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6 producteurs de nature

Effectivement, l’entretien de l’espace peut remobiliser des catégories telles que le sauvage et le domestique, le propre et le sale, largement en usage chez les éleveurs. Pour autant, le

Les plantes de montagne – Université de Toulouse-le-Mirail – 6-8 novembre 2009

maintien des paysages et le rôle de « jardinier de la nature » assigné à l’agriculture de montagne assurent-ils intrinsèquement la conservation de la biodiversité ?

Quoi qu’il en soit, les aides publiques particulières à l’agriculture de montagne ont entériné cette détermination du rôle social de l’agriculture de montagne.

« Les indemnités compensatoires de handicaps naturels (ICHN) contribuent au maintien d’une communauté rurale viable dans les zones défavorisées et participent ainsi à équilibrer l’occupation du territoire par les activités économiques et humaines. L’activité agricole ainsi maintenue, conjuguée avec les exigences liées à l’attribution de l’ICHN, permet l’entretien des milieux, la préservation d’écosystèmes diversifiés ainsi que des caractéristiques paysagères de l’espace agraire de ces zones. Cette politique conduite depuis 1974 consiste à verser annuellement dans les zones de montagne et les zones défavorisées des aides aux exploitations herbagères d’élevage qui pratiquent un pâturage adapté au milieu. » (http://agriculture.gouv.fr)

Cette aide, la plus importante pour les exploitations de montagne, est différenciée selon un zonage géographique (défavorisé, piémont, montagne, haute montagne) défini à l’origine selon des critères agronomiques (présence de terres peu productives), pédologiques, géomorphologiques, climatiques, mais aussi en prenant en compte les aspects économiques  (faible revenu agricole) et socio-démographiques (faible densité de la population) de la région considérée. Si l’on s’en tient à son nom, cette indemnité vise à compenser un handicap lié à une situation naturelle. Plus l’éleveur est handicapé par la nature dans l’acte de production agricole, plus l’aide qu’il perçoit est importante. Cependant, la définition qui en est donnée et ses critères d’attribution n’ont cessé d’évoluer : de compensation agronomique et économique, l’indemnité est devenue compensation afin de « maintenir et promouvoir des modes d’exploitation durables qui tiennent compte en particulier des exigences environnementales » (http://www.ichn-agriculture.org).

Ces évolutions et les nouvelles définitions qui en découlent entretiennent un certain flou quant à la raison de son versement. Cela n’empêche pas certains éleveurs de relayer ce discours de légitimation de leur activité : « Nous, en montagne, on ne doit pas chercher à produire… On doit se contenter des primes, plafonner les ICHN, on ne peut pas produire comme dans la plaine, on ne peut pas engraisser… On est là pour entretenir l’espace ». Sans que pour autant dans la pratique cela corresponde au fonctionnement de leur exploitation.

Plus explicite, sur le territoire du Parc national des Pyrénées, la mesure « prairie fleurie » accorde une aide aux éleveurs qui s’engagent à « maintenir la richesse floristique d’une prairie naturelle » présentant une flore remarquable. Pour être éligible à l’aide, un diagnostic réalisé par les techniciens de l’ADASEA11, devenus naturalistes l’instant de

cette mesure, identifiera et vérifiera la présence de plantes indicatrices de la qualité écologique de la prairie parmi une liste de vingt-six espèces. La volonté éducative reste de mise. Un guide illustré d’identification des espèces est distribué aux éleveurs lors de réunions d’information et présente les bases de la botanique. Il s’agit bien de former des bergers naturalistes considérés désormaiscomme des producteurs de nature.

11 L’Association Départementale pour l’Aménagement des Structures des Exploitations agricoles, liée à la chambre d’agriculture, a un rôle d’interface entre les agriculteurs et l’administration, elle accompagne les agriculteurs dans l’élaboration de leurs dossiers d’aides publiques.

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