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4. Peptides antimicrobiens procaryotes

4.1.1 Ubiquité de la production de bactériocines

4.1.1.2 Production par les bactéries à Gram négatif

En plus des peptides antimicrobiens produits par les bactéries lactiques à Gram positif, des bactériocines ont également largement été caractérisées chez les bactéries à Gram négatif, en particulier Escherichia coli et d’autres entérobactéries. Pour des raisons historiques, les plus étudiées sont des protéines appelées colicines. Parallèlement aux colicines, d’autres bactériocines également produites par la famille des Enterobacteriaceae, mais de plus petite masse molaire et résistantes aux protéases ont été identifiées dès 1976 et sont appelées microcines (Asensio et Pérez-Díaz, 1976). Il est amusant de noter que la première bactériocine mise en évidence en 1925 par Gratia, la colicine V, est en réalité une microcine du fait de sa faible masse moléculaire et de ses caractéristiques structurales.

86 Colicines

Les colicines sont des protéines bactéricides de hautes masses moléculaires (30-80 kDa) produites par de nombreuses souches d’E. coli en situation de stress (Rebuffat, 2011). Contrairement à la classification des bactériocines produites par les bactéries à Gram positif qui repose principalement sur des critères structuraux, la classification des colicines repose sur deux critères, leur mode d’action et les mécanismes de reconnaissance utilisés par les colicines pour être internalisées par les bactéries cibles (Rebuffat, 2011 ; Zamaroczy et Chauleau, 2011). Les récepteurs impliqués dans l’étape de reconnaissance sont associés à une ou deux machineries protéiques appelées Ton et Tol (Cascales et al., 2007). Ces deux machineries sont ancrées dans la membrane et fournissent de l’énergie aux récepteurs. Les colicines de groupe A requièrent le système Tol et celles du groupe B, le système Ton. Les groupes A et B sont aussi séparés en fonction de la taille du plasmide qui code les colicines des deux groupes et le mécanisme de libération des colicines : les colicines du groupe A sont codées par des petits plasmides et libérées dans le milieu de culture alors que les colicines de groupe B sont codées par de grands plasmides et ne sont pas libérés dans le milieu extracellulaire (Cascales et al., 2007). Le groupe A est composé des colicines A, E1 à E9, K, N, U et S4 alors que le groupe B comprend les colicines B, D, Ia, M, 5 et 10 (Rebuffat, 2011).

Microcines

Les microcines sont des peptides de masse moléculaire comprise entre 1 et 10 kDa et qui sont généralement résistantes aux protéases ainsi qu’aux pH et températures extrêmes (Duquesne et al., 2007). Etant donné la diversité structurale des microcines et l’hétérogénéité de leurs modes d’action, l’élaboration d’une classification de ces peptides antimicrobiens est une tâche difficile. Les microcines sont aujourd’hui divisées en deux classes établies selon trois critères : (1) la présence, nature et localisation des modifications post-traductionnelles, (2) l’organisation du cluster de gènes responsable de leur biosynthèse et (3) la séquence de leurs peptides précurseurs (Duquesne et al., 2007). La première classe regroupe les peptides ayant une masse moléculaire inférieure à 5 kDa et qui ont subi d’importantes modifications post-traductionnelles. Cette classe est composée des microcines B17, C7/C51 et J25. Pour la microcine B17, 14 acides aminés sur 43 sont modifiés post-traductionnellement pour conduire à des structures originales comme des cycles thiazoles et oxazoles résultant de la déshydratation et la déshydrogénation des acides aminés Gly-Ser (oxazole) et Gly-Cys (thiazole) (Bayer et al.,

87 1995) (Figure 29). Les microcines C7 et C51 sont en fait deux peptides identiques codés par des systèmes génétiques légèrement différents caractérisés chez deux souches d'E.coli. Elles sont souvent traitées ensemble et nommées microcine C7/C51. Cette microcine est un heptapeptide contenant une adenosine monophosphate modifiée liée de façon covalente à l'extrémité C-terminale du peptide via une liaison N-acyl phosphoramidate (Guijarro et al., 1995) (Figure 29). Enfin, la microcine J25 adopte une structure en peptide lasso, un groupe de peptides d'origine bactérienne caractérisés par une topologie de type rotaxane, dont certains sont antimicrobiens (Maksimov et al., 2012 ; Hegemann et al., 2015 ; Li et al., 2015). Dans le cas de la microcine J25, le premier acide aminé, une glycine, est lié à la chaîne latérale du glutamate en position 8 via une liaison lactame, formant ainsi un cycle. L’extrémité C-terminale de la microcine J25 est insérée dans ce cycle dans lequel elle est maintenue de façon non covalente par des interactions stériques, conduisant à une boucle qui traverse le cycle et formant ainsi la structure rotaxane en lasso caractérisée par le cycle, la boucle et la queue (Rosengren et al., 2003) (Figure 29).

Figure 29. Microcines modifiées post-traductionellement.

Les cycles oxazole de la microcine B17 sont entourés en rouge et les cycles thiazoles son entourés en vert. (Maksimov et al. ; Severinov et al., 2007 ; Yorgey et al., 1993)

La seconde classe de microcines regroupe les peptides de plus hautes masses moléculaires (entre 5 et 10 kDa). Elle est elle-même subdivisée en deux sous-classes IIa et IIb (Duquesne et al., 2007). La sous-classe IIa est composée des microcines L, V et 24 codées par un plasmide

88 et qui ne subissent pas de modifications post-traductionnelles, mais dont certaines possèdent des ponts disulfures. A l’opposé, la classe IIb regroupe les microcines codées par un gène localisé sur le chromosome qui présentent une modification post-traductionnelle ancrée à l’extrémité C-terminale. Cette modification est un sidérophore. Les microcines qui composent ce groupe sont les microcines E492, M, H47 et potentiellement I47 et G47 (Duquesne et al., 2007 ; Vassiliadis et al., 2010).

Autres bactériocines produites par les bactéries à Gram négatif

Bien que les colicines et les microcines soient les peptides antimicrobiens les plus étudiés chez les bactéries à Gram négatif, E. coli n’est pas la seule espèce à produire des bactériocines. En effet, un nombre limité de bactériocines produites par des bactéries à Gram négatif différentes d’E. coli ont été mises en évidence. Certaines d’entre elles présentent des caractéristiques communes avec les colicines, comme les pyocines produites par les espèces du genre Pseudomonas, les lumicines produites par Photorhabdus luminescens, les pesticines produites par Yersinia pestis, ou encore les klebicines produites par Klebsiella pneumoniae (Chhibber et Vadehra, 1986 ; Elgat et Ben-Gurion, 1969 ; Osman, 1965 ; Sharma et al., 2002). D’autres peptides antimicrobiens, s’apparentant davantage aux microcines qu’aux colicines, sont produits principalement par des souches des genres Vibrio, Myxococcus et Aeromonas. Ces bactériocines sont appelées BLIS (bacteriocin-like inhibitory substances) (Rebuffat, 2011). Un nombre restreint de BLIS ont été bien identifiées. Pour la plupart, elles ont été purifiées et/ou caractérisées partiellement et ne sont de ce fait pas sujettes à entrer dans une classification. Bien que beaucoup de bactériocines aient été découvertes à ce jour, un nombre limité d’entre elles ont été entièrement caractérisées au niveau de leur structure, mécanisme d’action… La suite de cette partie illustre les caractéristiques connues à ce jour pour les bactériocines.

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