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De la production au bien-être matériel

Chapitre I. Fondements conceptuels et principes directeurs

5. Prolongements

1.2. De la production au bien-être matériel

53. Hormis ces insuffisances bien connues en matière d’évaluation de la performance économique, des indicateurs fondés sur la production comme le PIB ne parviennent pas à restituer certains aspects importants du bien-être matériel, tandis que ceux basés sur le revenu ou la consommationsont sans doute mieux adaptés. Par ailleurs, des agrégats plus proches des ménages que ne l’est le PIB peuvent fournir des informations supplémentaires utiles sur les modèles de croissance et l’évolution du bien-être matériel. Si l’on regarde par exemple le cas de la France, de l’Allemagne et de l’Europe des 27 sur la période 2000-2009, ces différentes variables racontent des histoires différentes sur la croissance (tableau 1). Alors que d’après toutes les mesures du tableau, la France et l’Europe des 27 enregistrent une croissance forte, la France se distingue par une évolution du revenu disponible des ménages et de la consommation finale encore plus forte.

1. Croissance française et allemande mesurée par différents indicateurs (1999-2009)

Source : Eurostat.

54. Comme la valeur des loisirs n’entre pas dans le calcul du PIB, les écarts internationaux de PIB, de PIB par habitant ou de PIB par heure tra-vaillée pourraient refléter au moins partiellement les écarts de préférences pour les biens et les loisirs. De ce fait, une comparaison internationale des niveaux est fondamentalement problématique. L’enjeu n’est toutefois pas le même si l’ambition est de comparer la performance économique ou les

Taux de croissance annuels moyens, en %

variations du bien-être matériel au fil du temps. Dans ce cas, comme on peut estimer à juste titre que les préférences varient relativement lente-ment, il semble judicieux de comparer directement l’amélioration du bien-être matériel. Comme les principales difficultés conceptuelles surviennent lors de la comparaison des niveaux de bien-être matériel, c’est un domaine de recherche à privilégier. Étant donné la nature des difficultés de comparabilité, il convient d’y parvenir hors du cadre de la comptabilité nationale, par le biais d’enquêtes Budget-temps et l’élaboration de comptes satellites.

Les données très agrégées présentent une autre limite importante : elles ne tiennent pas compte des disparités de revenu entre les ménages à haut et bas revenu, entre les détenteurs nationaux et étrangers de facteurs de pro-duction, et entre les travailleurs et les détenteurs nationaux de capital. Nul doute que différentes répartitions du revenu issu du processus de produc-tion peuvent engendrer divers degrés de bien-être. En particulier, en cas de conflit entre équité et performance économique, il faudrait évaluer la va-leur qu’une société attribue à ces deux objectifs pas toujours conciliables, ce qui requiert un traitement séparé de la performance économique et des variations du bien-être matériel.

55. Larichessematérielle joue un rôle double dans la détermination du bien-être matériel. D’abord, les variations de richesse nette peuvent annon-cer une dégradation ou une amélioration de la disponibilité future de biens et services. Une leçon importante doit être tirée de la crise financière ac-tuelle : les forts taux de croissance enregistrés par les mesures standard de performance économique et de bien-être matériel peuvent en fait dissimu-ler des augmentations intenables de l’endettement par rapport au revenu et à la richesse. L’évaluation de la richesse de ce point de vue soulève donc la question de la soutenabilité, que nous étudierons au chapitre IV. Ensuite, et nous y reviendrons plus tard, le niveau et la répartition actuels des revenus et des richesses jouent un rôle dans la détermination des niveaux de bien-être matériel.

56. De ce débat, il ressort que deux stratégies doivent être appliquées simultanément pour améliorer l’éventail actuel d’indicateurs. À l’évidence, les déficiences actuelles du PIB en tant qu’indicateur de la performance économique ne sont pas suffisamment graves pour renoncer totalement à celui-ci ni aux mesures qui en découlent. La première approche consisterait plutôt à retenir ces mesures et à améliorer leur pertinence par le biais d’ajustements appropriés. En procédant de la sorte, il convient de décider de l’ordre dans lequel s’attaquer à ces déficiences. Pour hiérarchiser les priorités, il est nécessaire de comparer les informations sur l’ampleur de ces problèmes et le coût d’une amélioration notable. Quant à la seconde approche, il est apparu que la mesure des variations du niveau de bien-être matériel exige une palette plus vaste que le seul PIB, constituée d’indica-teurs qui mettent en évidence les écarts entre la consommation, le revenu et la production, ainsi que les questions de répartition (encadré 1).

1. Comment restituer les questions de répartition dans les comptes nationaux : éclater le compte

des ménages par catégorie de ménage

Ni le PIB ni d’autres agrégats de comptabilité nationale ne rendent compte des variations de la répartition des ressources, et de répartition de ces varia-tions par catégorie de ménage. Afin de compléter l’analyse macroéconomique fondée sur les comptes nationaux, il est nécessaire d’utiliser les statistiques microéconomiques recueillies par le biais des enquêtes auprès des ménages, car elles fournissent des informations suffisamment riches pour élaborer des indicateurs d’inégalités pour chaque catégorie de ménage. Mais les différences de définition et de méthode peuvent également générer des divergences entre les statistiques macroéconomiques et microéconomiques et « brouiller » les messages envoyés par les différents indicateurs. L’amélioration de la cohérence entre ces deux sources devrait donc être prioritaire pour chaque système statis-tique. Mais il s’agit d’un exercice ardu et l’obtention d’avancées perceptibles doit être un objectif à moyen terme.

Dans cet ordre d’idées, les instituts de statistiques de toute l’Europe tentent de compléter les statistiques de comptabilité nationale standard par des don-nées appropriées qui rendent compte de la distribution du revenu national entre les ménages. L’INSEE en France et DESTATIS en Allemagne mènent actuelle-ment des projets pour créer des statistiques sur la répartition du revenu à un niveau individuel et donner ainsi un aperçu détaillé de la situation de différents types de ménages. Par exemple, l’INSEE a déjà publié des données sur le compte des ménages en 2003 (revenu, consommation et épargne) par catégorie de mé-nage (Accardo et al., 2009). Le revenu disponible, les dépenses de consomma-tion et les taux d’épargne ont été calculés pour l’année 2003 pour différentes catégories de ménage, classés par quintiles de revenu disponible par unité de consommation, par composition du ménage, par âge de la personne de réfé-rence du ménage et par catégorie socioprofessionnelle, données cohérentes avec les données des comptes nationaux. Dans le cadre de travaux futurs, l’INSEE prévoit de publier une décomposition du compte de patrimoine par catégorie de ménage, ainsi que les évolutions sur la période 1997-2007, du revenu de ces différentes catégorie de ménage (annexe 1).

2. Faire du PIB un meilleur indicateur

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