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4. Peptides antimicrobiens procaryotes

4.1.3 Mode d’action

Un grand nombre de bactériocines possèdent des cibles externes comme la paroi ou la membrane cytoplasmique. Les parois des bactéries à Gram positif et Gram négatif ont une composition différente et le mécanisme d’action qui les cible sera donc différent (Figure 35).

Figure 35. Paroi des bactéries à Gram négatif et Gram positif.

L’espace intracellulaire est représenté en violet, l’espace périplasmique est représenté en jaune et l’espace extracellulaire est représenté en bleu. La paroi des bactéries à Gram négatif consiste en un polymère fin dans l’espace périplasmique entre la membrane interne et la membrane externe. La membrane externe contient des lipopolysaccharides et des porines impliquées dans le transport. Les bactéries à Gram positif possède une unique membrane plasmique, entourée d’une paroi composée du peptidoglycane et des acides lipoteichoïques (Brown et

al., 2015).

Certains lantibotiques ont un double mécanisme d’action : la perméabilisation de la membrane plasmique et l’inhibition de la biosynthèse du peptidoglycane. Dans ce double mécanisme d’action, le lipide II, qui est un intermédiaire de la biosynthèse du peptidoglycane, sert de molécule d’ancrage, à la fois pour provoquer l’inhibition de la synthèse du peptidoglycane et la formation de pores dans la membrane plasmique. L’exemple de ce double mécanisme d’action est illustré par le cas de la nisine. La nisine possède cinq cycles a, b, c,

96 d et e dans sa structure finale (Figure 36). Les deux cycles N-terminaux, a et b, piègent le lipide II de la membrane cible. Ce complexe est stabilisé par des liaisons hydrogène établies avec les molécules de phosphate du lipide II(Figure 36). Le lipide II étant un intermédiaire de la biosynthèse du peptidoglycane ancré dans la membrane cytoplasmique, sa séquestration par la nisine inhibe la biosynthèse du peptidoglycane (Breukink et de Kruijff, 2006 ; de Kruijff et al., 2008).

Figure 36. Interaction de la nisine avec le lipide II.

La nisine possèdent cinq cycles (indiqués par les lettres a à e). Les cycles a et b piègent le motif pyrophosphate du lipide bleu (représenté en bleu). Le complexe est stabilité par des liaisons hydrogène représentées en jaune. Les résidus Lan sont indiqués en rouge et les résidus MeLan sont indiqués en bleu (Breukink et de Kruijff, 2006).

L’interaction de la nisine et du lipide II est aussi la première étape de la formation de pores dans la membrane cytoplasmique : (a) les monomères de nisine atteignent la membrane plasmique où (b) ils se fixent au lipide II ; (c) les monomères de nisine adoptent une orientation transmembranaire qui résulte en la formation d’un pore constitué de 8 molécules de nisine et de 4 molécules de lipide II (Figure 37) (Breukink et al., 2003). La formation de pores conduit à l’efflux des molécules intracellulaires et à la mort de la cellule. Les deux mécanismes de cette double action sont associés et s’exercent conjointement, ce qui explique les très faibles CMI de la nisine, de l’ordre du nanomolaire. La nisine n’est pas le seul lantibiotique à avoir un double mécanisme d’action puisqu’il est aussi utilisé par d’autres lantibiotiques de type A comme la lacticine 481, la nukacine ISK-1 ou encore la mutacine II.

97 Figure 37. Mécanisme de la formation de pores dans la membrane plasmique par la nisine.

Les monomères de nisine atteignent parallèlement la membrane plasmique de la cellule cible (a) et se fixent au lipide II (b). L’interaction de la nisine et du lipide II conduit à un changement d’orientation de la nisine dont l’extrémité C-terminale insérée dans la membrane forme un pore (c). La membrane plasmique est représentée en bleu (Breukink et de Kruijff, 2006).

Les bactériocines de classe IIa forment aussi des pores dans la membrane de la bactérie cible. Cependant, le lipide II n’est pas toujours impliqué dans ce processus. C’est le cas de la pédiocine PA-1 qui utilise en tant que récepteur un composant du transport du mannose, la phosphotransférase (Man-PTS), et exerce son activité antimicrobienne par dissipation de la force proto-motrice via la formation de pores (Figure 38). Des études récentes ont permis d’identifier de nouvelles cibles localisées dans la membrane des bactéries à Gram positif : le transporteur ABC du maltose est la cible des bactériocines circulaires de la classe IIc, la metallopeptidase zinc-dépendante est la cible des bactériocines de la classe IId et la pyrophosphate phosphatase semble être la cible des bactériocines de la classe IIb (Gabrielsen et al., 2012 ; Uzelac et al., 2013 ; Kjos et al., 2014) (Figure 38).

98 Figure 38. Cibles des bactériocines contre les bactéries à Gram positif.

Les bactériocines de classe IIa cible le système de transport du mannose (man-PTS), les bactériocines de classe I ont un mécanisme d’action qui implique le lipide II. Les bactériocines de la classe IIc cible le transporteur ABC du maltose. Le mécanisme cible des bactériocines de la classe IId implique la metallopeptidase dépendante au zinc et les bactériocines de classe IIb cibleraient la phosphatase pyrophosphate (Cotter, 2014).

Il existe également des bactériocines qui ont des cibles intracellulaires. C’est le cas des microcines de classe I qui ciblent des enzymes impliquées dans la synthèse ou la structure de l’ADN/ARN. La microcine B17 inhibe l’ADN gyrase, enzyme de la famille des topoisomérases de classe II impliquée dans la topologie de l’ADN et la réplication chez les bactéries (Herrero et Moreno, 1986 ; Laviña et al., 1986 ; Vizán et al., 1991 ; del Castillo et al., 2001). A ce jour, le mécanisme de cette inhibition n’est pas complètement élucidé mais il a été montré que la microcine B17 provoquait un piège irréversible pour le complexe ADN-gyrase, conduisant à l’accumulation de cassures de l’ADN double brin et une inhibition de la réplication (Vizán et al., 1991). La microcine C7/C51 a pour cible l’aspartyl-ARNt synthétase, et est donc un inhibiteur de traduction des protéines (Garcia-Bustos et al., 1985 ; Guijarro et al., 1995). La microcine J25 cible l’ARN polymérase et inhibe ainsi la transcription. La microcine J25, en se fixant dans le deuxième canal de l’ARN polymérase, l’obstrue et bloque le passage des nucléosides triphosphate via ce canal (Delgado et al., 2001 ; Mukhopadhyay et al., 2004) (Figure 39).

99 Figure 39. Obstruction du second canal de l’ARN polymérase par la microcine J25.

Les modèles du complexe ARNp-microcline J25 sont représentés en vue latérale (en haut) et vue de haut. L’ARNp est représentée en bleu. La microcine J25 est représentées en vert, rouge et violet. Les chiffres jaunes indiquent les sites de substitutions de l’ARNp qui confère la plus grande résistance à la microcine J25 (Mukhopadhyay et al., 2004).

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