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The commemoration of Augustin Pyramus de Candolle’s botanical expedition of 1807: the making of Pyrenean identity

7. Politique et économie

L’idée de patrimoine suppose un travail de mémoire revisité par le présent pour l’avenir. L’expédition donne une représentation du vif intérêt que les spécialistes ont depuis plusieurs siècles porté à la flore pyrénéenne, signe qu’elle a une haute valeur. Mais derrière les fleurs, c’est tout le monde naturel pyrénéen qui est à l’honneur. Dans la modernité, on parle de biodiversité, d’environnement naturel, de paysages exceptionnels. Via la figure savante du botaniste, envisager la flore du territoire pyrénéen comme patrimoine, c’est aussi l’envisager en termes de conservation et de gestion. Le Commissariat à

5 Notons d’ailleurs que cette démarche est fort éloignée du protocole d’investigation

habituellement mis en place par les Conservatoires botaniques nationaux. Dans le cadre de leur activité d’inventaire, ils ne travaillent pas par transects linéaires mais par mailles, c’est à dire par superficies de 5 à 10 km2 pouvant recouvrir des milieux écologiques différents.

Le territoire d’étude est alors divisé et visité à des époques de floraison échelonnées sur l’année

.

l’aménagement des Pyrénées (DIACT6) ne s’y est pas trompé, qui a vu dans ce projet

l’opportunité de donner une image valorisante de ses propres perspectives. Dans ce cadre plus politique, le patrimoine naturel et culturel est vécu comme une ressource.

Dans le document de Convention interrégionale de massif des Pyrénées 2007-2013, les intentions de la DIACT sont claires : « […] la pérennité des ressources sur lesquelles sont fondées l’attractivité et le développement des Pyrénées repose sur un équilibre fragile entre protection et préservation de la biodiversité d’une part, et développement des activités économiques d’autre part. » La biodiversité pyrénéenne doit être valorisée car elle est un atout touristique et donc un enjeu de développement économique. Un des objectifs de la DIACT est alors de promouvoir le massif sur la base de la valeur de son environnement et de privilégier les actions de communication qui vont dans ce sens « pour faire des Pyrénées une destination exemplaire qui se démarque de la concurrence. » Dans cette optique, l’expédition de 2007 avait tout pour séduire ce service de l’Etat. Elle s’adresse au grand public en une vaste opération de communication, exaltant les Pyrénées en tant que terre de découverte et de richesse floristique où se mêlent facteurs humains et aspects sauvages. Elle inscrit la prise en compte de l’environnement dans l’histoire même des Pyrénées à travers ceux qui les ont « faits ».

Sous forme de transect linéaire, cette traversée d’un bout à l’autre du massif a en outre l’intérêt de donner à voir la chaîne dans son intégralité, dans une unité cohérente à la fois culturelle et environnementale. A l’heure des enjeux européens et mondiaux et au moment où le « massif pyrénéen […] accroît son intégration au sein de l’espace national et européen » (Convention interrégionale de massif des Pyrénées 2007-2013), c’est une identité pyrénéenne globale – au-delà de ses disparités – qui doit se dégager pour pouvoir être saisie de l’extérieur. Le tracé de l’expédition et la charge historique qu’on lui alloue contribuent à fabriquer la cohésiondu territoire. C’est d’ailleurs ce tracé, dans la version que De Candolle en donne, que la DIACT a choisi pour illustrer sa carte de vœux 2007.

Conclusion

La loi du 10 juillet 1976 sur la protection de la nature stipule qu’ « il est du devoir de chacun de veiller à la sauvegarde du patrimoine naturel dans lequel il vit. » Avec elle, on passede l’idée de protection de la nature (relevant plutôt du ressort des spécialistes avec une vision très naturaliste sur une nature à mettre en défens) à celle de gestion du patrimoine naturel. Cela suppose un engagement plus dynamique des différents acteurs, la responsabilisation du public et la prise en compte des activités humaines. Il y a là aussi l’idée d’une gestion plus politique où intervient la nécessiter de communiquer. L’idée même de patrimoine, ses assises scientifiques, historiques, identitaires jouent alors un rôle clé dans une entreprise de vulgarisation scientifique qui cherche à sensibiliser et à convaincre.

L’expédition « Sur les traces d’Augustin Pyramus De Candolle » se situe résolument dans cette perspective de sensibilisation et de vulgarisation. Donner à la flore pyrénéenne une valeur patrimoniale, c’est tisser autour d’elle un maillage de représentations, de connaissances, de références puisées dans la mémoire collective savante et populaire puis réactualisées. Ici, elle est le lieu d’une pratique, d’un savoir, d’une histoire culturelle : celle

6 Délégation interministérielle à l’aménagement et à la compétitivité des territoires. Plantes de montagne – Université de Toulouse-le-Mirail – 6,8 novembre 2009

du botaniste découvreur. Loin d’être une figure identitaire locale, De Candolle est peu connu du public et étranger aux Pyrénées. Mais tout est fait pour gommer son extériorité. L’expédition qui commémore son parcours pyrénéen en lui emboitant le pas insiste sur les performances physiques au cours desquelles les botanistes – présentés avant tout comme des hommes de terrain – font corps avec le territoire de montagne qu’ils explorent. On souligne les rencontres avec les locaux, les guides, les bergers. L’équipe est accompagnée de chevaux de Mérens, race ariégeoise emblématique. Mais c’est surtout en inscrivant les botanistes dans l’histoire même des Pyrénées, en leur donnant une profondeur historique, un ancrage dans le territoire, que la flore, héritage pour les uns, ressource pour les autres, peut faire l’objet d’une appropriation commune. Instrumentalisée par les médias, l’histoire de la botanique pyrénéenne est ici l’outil sur lequel s’appuie la construction d’une image d’un patrimoine naturel et culturel dans lequel s’investit le public.

Bibliographie

Bourneton A, 1998. Un document pyrénéiste capital et inédit : « le voyage de Tarbes » du grand botaniste A.P. de Candolle en 1807, Pyrénées : bulletin pyrénéen n°194 (2), p. 127- 144.

Béraldi H., (1898) 1977. Cent ans aux Pyrénées, t.1. Pau, Les amis du Livre pyrénéen. Candolle de A.P., 1999. Voyage de Tarbes 1807 : première grande traversée des Pyrénées, un voyage dans le Midi de la France, journal et lettres à Fanny transcrits, annotés et présentés par M. Alain Bourneton, Portet sur Garonne, Loubatières.

Delavigne A.-E., 2001. Les espèces d’intérêt patrimoniale et la « patrimonialisation » des espèces. Etude bibliographique, ms pour le Ministère de l’Aménagement du Territoire et de l’Environnement – Programme « Espaces protégés », Muséum d’Histoire Naturelle – Service du Patrimoine Naturel.

Félix A., Largier G., Mendieta S., Neau M., Presseq B., 2008. Pyrénées, l’aventure botanique : sur les traces d’Augustin Pyramus de Candolle, Cazaril-Laspene, Terranoos, 140 p.

Terranoos. Sur les traces du botaniste Augustin Pyramus de Candolle, 200ans après [en ligne], 2007. http://www.terranoos.org/fr/de-candolle/carnet-de-route.html