsès II, son déclin s’amorce à la fin de la XIXème dynastie, vers 1200 av. J.C. dans une Egypte ravagée par les attaques des peuples voisins. Les ultimes récipients en verre de l’époque pharaonique datent du 10ème s. av. J.C., et sont les gobelets ayant appartenus à Nésikhon, la femme du grand prêtre Pinedjem II qui serait décédée en 974 av. J.C. (Schlick-Nolte et Werthmann, 2003). Le verre disparaît alors presque totalement jusqu’à la XXème et dernière dynastie (première moitié du 4ème s. av. J.C.) en même temps que le pouvoir central et que la fonction royale se disloquent.

Figure 17 Flacon en forme de poisson, fond bleu décoré de chevrons opaques blancs et jaunes, provenant de Tell-Amarna (Egypte), XVIIIème dynastie. Londres British Museum, (d’après Slitine, 2005).

Ces objets étaient mis en forme par la technique de l’enduction sur noyau qui a connu très tôt un grand succès principalement pour la fabrication de récipients creux à petite ouverture : un noyau de terre réfractaire (du sable souvent mêlé à de l’argile et à des fibres végétales) était d’abord façonné par le verrier qui lui donnait approximativement la forme qu’il désirait obtenir. D’après Stern et Schlick-Nolte (1994), ce noyau était recouvert de poudre de verre, puis était chauffé afin que celle-ci puisse y adhérer. Une fois que le verre enduisait le noyau, on le portait sur le feu pour qu’il fonde. Cette panse ainsi constituée, elle était décorée par application de filets de verre de différentes couleurs ramollis par la chaleur. Avec un outil pointu, le verrier les étirait, dessinant un décor de zigzags ou de « festons ». Des milliers de tiges monochromes ont été trouvées dans des ateliers verriers du Nouvel Empire. Pour lui donner sa forme définitive, le vase était roulé sur une plaque, ou bien modelé avec un outil. Après refroidissement, on retirait le noyau friable en le grattant (Figure 18).

Les tessons de verre opaque coloré du Nouvel-Empire (XVIIIème dynastie Egyptienne, 1570-1292 av.J.C.), ont été prêtés par le Département des Antiquités Egyptiennes du Musée du Louvre (G. Pierrat-Bonnefois). Le site exact de provenance et le contexte des fouilles ne sont pas connus. Ces tessons sont des fragments de flacons ou de vases de petites dimensions (de 5 à 10cm de haut) (Annexe 3).

Les micro-prélèvements ont été effectués sur les tessons de verre opaque de manière à couvrir le maximum de couleur (Tableau 1). Six micro-prélèvements de verres translucides et semi-opaques bleus d’objets datant également de la XVIIIème dynastie Egyptienne (1570-1292 av.J.C.), ont été prêtés par le laboratoire d’analyse du British Museum par l’intermédiaire de I.C. Freestone.

III. LES TESSELLES DE MOSAÏQUE ROMAINES D’AQUILEE

ET DE ROME (1

ER

S. AV- 6

EME

S. APR. J.C.)

La technique de la mosaïque consiste en l’application sur une couche de ciment frais, de petits cubes de verre ou de pierre appelés « tesselles »1(Figure 19). L’art de la mosaïque a joué un rôle important dans la décoration des maisons, des églises et des places publiques dans l’Antiquité gréco-romaine et au Moyen Age. Les Grecs sont les premiers à avoir utilisé cette technique et ont produit de nombreuses mosaïques de pierre. Les Romains ont, eux, utilisé des tesselles de marbre et de verre pour ornementer leurs parterres, colonnes, niches et fontaines, comme on peut le voir à Pompéi par exemple.

Figure 19 Tesselles de verre opaque datant du 2ème s. apr. J.C. Saint-Germain-en-Gal (Vienne) (d’après Slitine, 2005).

1

Six tesselles de verre opaque coloré (5 bleues, 1 turquoise) trouvées dans les champs de fouilles autour à d’Aquilée (Italie) dans un contexte Romain datant de 181 av.J.C. à 452 apr.J.C. ont été prêtées par le chercheur italien Cesare Moretti. Le lieu exact de provenance et le contexte des fouilles ne sont pas connus. Deux autres tesselles de mosaïque (1 bleu, 1 turquoise) provenant de Rome et datant de 390 apr. J.C., ont été prêtées par l’Instituto Centrale del Restauro de Roma (Paola Santopadre). Une tesselle de mosaïque de couleur rose, venant de San Lorenzo Fuori le Mura à Rome, datée du 6ème s. apr. J.C., a été prêtée par Marco Verità (Annexe 4).