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3. Ecologie des milieux hypersalins

3.3.3 Archées halophiles

Chez les archées, des représentants halophiles ont été identifiés parmi le phylum des Euryarchaeota, plus précisément appartenant aux classes Halobacteria et Methanomicrobia, et

64 plus récemment parmi le superphylum DPANN. La classe des Halobacteria est composée d’organismes considérés comme les halophiles par excellence. Cette classe est presque exclusivement composée d’organismes halophiles stricts qui requièrent des concentrations en sels supérieures à 150 g.L-1 pour leur prolifération et qui subissent des dommages irréversibles, dans beaucoup de cas même une lyse cellulaire, si la concentration saline est inférieure à 100 g.L-1 (Oren, 2011). Néanmoins, des études récentes relatent la présence d’archées, bien qu’appartenant à la classe des Halobacteria, dans des niches écologiques inattendues où la concentration en sels est très faible. C’est le cas des espèces Haladaptatus paucihalophilus, Halosarcina pallida et Haloferax sulfurifontis, isolées de sources sulfureuses dans l’Oklahoma où la concentration saline est de 46,8 - 58,4 g.L-1, et qui sont donc considérés comme halophiles modérés (Elshahed et al., 2004 ; Savage et al., 2007, 2008). En mai 2016, les Halobacteria comptent 54 genres plus 2 candidats : Candidatus Halobonum et Candidatus Haloectosymbiotes (Filker et al., 2014 ; Ugalde et al., 2013) et 225 espèces clairement définies et validées par le comité international de systématique des Procaryotes (ICSP) (Tableau 5). La découverte de nouveaux genres et espèces parmi les halophiles extrêmes de la classe des Halobacteria est en pleine expansion (Oren, 2014b). En effet, depuis 2010, 25 nouveaux genres ont été décrits. Jusqu’en 2015, les archées halophiles extrêmes faisaient partie de la classe Halobacteria qui ne comprenait qu’un seul ordre, les Halobacteriales, et une seule famille, les Halobacteriaceae. L’augmentation des données issues du séquençage des génomes a permis d’affiner les données taxonomiques de ces archées halophiles. L’analyse de 129 séquences de génomes et l’identification de signatures moléculaires, comme les 234 signatures de protéines conservées (CSPs) et les 40 signatures d’indel (insertions-délétions) conservées (CSIs), a permis de définir 3 ordres au sein de la classe des Halobacteria : les Halobacteriales, les Haloferacales et les Natrialbales, respectivement divisées en trois, deux et une famille (Tableau 5) (Gupta et al., 2015). Les différentes familles incluent des cellules adoptant une forme de coques ou de bâtonnets, mais également des cellules pléomorphes, et même parfois rectangulaire comme c’est le cas pour l’archée carré Haloquadratum walsbyi (Oren, 2012). Parmi les archées halophiles de la classe Halobacteria, certaines sont alcalophiles (espèces appartenant aux genres Natronobacterium, Natronorubrum et Natromonas), d’autres acidophiles (Halarchaeum acidiphilum) (Minegishi et al., 2010a), d’autres encore psychrotolérantes (Halorubrum lacusprofundi) (Oren, 2012).

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Phylum Classe Ordre Famille Genre

Euryarchaeota Halobacteria Halobacteriales Haloarculaceae Halapricum Haloarcula Halomicroarcula Halomicrobium Halorhabdus Halorientalis Halosimplex Halobacteriaceae Haladaptatus Halalkalicoccus Halarchaeum Haloarchaeobius Halobacterium Halocalculus Halomarina Halorubellus Halorussus Halosiccatus Halovarius Halovenus Natribaculum Natronoarchaeum Natronomonas Salarchaeum Salinirubrum Halococcaceae Halococcus

Haloferacales Haloferacaceae Halobellus Haloferax Halogeometricum Halogranum Haloparvum Halopelagius Haloplanus Haloquadratum Halosarcina Halorubraceae Halanaeroarchaeum Halobaculum Halohasta Halolamina Halonotius Halopenitus Halorubrum Salinigranum Candidatus Haloectosymbiotes

Inconnue Candidatus Halobonum

Natrialbales Natrialbaceae Halobiforma Halopiger Halostagnicola Haloterrigena Halovivax Natrialba Natrinema Natronobacterium Natronococcus Natronolimnobius Natronorubrum Salinarchaeum

Methanomicrobia Methanosarcinales Methanosarcinaceae Methanohalobium Methanohalophilus Methanosalsum

Methanomicrobiales Methanocalculaceae Methanocalcus

DPANN

(Nanohaloarchaeota)

Nanohaloarchaea Candidatus Haloredivivus Candidatus Nanosalina Candidatus Nanosalinarum

Tableau 5. Principaux genres d’archées halophiles.

Des représentants halophiles des archées sont présents parmi le phylum des Euryarchaeota, Halobacteria et

Methanomicrobia et le superphylum DPANN (phylum des Nanohaloarchaeota). Ce tableau a été réalisé en mai

66 Parmi le phylum des Euryarchaeota, des espèces halophiles et halotolérantes ont également été identifiées dans la classe des Methanomicrobia et plus particulièrement les ordres Methanosarcinales et Methanomicrobiales (Tableau 5). Il s’agit d’archées méthanogènes, appartenant principalement à la famille Methanosarcinaceae (Oren, 2014b). Cette famille est composée de 7 genres phylogénétiques dont seulement 3, les genres Methanohalobium, Methanohalophilus et Methanosalsum contiennent des représentants halophiles. L’organisme méthanogène le plus halophile est Methanohalobium evestigatum, isolée d’un lagon hypesalin du lac Sivash en Ukraine, dont la croissance optimale a lieu à 250 g.L-1 de NaCl (Zhilina et Zavarzin, 1987). D’autres méthanogènes halophiles appartiennent à la famille Methanocalculaceae. Dans cette famille, deux organismes hautement tolérants au sel ont été décrits : Methanocalculus halotolerans, qui pousse entre 0 et 125 g.L-1 de NaCl, et Methanocalculus natronophilus, qui pousse entre 53 et 193 g.L-1 de NaCl (Oren, 2014b). La découverte d’organismes méthanogènes halophiles indique que la réaction de méthanogénèse peut avoir lieu à de très fortes concentrations salines, proches de la saturation.

En 2012, une étude métagénomique menée sur le lac hypersalé Tyrrell en Australie, a révélé l’abondante présence d’archées possédant un génome et des capacités métaboliques très différentes des archées halophiles précédemment décrites (Narasingarao et al., 2012). En outre, ces archées possédaient des caractéristiques qui leur étaient propres : composition en acides aminés unique, absence de protéines Gvp qui constituent les vésicules de gaz, chemins métaboliques originaux et petite taille cellulaire (≈0,6 µm de diamètre). Des analyses phylogénétiques ont permis de démontrer que ces organismes appartenaient à un nouveau groupe taxonomique unique, phylogénétiquement distant de la classe des Halobacteria. Une nouvelle classe d’archées, les Nanohalobacteria, fut alors proposée parmi le phylum des Euryarchaeota, composée des trois genres candidats : Candidatus Nanosalina, Candidatus Nanosalinarum et Candidatus Haloredivivus (Ghai et al., 2011 ; Narasingarao et al., 2012) (Tableau 5). En 2013, une étude basée sur des analyses phylogénétiques révèle que la classe des Nanohalobacteria avait été incorrectement placée dans le phylum des Euryarchaeota. Ainsi, la classe des Nanohalobacteria a été déplacée dans le superphylum DPANN (Rinke et al., 2013). C’est la première fois que des représentants halophiles ont été identifiés comme appartenant à autre phylum que celui des Euryarchaeota. Le développement des techniques de métagénomique qui a conduit à la découverte du nouveau groupe taxonomique des Nanohalobacteria démontre que des environnements hypersalins, même s’ils ont été très

67 étudiés historiquement, peuvent révéler une diversité inattendue de micro-organismes halophiles. Ainsi, notre connaissance de la répartition des halophiles chez les archées est vraisemblablement encore incomplète.

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